Onco-Digestif
Adénocarcinome rectal : remplacer la chimioradiothérapie néoadjuvante par la chimiothérapie ?
Cette année le cancer du rectum a vraiment été sur le devant de la scène à l'ASCO puisque il a eu les honneurs de la session plénière avec l'essai PROSPECT et que de nombreuses communications orales et posters discussions lui ont été consacrés.
- Mohammed Haneefa Nizamudeen/iStock
L'essai américain PROSPECT, présenté en session plénière par Deborah Schrag, pose la question du rôle de la chimiothérapie néoadjuvante en comparaison avec la chimioradiothérapie (CRT). Entre 2012 et 2018, 1 128 patients ont été inclus dans cette étude dans 264 centres. Ils présentaient des adénocarcinomes du moyen et du haut rectum T2N+, T3N0 ou T3N+. Ils étaient randomisés entre le traitement standard au moment où l'essai a commencé, soit une CRT pré-opératoire de type CAP50 ou un bras expérimental comprenant une chimiothérapie par 6 cycles de FOLFOX suivis d'une évaluation.
Les patients ayant une réponse tumorale supérieure ou égale à 20 % étaient ensuite opérés alors que ceux qui avaient une réponse inférieure à 20 % avaient une CRT de type CAP50 avant l'intervention. Les patients qui n'étaient pas capables de recevoir au moins 5 cycles de FOLFOX avaient également une CRT pré-opératoire. La chimiothérapie adjuvante était laissée au choix de l'investigateur.
L'objectif principal était le taux de survie sans maladie à 5 ans. C'était un essai de non infériorité. Les objectifs secondaires étaient le taux de pCR, le taux de résection R0, la rechute locale, la survie globale, la tolérance et la qualité de vie.
Non infériorité du FOLFOX néoadjuvant par rapport au CAP50
Entre 2012 et 2018, 1 194 patients ont été randomisés et 1 128 ont débuté le traitement parmi lesquels 585 étaient dans le bras FOLFOX et 543 dans le bras CAP50. La majorité avait une tumeur du moyen (64 %) ou du haut rectum (21 %) de stade T3N0-N1 (90 %). Le suivi médian était de 58 mois. Les principaux résultats sont présentés dans le tableau.
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CAP50 n = 510 |
FOLFOX +/- CAP50 n = 535 |
HR |
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Taux de pCR |
24 % |
22 % |
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Taux de résection R0 |
97 % |
99 % |
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Chimiothérapie adjuvante |
83 % |
82 % |
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Taux de survie sans maladie à 5 ans |
78,6 % |
80,8 % |
0,92 (IC95% 0,74-1,14) |
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Taux de survie globale à 5 ans |
90,2 % |
89,5 % |
1,04 (IC95% 0,44-3,16) |
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Taux de rechute locale à 5 ans |
1,6 % |
1,8 % |
1,18 (IC95% 0,74-1,44) |
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Taux de toxicité aigue de grade 3-4 |
23 % |
41 % |
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Dans le bras expérimental, 9% des patients ont eu une CRT.
Moins bonne tolérance aiguë mais moins de séquelles sexuelles à long terme
Le taux de toxicité aigue sévère était supérieur dans le bras expérimental avec principalement une asthénie (42 %), une constipation (27 %), une anorexie (22 %), des nausées (21 %) et une neuropathie (19 %). Par contre, il y avait plus de diarrhée dans le bras CAP50 (20% versus 6%). En termes de qualité de vie, les résultats étaient globalement similaires dans les deux bras. Par contre, les patients dans le bras expérimental avaient une meilleure fonction sexuelle à 1 an et 2 ans post chirurgie.
Un article est également paru dans le JCO avec les résultats des PROs (Patient-Reported Outcomes) rempli par les patients à l'inclusion, pendant le traitement néoadjuvant et à 1 an post chirurgie. Pendant le traitement néoadjuvant, les patients dans le bras expérimental rapportaient moins de diarrhée et une meilleure fonction intestinale tandis que l'anxiété, la perte d'appétit, la constipation, la dépression, la dysphagie, la dyspnée, l'œdème, la fatigue, la mucite, les nausées, la neuropathie et les vomissements étaient plus importants que dans le bras contrôle (p < 0,05). À 1 an après chirurgie, les patients du bras FOLFOX avaient moins de fatigue et de neuropathie et une meilleure fonction sexuelle par rapport au bras CAP50 (p < 0,05). Ni la fonction vésicale ni la qualité de vie globale ne différaient entre les groupes à aucun moment.
Une nouvelle pièce au puzzle !
Un traitement néoadjuvant par FOLFOX avec une chimioradiothérapie selon la réponse n'est pas inférieur à une chimioradiothérapie d'emblée mais avec une toxicité aigue plus élevée. Par contre, les séquelles tardives sur les fonctions sexuelles sont moins importantes.
Il faut souligner que près de la moitié des patients inclus n'auraient probablement pas eu de traitement néoadjuvant en France. Comme l'a très bien dit Corrie Marijnen en début de discussion, voici une pièce plus dans le puzzle qu'est la prise en charge des cancers du rectum!








