Neurologie
Leucoencéphalopathie multifocale progressive : enfin une option thérapeutique
Le relâchement d'un frein du système immunitaire pourrait aider les patients atteints d'une infection cérébrale rare mais mortelle, la leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP), qui est causée par le virus JC.
- Mohammed Haneefa Nizamudeen/Istock
Le pembrolizumab, une immunothérapie anti-PD1 utilisée dans le mélanome et d’autres cancers, semble prometteur pour ralentir ou arrêter la progression de la leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP), une infection cérébrale généralement mortelle causée par le virus JC (JCV).
Ce résultat provient d'une petite étude menée par des scientifiques du National Institute of Neurological Disorders and Stroke (NINDS), qui fait partie des National Institutes of Health. Ce résultat est cohérent avec celui obtenu avec une autre immunothérapie anti-PD1, le nivolumab. L'étude est publiée dans le New England Journal of Medicine.
Des PD1/PD-L1 dans la LEMP
Des protéines PD-1 et PD-L1 ont été découvertes dans les régions infectées du cerveau de patients atteints de LEMP. « Cela nous a amenés à nous demander si le pembrolizumab pouvait être un traitement potentiel de la LEMP » a déclaré le Dr Irene Cortese, directrice de la clinique de neuroimmunologie NINDS et premier auteur de cet article.
Huit malades souffrant de LEMP avérée et qui avaient tous des signes d'aggravation de leur maladie neurologique en IRM, ont été traités avec du pembrolizumab.
Autentifiée sur l’IRM et les taux de JCV dans leur liquide céphalorachidien (LCR), une amélioration a été objectivée chez 5 des huit patients, la quantité de virus en circulation étant réduite après l'administration du pembrolizumab, de même qu’une diminution des lésions cérébrales liées aux infections a été également observée en IRM.
Chez 4 des 5 patients, cette amélioration est prolongée : il est observé une réduction de la charge virale et une stabilisation des lésions neurologiques 16 à 26 mois après la dernière perfusion d’anti-PD-1.
Une immunothérapie anti-PD1
Le pembrolizumab est une immunothérapie anti-PD-1, utilisée dans le cancer, et qui bloque l'interaction entre deux protéines, PD-1 et PD-L1 à la surface des lymphocytes dans les tumeurs. Normalement, ces protéines agissent en freinant le fonctionnement des lymphocytes CD4 et CD8 et donc le système immunitaire pour limiter une inflammation excessive mais, certaines tumeurs qui ont le récepteur PD-1 sur leur surface, peuvent exploiter cette sorte de « pédale de frein du lymphocyte » (cofacteur de la stimulation) pour limiter la capacité du système immunitaire à attaquer le cancer. Il semble en être de même pour le virus JC.
Des études récentes sur des patients atteints de LEMP ont suggéré que ce mécanisme pourrait également être impliqué dans les infections cérébrales à JCV. « Les tentatives antérieures de traitement de la LEMP ont été décevantes », a dit le Dr Cortese, « nous sommes donc très encouragés par ces résultats préliminaires ».
Un virus dangereux pour les immunodéprimés
Le JCV est un virus opportuniste commun, et habituellement inoffensif, qui existe à l’état latent dans les reins de plus de 50% de la population. Rarement, chez les patients dont le système immunitaire a été altéré en raison de maladies comme le VIH/SIDA ou de médicaments immunosuppresseurs (de nombreux traitements contre le cancer ou certains traitements pour des maladies auto-immunes), le JCV peut subir un réarrangement génétique qui le transforme en virus neurotrope actif. Ces infections sont à l'origine de la LEMP, qui peut entraîner divers symptômes déficitaires et des changements de la personnalité.
Première étude porteuse d’espoir
Ce n’est certainement pas le traitement de la LEMP, mais cette étude montre pour la toute première fois que, dans cette population de patients ayant un taux de mortalité élevé, un inhibiteur du PD-1 permet d’obtenir la rémission d'une infection par ailleurs mortelle. Cependant, les anti-PD1 ne marchent pas chez tous les malades infectés par le virus JC, mais uniquement chez ceux dont les lymphocytes sont inactifs. Ce traitement ne réduit pas réellement les lésions neurologiques : il en réduit l’inflammation en couronne et laisse une cicatrice centrale.
Il s’agit néanmoins d’un nouveau champ d'investigation qui pourrait aider à changer le traitement des infections chroniques similaires en agissant sur la clairance immunitaire du virus, le blocage du PD-1 renforçant les défenses immunitaires.
Des essais cliniques de plus grande envergure menés dans des conditions plus contrôlées sont indispensables pour mieux comprendre l'effet du pembrolizumab ou de médicaments similaires anti-PD-1/PD-L1 sur la leucoencéphalopathie multifocale progressive.








