Rhumatologie
Rhumatisme psoriasique : pas de bénéfice évident de la transplantation fécale
Malgré des arguments sérieux pour un impact immunodulateur potentiel de la transplantation fécale sur le rhumatisme psoriasique, la 1ère étude randomisée ne révèle pas de bénéfice clinique par rapport au placebo. Le concept du « gut-joint axis » pourrait par contre être validé.
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Le rhumatisme psoriasique est une maladie articulaire auto-immune chronique qui s’accompagne assez souvent d’une inflammation digestive infra-clinique (mais moins souvent que dans d'autres spondylarthropathies) et d’une dysbiose. Bien que la causalité de ces phénomènes digestifs reste à établir, la transplantation de microbiote fécal (FMT), ou greffe fécale, a démontré une capacité immunomodulatrice et anti-inflammatoire digestive transitoire chez les malades souffrant de MICI (Crohn et RCH) et elle été proposé comme un nouveau traitement des rhumatismes inflammatoires.
Dans ce premier essai préliminaire, randomisé versus placebo, évaluant l’intérêt de la greffe fécale dans une forme périphérique active de rhumatisme psoriasique sous méthotrexate, la FMT a été bien tolérée mais s’est accompagnée plus souvent d’une exacerbation des signes articulaires nécessitant un ajustement du traitement qu’une fausse greffe fécale (groupe placebo). L’étude est publiée dans ARD.
Ajustement plus fréquent du traitement
Sur les 97 personnes pré-sélectionnées, 31 ont été randomisées (15 ont reçu la FMT et 16 le placebo) et 30 (97%) ont terminé l'évaluation clinique de 26 semaines.vAucun événement indésirable grave n'a été observé chez ces patients sous méthotrexate en raison de leur rhumatisme psoriasique.
Un échec secondaire du méthotrexate a été plus fréquemment observé dans le groupe FMT que dans le groupe placebo (9 (60%) contre 3 (19%)) conduisant à un ajustement thérapeutique avec introduction d’une biothérapie (RR=3,20 ; IC à 95% 1,06 à 9,62 ; p=0,018). Il n'y a pas eu de différence dans la proportion de répondeurs ACR20 entre les groupes (7 sur 15 (47%) vs 8 sur 16 (50%) respectivement). L'amélioration du HAQ-DI diffère entre les groupes (0,07 vs 0,30) de 0,23 point (IC à 95 % 0,02 à 0,44 ; p=0,031) en faveur du groupe placebo mais cela peut refléter l’inconfort transitoire classique de la greffe fécale.
1er essai randomisé dans le rhumatisme psoriasique
Il s'agit d'un essai de supériorité en double-aveugle et groupes parallèles, contrôlé versus placebo, chez des adultes atteints de rhumatisme psoriasique périphérique et actif (≥ 3 articulations gonflées) malgré un traitement en cours par méthotrexate (≥ 15 mg par semaine).
Une greffe fécale (FMT) à partir d’un donneur unique, positionnée dans le duodénum par endoscopie, a été comparée à une fausse transplantation (sham = groupe placebo).
Le critère principal d'efficacité est la proportion de participants présentant un échec thérapeutique (c'est-à-dire nécessitant une intensification du traitement) à 26 semaines.
Un background étayé
Depuis près de 100 ans, le lien entre infection digestive et arthrites réactionnelles a été conceptualisé dans le « gut-joint axis » des rhumatismes inflammatoires chroniques, c’est-à-dire la possible intervention d’un micro-organisme digestif dans le déclenchement des arthrites auto-immunes.
Cette hypothèse a été renforcée récemment par la découverte d’un déséquilibre (« dysbiose ») de la flore intestinale (« microbiote ») au cours des rhumatismes inflammatoires auto-immuns, avec en particulier dans le rhumatisme psoriasique, une baisse de la diversité du microbiote parallèlement à des anomalies spécifiques du microbiote communes aux autres rhumatismes inflammatoires comme les spondylarthrites et les rhumatismes des entérocolopathies (MICI = Crohn et RCH).
La transplantation fécale et la restauration de la diversité d’un microbiote sain, qui ont démontré un bénéfice immunomodulateur digestif transitoire dans les colopathies inflammatoires (MICI), n’avais jamais été correctement évaluée dans les rhumatismes inflammatoires. La question de l’impact du rétablissement d’un microbiote sain sur des atteintes auto-immunes extradigestives restait posée.
En pratique
Cette première étude randomisée valide la tolérance de la greffe fécale dans un rhumatisme inflammatoire sous méthotrexate et semble montrer que celle-ci peut avoir un impact sur les signes auto-immuns extra-digestifs, validant le concept du « gut-joint axis ».
En effet, dans cette petite étude, la transplantation fécale s’accompagne plus souvent d’une poussée évolutive du rhumatisme psoriasique avec un plus fort pourcentage d’échec au traitement par le méthotrexate nécessitant un ajustement thérapeutique à 26 semaines (avec introduction d’une biothérapie). Dans les entérocolopathies inflammatoires, parallèlement à une amélioration de l’inflammation digestive, il existe fréquemment et transitoirement une élévation de la CRP et une fièvre, sans que l'on sache s'il s'agit du même phénomène.
Il reste à mieux comprendre l’impact de la transplantation fécale dans les rhumatismes inflammatoires avec dysbiose. Il est possible que la dysbiose soit indépendante du processus auto-immun qui conduit à la forme périphérique du rhumatisme psoriasique comme il est possible que le délai pour obtenir un impact sur les signes auto-immun extra-digestifs soit également plus long : à noter que la mise sous biothérapie en cas d'exacerbation a été très précoce (dès la 12ème semaine de l'étude). Par contre, dans les entérocolopathies inflammatoires, l’amélioration inflammatoire digestive, quand elle est observée, est généralement transitoire et ne persiste pas au-delà de 12 mois.








