Onco-gynéco
Cancer de l’ovaire BRCA 1-2 : quelle place pour le Rucaparib ?
Dans la course aux inhibiteurs de PARP, l’étude ARIEL 4, démontre un bénéfice en survie sans progression de 36% du Rucaparib vs une chimiothérapie, dans une population de cancers de l’ovaire déjà pré traités, platine-sensibles ou non, mutés BRCA 1-2, germinale ou somatique.
- Fahroni/istock
L’utilisation des inhibiteurs de PARP, dans les cancers de l’ovaire, qu’ils soient mutés BRCA ou non, ou présentant une déficience ou non du système de recombinaison homologue, tend à se préciser, et cela précocement dans la prise en charge des stades avancés, notamment pour des maladies platine-sensibles.
Parmi les interrogations en suspens, persiste le questionnement du bénéfice de cette classe thérapeutique utilisée plus tardivement en cas de rechute, comparativement à une chimiothérapie classique, et peu d’études ont apporté des éléments (SOLO3 s’est intéressée uniquement aux cancers platine-sensibles avec mutation germinale).
Une vaste population ciblée.
Publiée tout récemment par R. Kristeleit, dans le Lancet Oncology, l’étude de phase III, ARIEL4, comparant le Rucaparib à une mono/polychimiothérapie à base ou non de sels de platine, chez des patientes présentant un cancer de l’ovaire muté BRCA, déjà pré-traités, démontre un bénéfice en survie sans progression, modéré de 1.7 mois.
En pratique, entre Mars 2017 et septembre 2020, 349 patientes ayant un cancer de l’ovaire avec mutation germinale ou somatique BRCA1-2, déjà prétraitées par au moins 2 lignes de chimiothérapies, en rechute, ont été randomisées selon un schéma 2 :1 : 233 dans le bras Rucaparib (600 mg matin et soir), et 116 dans le bras chimiothérapie (paclitaxel 60-80 mg/m2 hebdomadaire pour les maladies platines-résistantes (progression entre 1 et 6 mois après la dernière injection de platine) ou partiellement sensibles (progression dans les 6-12 mois), ou cisplatine/carboplatine en monothérapie ou doublet associé au paclitaxel ou gemcitabine pour les complètement sensibles (progression >12 mois).
Les patientes étaient stratifiées selon la sensibilité aux platines (1-6 mois, 6-12 mois, >12 mois). Un cross over était possible pour les patientes progressives sous chimiothérapie, afin de bénéficier dans un second temps du Rucaparib. Le critère de jugement principal était la survie sans progression dans la population initiale et en intention de traiter. Les critères de jugement secondaire : la tolérance, le taux de réponse objective. Les résultats sont publiés dans The Lancet Oncology.
Un bénéfice en survie sans progression modeste, bien que de 36%
La population, homogène dans son ensemble, avait un âge médian de 58 ans, avec une majorité de séreux de haut grade (90%), une majorité de mutation BRCA1 (79% dans le bras Rucaparib et 70% dans le bras chimiothérapie), avait reçu majoritairement 2 lignes de traitements préalables (59%), à base de sels de platine, et était classée platine-résistante pour 50% d’entre elle.
Avec un suivi médian de 25 mois, l’étude est positive concernant son critère de jugement principal : la médiane de survie sans progression était de 7.4 mois dans le bras Rucaparib vs 5.7 mois dans le bras chimiothérapie (HR 0,64 IC à 95% : 0,49–0,84 ; p=0,0010), et en intention de traiter de 7.4 vs 5.7 mois respectivement (HR 0,67 IC à 95% : 0,52–0,86 ; p=0,0017).
L’étude des sous-groupes montre un bénéfice majoritaire du Rucaparib chez les patientes platine partiellement sensibles, et moins importants chez les patientes platine complètement sensibles. Le taux de réponse objective est similaire dans les 2 groupes que ce soit dans la population initiale, et en intention de traiter, avec néanmoins une durée médiane de réponse qui semble en faveur du bras Rucaparib (7.3 mois vs 3.6 mois) dans la population initiale. Les données de survie globale ne sont pas matures et actuellement non exploitables.
Des décès toxiques
Concernant la tolérance, celle-ci est à pondérer à la durée d’exposition au traitement, nettement supérieur dans le bras Rucaparib comparativement au bras chimiothérapie : 59% des patients du bras expérimental ont présenté des effets secondaires de grade ≥3, vs 38% dans le bras standard, majoritairement hématologiques (anémie (22% vs 5%), neutropénie). De sérieux effets secondaires reliés au traitement ont été observés chez 14% et 5% des patientes respectivement, dont 3 décès toxiques potentiellement liés au Rucaparib (trouble cardiaque, syndrome myélodysplasique, et de cause inconnue).
Bien que positive, cette étude n’affirme pas drastiquement la place du Rucaparib dans la stratégie thérapeutique : la différence de survie sans progression est modeste, la toxicité non négligeable. On peut penser que la possibilité d’un cross over, qui a concerné 64% des patientes du bras chimiothérapie, a potentiellement affaibli les résultats.
Par ailleurs, la population ciblée et l’utilisation d’une monochimiothérapie par paclitaxel pour des patientes platine sensible (6-12 mois) n’est pas forcément le traitement de référence en pratiques communes, et a pu contribuer à expliquer les résultats des sous-groupes, avec notamment un effet thérapeutique résiduel conséquent de la chimiothérapie par sels de platine. Il est possible que l’utilisation d’un autre traitement standard aurait probablement pu changer les données.











