Infectiologie

2020 : année du triomphe de la recherche et de la raison contre la Covid-19

L’année 2020 a commencé avec l’émergence d’un virus menaçant pour l’humanité, mais l’incroyable mouvement de recherche et de collaboration internationale a débouché sur des traitements efficaces, des vaccins prometteurs et un espoir de sortie de crise en moins d’un an.

  • metamorworks/istock
  • 11 Déc 2020
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    Alors que l'épidémie de Covid-19 continue à faire rage, en particulier dans les pays qui n'ont pas pu, ou voulu, mettre en place des mesures fortes de distanciation sociale, le retour à la normale dépend de plus en plus du succès de nouveaux vaccins pour prévenir la maladie, voire limiter la propagation de l'infection.

    On dit que les guerres sont des catalyseurs de progrès techniques. Il sera dit qu’il en est de même pour les pandémies. Jamais, on aura vu autant de progrès médicaux en aussi peu de temps que durant cette pandémie. Jamais, on aura vu autant de comportements humains irrationnels et populistes aussi. Les pandémies, comme les guerres, sont des révélateurs de personnalités.

    Une nouvelle maladie

    La description de cette nouvelle maladie, liée à un virus d’origine animale qui s’adapte progressivement à l’homme, même si elle n’est pas achevée aura terriblement progressé en seulement quelque mois. Cela reste une maladie complexe, avec un passage d’une maladie infectieuse à une maladie immunologique et de possible surinfection, et une dimension quasi « Darwinienne » de ses manifestations : en raison de sa grande diffusion, différents patients avec différentes capacités de réaction, créent un patchwork de tableaux pathologiques.

    Le syndrome de détresse respiratoire aigu, évolution péjorative des formes graves de la maladie, et initialement rapporté à un « orage cytokinique », s’avère beaucoup plus hétérogène avec, à côté de ce tableau hyper-inflammatoire, des tableaux inflammatoires moins aigus avec 2 phénotypes : un profil avec atteinte alvéolaire d'origine virale prédominante et un profil à prédominance vascualire avec atteinte microangiopathique virale et macroangiopathique thrombogène et une inédéquation ventilation perfusion marquée.

    Une recherche de qualité

    En dépit de cette hétérogénéité de la Covid-19, et malgré la difficulté du contexte d’hôpitaux débordés et les interférences répétées de divers gourous et patamédecins, une recherche de qualité a réussi à se mettre en place, y compris en France. Divers traitements efficaces ont été développés qui correspondent à différents stades de la maladie.

    Il en est ainsi de techniques de réanimation comme l’oxygénothérapie à haut débit par CPAP avec la valve de Boussignac, qui évite les intubations prolongées pour de nombreux malades, ou de la ventilation mécanique en procubitus afin de recruter les dernières alvéoles encore libres.

    Au-delà de la saga désormais franco-française de l’hydroxychloroquine, totalement invalidée par des études de qualité Evidence-Based-Medicine à tous les stades de la maladie, il en est aussi de diverses molécules : le remdésivir au stade initial (encore viral) des formes sévères, la dexaméthasone et le tocilizumab dans les formes graves hyper-inflammatoires débutantes.

    Une maladie à tropisme endothélial

    Il en est surtout du traitement anticoagulant à forte dose, qui reste le premier traitement à avoir diminué la mortalité initiale effarante de la prise en charge de la maladie en mars-avril 2020. Devant la fréquence élevée de complications thrombogènes, veineuses, mais aussi artérielles (sur artères saines), les médecins se sont mis à donner des anticoagulants à doses fortes et les malades ont commencé à arrêter de mourir. Difficile de faire des études versus placebo dans ces conditions, comme pour le parachute, mais différentes doses sont en cours de test.

    Cette grande efficacité des traitements anticoagulants est à corréler à la constatation de lésions endothéliales thrombotiques dans de nombreux vaisseaux pulmonaires sur plusieurs études autopsiques. Une participation vasculaire est donc aussi probable au cours de certaines formes de la maladie et une dysfonction endothéliale préexistante pourrait faire le lit de cette endothélite, ce qui expliquerait aussi en partie le profil des personnes à risque.

    Efficacité impressionnante de la vaccination

    Surtout, le plus incroyable progrès a été celui de la vaccination avec une révélation : alors que les principales agences de santé avaient demandé une efficacité d’au moins 50% pour valider un vaccin, plusieurs d’entre eux dépassent allègrement les 70%, voire 90%, d’efficacité avec 2 doses. Mais là encore, c’est une rupture qui a fait la différence et ce sont les vaccins à ARN qui prennent nettement le lead.

