Pneumologie

BPCO : l’altération du surfactant en cause mais dans la genèse ou dans l’aggravation ?

   Une approche « multi-omique » innovante a démontré les liens existant entre dysrégulation du surfactant, obstruction bronchique et emphysème au cours de la BPCO. Une corrélation existe mais la question de son rôle dans la genèse ou dans l’aggravation de la BPCO reste posée. D’après un entretien avec Anh-Tuan DINH XUAN.

  • 09 Fév 2023
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    Une étude dont les résultats sont parus en décembre 2022 dans l’ERJ Open Research, a cherché à démontrer qu’il existe un lien entre l’altération du surfactant et la BPCO. Il s’agit d’une étude mécanistique ayant pour objectif de mieux comprendre le rôle physiopathologique du surfactant dans l’évolution de la BPCO. Pour cela les auteurs ont réalisé une approche multi-omique (protéomique, lipidomique, trancriptomique) sur un petit groupe de 26 sujets atteins de BPCO, en les  comparant à un groupe de 36 sujets non atteints de BPCO, dont 20 étaient d’anciens fumeurs. Ils ont utilisé une méthode invasive avec l’étude du liquide bronchoalvéolaire, dont ils ont corrélé les anomalies à celles retrouvées sur le scanner thoracique et aux EFR.

     

     

    Corrélation atteinte du surfactant/BPCO

     

    Le professeur Anh-Tuan DINH XUAN, pneumologue à l’hôpital Cochin, à Paris, rappelle que les lipides jouent un rôle fondamental dans la composition du surfactant et que la diminution des lipides est beaucoup plus importante chez les sujets atteintes de BPCO que dans le groupe témoin. La diminution des lipides précurseurs du surfactant est expliquée par la présence d’une enzyme élastase neutrophilique qui est responsable de la dégradation du surfactant et qui est augmentée chez les patients atteins de BPCO. Anh Tuan DINH XUAN précise que ces phénomènes physiopathologiques ont déjà été démontrés au cours d’études antérieures mais qu’au cours de cette étude les auteurs ont surtout essayé de corréler les anomalies du surfactant avec l’imagerie, notamment le scanner thoracique en expiration et inspiration, et les EFR. Les anomalies radiologiques observées en cas d’emphysème, que sont l’augmentation de la radio densité et les anomalies des voies aériennes distales sont d’autant plus importantes que le surfactant est altéré. D’autre part, les auteurs ont également observé que la DLCO est d’autant plus diminuée que le surfactant est défaillant, ce qui semble être une corrélation directe. Anh-Tuan DINH XUAN estime qu’il existe certainement un rôle physiopathologique du surfactant dans la BPCO, puisque son rôle est de réduire la tension superficielle sensée maintenir la stabilité alvéolaire. Il souligne que le point fort de cette étude est son caractère multi-omique.

     

     

    Un effet de causalité non encore démontré

     

    Anh Tuan DINH XUAN relève cependant deux point faibles à ce travail. Le premier est le faible nombre de sujets inclus. Le second réside dans le fait que trouver une corrélation ne signifie pas démonter un effet de causalité. Les résultats de cette étude renforcent bien l’idée que l’altération du surfactant est liée à la BPCO, mais ne détermine pas à quel moment cela intervient : à la genèse ou au cours de l’aggravation ? Cela reste à démontrer, au cours d’autres études avec un nombre de sujets plus conséquent. Anh Tuan DINH XUAN relève que cette étude a été publiée dans l’ERJ Open Research qui est une revue de qualité mais dont la sélectivité est moins sévère que celle de l’European Respiratory Journal, qui aurait peut être récusé cet article en raison du trop faible nombre de patients inclus.

     

     

    En conclusion, l’approche multi-omique pour déterminer la corrélation entre l’altération du surfactant et la BPCO est intéressante mais des études plus volumineuses et plus précises sont nécessaires pour démontrer s’il existe réellement un lien de cause à effet.

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    JDF