Rhumatologie

Lupus : le traitement aux objectifs est protecteur mais dépend des doses de corticoïdes

Le statut de faible activité de la maladie lupique (LLDAS) réduit significativement le risque de mortalité, mais le statut de rémission ne réduirait pas davantage ce risque, à moins que des seuils de glucocorticoïdes plus bas soient utilisés.

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  • 06 Déc 2022
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    Des objectifs de traitement (« Treat-to-Target ») ont été validés pour les patients atteints de lupus érythémateux systémique (LES) afin de protéger ces malades contre les lésions d’organes et améliorer la qualité de vie.

    La rémission et la faible activité de la maladie (LDA) sont donc des cibles potentielles dans le traitement du lupus érythémateux systémique (LES), et quelles que soient les définitions utilisées, elles sont associées à un meilleur pronostic, voire à une amélioration de la survie.

    Dans une étude de cohorte prospective, multinationale et longitudinale, publiée dans The Lancet Rheumatology, obtenir une faible activité de la maladie lupique (LLDAS) avec le traitement réduit significativement le risque de mortalité, mais obtenir une rémission ne réduirait pas davantage ce risque, la faute à la définition des objectifs : il faudrait changer les seuils de corticoïdes oraux autorisés.

    La cohorte longitudinale Asia Pacific Lupus Collaboration

    Dans une étude de cohorte prospective, multinationale et longitudinale, une équipe de chercheurs a utilisé les données des patients atteints de lupus érythémateux systémique (LES) de la cohorte Asia Pacific Lupus Collaboration recueillies entre le 1er mai 2013 et le 31 décembre 2020 pour explorer l’intérêt d’un traitement aux objectifs.

    Les patients éligibles étaient des adultes (âgés de ≥18 ans) qui répondaient soit aux critères de classification modifiés de l'American College of Rheumatology de 1997 pour le LES, soit aux critères de classification de 2012 des Systemic Lupus International Collaborating Clinics.

    Le critère principal était la mortalité toutes causes confondues, le LLDAS, et la rémission. Les variations de la définition de la rémission avec des seuils de consommation journalière de corticoïdes plus bas étaient les principales variables d'exposition.

    Réduction de la mortalité avec un objectif de LLDAS

    Parmi les 4106 patients de la cohorte, 3811 patients ont été inclus dans l'analyse finale (suivi médian de 2-8 ans), dont 3509 femmes et 302 hommes). Sur ces 3811 patients, 80 sont décédés pendant la période d'observation (taux brut de mortalité 6,4 décès pour 1000 personnes-années).

    Une LLDAS a été atteint au moins une fois chez 43 (53,8%) des 80 participants qui sont décédés et chez 3035 (81,3%) des 3731 participants qui étaient vivants à la fin de l'étude (p<0.0001) ; 22 (27,5%) des participants qui sont décédés contre 1966 (52,7%) qui étaient vivants à la fin de l'étude ont atteint une LLDAS pendant au moins 50% du temps observé (p<0.0001).

    Réduction de la mortalité avec la rémission si la consommation de corticoïdes est faible

    La rémission a été atteinte par 32 (40,0%) des 80 participants qui sont décédés et par 2403 (64,4%) des 3731 participants qui étaient vivants à la fin de l'étude (p<0.0001) ; 14 (17,5%) des participants qui sont décédés contre 1389 (37,2%) qui étaient vivants à la fin de l'étude ont atteint la rémission pendant au moins 50% du temps observé (p<0.0001). La LLDAS pendant au moins 50% du temps observé (rapport de risque ajusté 0.51 [IC à 95% 0.31-0.85] ; p=0.010) et la rémission pendant au moins 50% du temps observé (0.52 [0.29-0.93] ; p=0.027) ont été associés à un risque réduit de mortalité.

    La modification du seuil de corticoïde de rémission (< 5,0 mg/jour de prednisolone) serait plus protectrice contre la mortalité que les définitions actuelles de rémission (0,31 [0,12,0-77] ; p=0.012), et la rémission sans corticoïde serait la plus protectrice (0,13 [0,02-0,96] ; p=0.046).

    Le « Treat-to-Target » dans le lupus est plus compliqué

    Une stratégie de traitement aux objectifs (« Treat-to-Target » ou T2T) a été proposée pour plusieurs maladies chroniques afin d'améliorer le traitement des patients concernés et, par conséquent, leur pronostic. Dans le cas du lupus érythémateux systémique (LES), cependant, une définition uniforme des objectifs du traitement fait défaut.

    L'objectif idéal est la rémission, qui a été définie en 2015 et modifiée en 2021 par le groupe DORIS (Definition Of Remission In SLE) comme l'absence d'activité clinique de la maladie (indice d'activité clinique du lupus érythémateux systémique (SLEDAI)=0 et Physician Global Assessment (PGA)<0,5), avec une prise nulle ou minimale de corticoïdes (dose quotidienne de prednisone ne dépassant pas 5 mg/jour) et/ou de médicaments immunosuppresseurs à dose d'entretien stable. Cependant, il existe des variations de cette définition dans la littérature.

    Comme l'état de rémission n'est pas souvent atteint dans le lupus, la faible activité de la maladie lupique (Lupus Low Disease Activity ou LLDA) a été proposée comme objectif alternatif de traitement. Cependant, il existe plusieurs définitions de la LLDA dans la littérature ; par exemple, l'Asia Pacific Lupus Consortium (APLC) a introduit le lupus low disease activity state (LLDAS) : SLEDAI≤4, qui permet un faible niveau d'activité de la maladie, sans activité dans les principaux systèmes d'organes ou nouvelle activité de la maladie, PGA≤1, dose quotidienne de prednisone non supérieure à 7,5 mg/jour et/ou médicaments immunosuppresseurs à dose d'entretien. Les investigateurs de la Toronto Lupus Cohort ont proposé d'utiliser le terme de faible activité de la maladie (LLDA by Toronto Lupus Cohort) : SLEDAI (hors sérologie) ≤2, sans prednisone ni immunosuppresseurs. Toutes ces définitions autorisent bien sûr l'utilisation d'antipaludéens.

    Le rôle ambivalent des corticoïdes

    Une revue systématique de la littérature a montré que le fait d'être en rémission ou en LLDA, quelles que soient les définitions utilisées, est associé à de meilleurs résultats chez les patients atteints de LED, les résultats les plus fréquemment rapportés étant une moindre accumulation de lésions, moins de poussées et une meilleure qualité de vie. L'association avec une réduction du taux de mortalité a été rapportée de manière moins cohérente.

    Dans cette étude longitudinale prospective, il en est de même, sauf à abaisser les doses seuil de corticoïdes autorisées pour atteindre cet objectif, la corticothérapie pouvant avoir par elle-même un effet délétère sur le système cardiovasculaire et les infections, ou témoignant simplement d’une activité plus élevée de la maladie lupique (requérant de ce fait des doses plus fortes). À noter que cette relation dose de corticoïdes et morbi-mortalité est relevée dans toutes les maladies chroniques où ils sont utilisés (rhumatismes inflammatoires, MICI, pneumopathies chroniques).

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    JDF