Onco-dermatologie

Cancers : recommandations européennes pour la prise en charge des effets cutanés des immunothérapies

Les inhibiteurs de checkpoints font désormais partie du « gold standard » de prise en charge de nombreux cancers solides. Ils sont pourvoyeurs d’effets cutanés, souvent non sévères de grade I-II, de prise en charge aisée permettant une poursuite de l’immunothérapie. Cependant, certains effets cutanés peuvent être sévères et ne permettent pas la poursuite du traitement, justifiant un diagnostic et une prise en charge rapides.

  • Istock/Olivier Le Moal
  • 28 Octobre 2022
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    Près de 40% des patients sous immunothérapie expérimentent un effet secondaire cutané, principalement du prurit, des rashs maculo-papuleux, eczématiformes, psoriasiformes ou lichénoïdes, sans compter les pemphigoïdes bulleuses auto-immunes, le vitiligo, ou encore des troubles des phanères (ongles et cheveux).

    Les recommandations de la la task force de l’EADV « Dermatology for Cancer Patients » visent à éditer des recommandations pour chaque dermatose immuno-induite avec un niveau de preuve sur la base d’avis d’experts en onco-dermatologie. Les niveaux de preuve vont de I (étude randomisée avec un bras contrôle) jusque V (case-report, étude sans bras contrôle) et les niveaux de recommandations de A (preuve manifeste), B (forte preuve) à D (preuve modérée, généralement non recommandée)

    Toute dermatose immuno-induite n’est pas un rash relevant d’un traitement par dermocorticoïdes

    Une majorité des guidelines utilisent le terme générique de “rash” ou éruption bulleuse qui recouvrent un large panel de dermatoses, différentes des unes des autres en termes de pronostic, de physiopathologie et de traitement. La physiopathologie précise des rashs reste encore obscure.

    Les toxicités cutanées impliquent des lymphocytes T et B autoréactifs avec un excès de cytokines pro-inflammatoires, expliquant le recours fréquent aux dermocorticoïdes. Toutefois, des grades de toxicités III-IV requièrent parfois des immunosuppresseurs. Les seuls effets cutanés justifiant une biopsie sont les dermatoses bulleuses (médiane d’apparition de 20 semaines), les rash lichénoïdes et les réactions cutanées sévères (SCARS).

    Les recommandations des dermatoses les plus communes 

    Les rashs maculo-papuleux de grade I et II peuvent être pris en charge par des dermocorticoïdes ou des anti-histaminiques (A) et la poursuite de l’immunothérapie. En cas de persistance ou de grade III, des corticoïdes systémiques (entre 0.5 mg/kg pour les grades II jusque 2 mg/kg pour les grade IV) sont recommandés (A).

    Les rashs psoriasifomes de grade I sont pris en charge par des dermocorticoïdes et des analogues de la vitamine D (A), alors que les grades II et III sont éligibles à un traitement UV, des rétinoïdes topiques, du méthotrexate ou de l’apremilast (A). Dans les grades III, des biothérapies anti-TNF et anti-IL23 peuvent être proposées (B).

    Le rash lichénoïde peut-être pris en charge par des dermocorticoïdes quand de grade I (A), ou des corticoides systémiques ou des rétinoides quand de grade II(A) voire des corticoïdes systémiques à haute dose (1 mg/kg) ou des traitements immunosuppresseurs pour les grades III (B/C).

    Le vitiligo ne requiert pas de traitement, mais on peut proposer des dermocorticoïdes ou du tacrolimus (A).

    La pemphigoïde bulleuse de grade I peut être éligible à des corticoïdes topiques (A), mais rapidement, on proposera des corticoïdes systémiques (grade II-III-IV, A) avec une hospitalisation en unité intensive pour les grades IV.

    L’onco-dermatologue : acteur central de la prise en charge

    Les effets cutanés rares (ex : réactions granulomateuses) ou graves (SCARS, DRESS, Stevens-Johnson syndrome (SJS)/TEN, PEAG) secondaires à l’ICI requièrent une discussion pluridisciplinaire incluant l’onco-dermatologue. Leur apparition peut aller jusqu’à 12 semaines (SJS/TEN) et il est nécessaire d’en apporter la preuve histologique et de discuter l’imputabilité de l’ICI avec la pharmacovigilance.

    Ces cas nécessitent l’intervention de l’onco-dermatologue, spécialiste d’organe, pour accompagner l’oncologue dans la reconnaissance des lésions et leur prise en charge.

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