    Alors que les vaccins à vecteur viral, anciens et éprouvés, peinent à démontrer une forte efficacité et que leur développement se heurte à des anomalies de protocole (AstraZeneca), qu'un vaccin adjuvanté à protéine recombinante recommence leur phase 3 pour des erreurs de concentration (Sanofi-GSK), 2 vaccins à ARN délivrent des réponses au-delà de 90% qui semblent homogènes dans toutes les catégories de populations testées (avec une publication dans le New England Journal of Medicine à la fois rassurante et impressionnante).

    Un développement accéléré et simplifié

    Habituellement, il fallait une dizaine d’année pour développer un vaccin mais le développement de ces vaccins d'un nouveau genre aura pris moins d’un an grâce à une incroyable collaboration internationale. Le séquençage du génome du SARS-CoV-2 qui a conduit au développement de la séquence d'ARN viral spécifique, nécessaire à la conception du vaccin (codant pour la protéine S), a été déterminée et largement diffusée par le Chinese Center for Disease Control and Prevention en janvier 2020.

    Le mérite de ce développement accéléré revient ensuite aux scientifiques qui ont largement partagé les données (en temps réel) et qui ont développé les méthodes nécessaires à la création du vaccin, ainsi qu’aux médecins expérimentateurs qui ont effectué un travail de grande qualité dans le cadre d'une catastrophe sanitaire, aux milliers de participants qui se sont portés volontaires pour prendre part à l'essai et enfin, aux gouvernements qui ont contribué à créer des normes de qualité et les conditions d’accès au marché pour le vaccin.

    Un développement prometteur

    Ce n’était pas gagné, mais alors qu’aucun vaccin ne s’était révélé efficace contre une infection à coronavirus, plusieurs vaccins à ARN contre le SARS-CoV-2 ont été développés en moins d’un an. Partant des travaux menés contre les SRAS et le MERS, les chercheurs ont pu s’appuyer sur 2 avancées majeures pour mettre au point 2 candidats sérieux : une modification de quelques nucléotides a réduit le caractère très allergisant des ARN messager et leur incorporation dans des nanoparticules lipidiques a résolu le problème de leur fragilité et de leur diffusion à travers la membrane cellulaire.

    Ainsi, alors qu’il y a encore quelques semaines, la majorité des médecins se disaient qu’ils choisiraient un vaccin à adénovirus ou à protéine adjuvantée, un switch en faveur des vaccins à ARN, plus modernes et plus simples à développer, semble désormais se dessiner. Et ce n’est que justice car les applications de cette technique peuvent s’ouvrir à d’autres domaines de la médecine comme la cancérologie, avec la promesse de vaccins individuels, « sur-mesure ».

    Encore des questions

    Bien sûr nous n’avons pas encore toutes les réponses à des questions légitimes : est-ce que les vaccins à ARN marchent aussi bien parce qu’ils déclenchent une réaction allergique et inflammatoire à minima qui booste la réponse immunitaire ? Quelle est la durée de la réponse immunitaire et vaccinale dans le long terme ? Est-ce que les vaccins à ARN seront aussi bien tolérés à long terme que les vaccins à adénovirus ? Est-ce que l’on peut vacciner les personnes qui ont déjà été exposées à la Covid-19 ? Et surtout, est-ce que les vaccins à ARN vont empêcher le portage du virus dans les voies respiratoires des personnes vaccinées et ainsi casser la chaine de la contagion ?

    Toutes ces réponses, nous les auront dans les prochains mois, au fil des vaccinations et de la surveillance de cette vaccination avec, pour un vaccin dont nous avons les données publiées à ce jour, qui a pour le moment été testé sur la moitié de l’effectif de l’étude, soit 22 000 personnes. Il peut y avoir des accidents rares et graves, mais en commençant la vaccination chez les personnes les plus exposées (personnel soignant) et les plus fragiles (EPHAD et personnes co-morbides et/ou de plus de 65 ans) le rapport entre la réduction des formes graves (jusqu'à 5% des formes symptomatiques) et des décès (0,5% environ) liés à la Covid-19 et le risque d’effets secondaires graves (moins de 1 cas sur 22 000) est largement bénéficiaire ?

    Le début de la fin

    Il y a quelques moins nous avions paraphrasé Churchill en analysant les principaux progrès de la lutte du printemps contre la Covid-19 en disant que « c’était seulement la fin du commencement ». Aujourd’hui, il est peut-être temps de dire que « c’est le début de la fin », même si de long mois de distanciation, de masques, de couvre-feux et d’hospitalisations sont encore à venir.

    Merci aux hommes et aux femmes intègres et dévoués de la recherche et de la médecine. Bravo à la société française qui bien que râleuse et frondeuse, a su rester solidaire et dans l’ensemble pleine de discipline et de bon sens, loin du délire des réseaux sociaux.

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    JDF