Onco-digestif

Cancers gastriques et colorectaux métastatiques HER-2+ : intérêt du trastuzumab-deruxtecan

Après progression sous deux lignes de chimiothérapie, le trastuzumab-deruxtecan est supérieur à la chimiothérapie dans les cancers gastriques avancés HER2+ préalablement traités par trastuzumab et montre une efficacité plus qu’encourageante dans les cancers colorectaux HER2+.

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  • 23 Octobre 2020
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    Le Trastuzumab (anticorps anti-HER2) est depuis 10 ans, en association avec la chimiothérapie, le traitement standard de première ligne des adénocarcinomes œso-gastrique HER2+. En deuxième ligne ou plus, aucune thérapie anti-HER2 n’a démontré de bénéfice à ce jour, que ce soit dans l’essai de phase III international GATSBY qui comparait le trastuzumab-emtasine (trastuzumab conjugué à un inhibiteur de mcrotubules) à un taxane ou dans l’essai randomisé de phase II japonais T-ACT qui comparait l’association trastuzumab-paclitael au paclitaxel seul.

    Dans ce contexte, après avoir montré des résultats prometteurs dans une étude de phase 1, le trastuzumab-deruxtecan (TD), anticorps anti-HER2 combiné avec un inhibiteur de topo-isomérase 1, a été évalué en 3ème ligne dans un essai randomisé de phase 2 asiatique (DESTINY-Gastric01) dont les résultats ont été présenté cette année au congrès de l’ASCO et publié le jour-même.

    Essai randomisé phase 2

    Cet essai a inclus 187 patients porteurs d’un adénocarcinome gastrique ou du cardia avancé HER2+ (HER2 IHC 2+/HIS+ ou IHC 3+), prétraités par au moins 2 lignes de chimiothérapie incluant du 5FU et un sel de platine et ayant tous progressé sous trastuzumab. Les patients étaient randomisés (2 :1) entre le TD et une chimiothérapie (irinotecan ou paclitaxel au choix de l’investigateur).

    Dans les cancers colorectaux métastatiques (CCRm) HER2+ (4% des CCRm), si une simple inhibition HER2 n’a pas montré d’intérêt, l’efficacité en 3ème ligne d’une double inhibition a, quant à elle, été suggérée dans deux essais monobras : l’essai HERACLES (6) avec la combinbaison trastuzumab-lapatinib et dans l’essai MyPathway avec la combinaison trastuzumab-pertuzumab. L’essai DESTINY-CRC01, dont les résultats ont également été présenté au congrès de l’ASCO cette année, a évalué chez 53 patients le TD chez des patients ayant un CCRm non résecable HER2+ (HER2 IHC 2+/HIS+ ou IHC 3+), RAS et BRAF non mutés, et ayant reçu au moins 2 lignes de traitement antérieur.

    Intérêt du trastuzumab-deruxtecan en 3ème ligne métastatique

    Dans l’essai DESTINY-Gastric01, 125 patients ayant reçu le TD (6,4 mg/kg toutes les 3 semaines) ont été comparés à 62 patients traités par une chimiothérapie cytotoxique à base d’irinotecan (n=55) ou paclitaxel (n=7). Les patients, porteurs d’un adénocarcinome gastrique surexprimant HER2, étaient lourdement pré-traités (tous ayant reçu préalablement du trasuzumab, plus de 85% un taxane, 70% du ramucirumab et 33% une immunothérapie).

    Cet essai nippo-coréen est positif pour son objectif principal, le taux de réponse objective, qui était de 51% dans le bras TD contre 14 % dans le bras chimiothérapie (p < 0,0001). La durée de réponse était également augmentée dans le bras TD (11,3 vs 3,9 mois), ainsi que la survie sans progression (5,6 mois vs 3,5 mois) et la survie globale (12,5 mois vs 8,4 mois). Le taux de toxicité de grade ≥ 3 était majoré par le TD notamment sur le plan hématologique et digestif et sur le plan pulmonaire avec une toxicité spécifique du TD à type de pneumopathie intestitielle (9,6%).

    L’essai international de phase 2 monobras DESTINY-CRC01 a, quant à lui, évalué l’efficacité du TD, à la même posologie de 6,4 mg/kg toutes les 3 semaines, chez 53 patients ayant un CCRm HER2+, également lourdement pré-traités puisque le nombre de lignes antérieures étaient de 4 (fluoropyrimidine, irinotecan, oxalilatine et anti-EGFR dans 100% des cas, bevacizumab dans 75% des cas et anti-HER2 dans 30% des cas). Le taux de réponse objective était de 45% et le taux de contrôle tumoral de 83%. La médiane de survie sans progression était de 6.9 mois et la médiane de survie globale non atteinte.

    Les principaux effets secondaires constatés sont hématologiques et digestifs. Là encore, un syndrome interstitiel pulmonaire a été rapporté chez 6% des patients.

    Quid dans les cancers gastriques avec expression faible de HER2 ?

    Des résultats complémentaires de l’essai DESTINY-Gastric01 ont été communiqués plus récemment au congrès de l’ESMO. Ils concernent l’efficacité du TD dans deux cohortes exploratoires de patients avec tumeur exprimant faiblement HER2 : la cohorte 1 correspondant à 20 patients avec tumeur IHC 2+/HIS- et la cohorte à 24 patients avec tumeur IHC 1+.

    Si les patients de la cohorte 1 semblaient également bénéficier du TD, mais à un moindre degré que les patients avec tumeur HER2+ (taux de réponse objective 37%, survie sans progression médiane de 4,4 mois et survie globale médiane de 7,8  mois), cela était clairement moins le cas de ceux de la cohorte 2 (taux de réponse objective 19%, survie sans progression médiane de 2,8 mois et survie globale médiane de 8,5 mois).

    Des résultats à confirmer et déjà des perspectives

    Les résultats, que ce soit dans les cancers gastriques avancés HER2+ ou dans les cancers colorectaux métastatiques HER2+ sont très impressionnants, d’autant que les patients avaient tous été largement pré-traités.

    Dans les cancers gastriques, un essai randomisé de phase 3 est désormais attendu pour confirmer la supériorité du TD par rapport à une chimiothérapie, notamment au trifluridine-tipiracile qui est un standard en 3ème ligne depuis l’essai TAGS, sans parler du nivolumab démontré supérieur au placebo dans l’essai ATTRACTION-02 (11). En attendant cet essai de phase 3, une évaluation de son efficacité dans une population non asiatique est en cours dans l’essai DESTINY-Gastric02. Nous serions également très curieux de connaître l’efficacité du TD dès la première ligne ! 

    Dans les cancers colorectaux HER2+, bien qu’il s’agisse d’une phase 2 monobras, les résultats de l’essai DESTINY-CRC01 sont plus intéressants que ceux rapportés dans les deux études antérieures HERACLES et MyPathway qui testaient une double inhibition annt-HER2, où les médianes de survie sans progression ne dépassaient pas 4 mois. Là encore, on attend un essai randomisé pour confirmer la supériorité du TD par rapport aux thérapies standard dans cette indication, que sont le trifluridine-tipiracile ou le regorafenib, et espérer ainsi avoir une autorisation de mise sur le marché de cette combinaison prometteuse.

    Le trastuzumab deruxtecan, une affaire à suivre donc

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