Rhumatologie
Maladies auto-immunes : pas de sur-risque grave des inhibiteurs de JAK versus anti-TNF
À partir de 42 études comparatives dans les maladies auto-immunes, une méta-analyse n’observe pas d’excès de risques d’infections sévères, de cancers, ni d’événements cardiovasculaires majeurs sous inhibiteurs de JAK par rapport aux anti-TNF. Un sur-risque modéré de MTEV apparaît toutefois avec certains anti-JAK, surtout dans la polyarthrite rhumatoïde.

- Silver Place/istock
Le débat sur la tolérance cardiovasculaire des anti-JAK, né après l’étude ORAL Surveillance, a conduit à restreindre l’usage des inhibiteurs de JAK chez des patients à risque. Cette nouvelle méta-analyse, centrée sur des études randomisées « face-face » avec les anti-TNF dans diverses maladies auto-immunes (PR, MICI, psoriasis/PSA, spondyloarthrites), apporte un cadrage plus large de la balance bénéfice–risque.
Selon les résultats publiés dans JAMA Network Open, sur 813 881 adultes (76,5 % de femmes ; âge médian 55,7 ans sous anti-JAK vs 51,5 sous anti-TNF), les incidences pour 100 personnes-années et les rapports de risques ajustés ne montrent pas de différence significative pour les infections graves (3,79 vs 3,03 ; HR 1,05 ; IC à 95 % 0,97–1,13), les cancers hors carcinomes cutanés non-mélanocytaires (1,00 vs 0,94 ; HR 1,02 ; 0,90–1,16), ni les MACE (0,72 vs 0,66 ; HR 0,91 ; 0,80–1,04). Les résultats, à hétérogénéité faible à modérée, suggèrent que la toxicité immunitaire et cardiovasculaire globale des anti-JAK est proche de celle des anti-TNF, sauf pour les complications thrombo-emboliques.
Une sécurité globale rassurante mais signal sur la MTEV
Le seul excès statistiquement significatif concerne en effet la maladie thrombo-embolique veineuse (MTEV) : incidence 0,57 vs 0,52/100 personnes-années et HR global 1,26 (1,03–1,54). L’ampleur varie selon les contextes : pour la PR, l’usage d’un anti-JAK est associé à un sur-risque d’environ 31% versus anti-TNF (HR 1,31 ; 1,07–1,60), alors que pour une maladie inflammatoire du colon et de l’intestin (MICI) aucune différence claire n’est retrouvée.
Les analyses exploratoires suggèrent un signal plus marqué avec le baricitinib par rapport aux anti-TNF, non observé avec le tofacitinib aux doses usuelles ; les données demeurent toutefois limitées pour comparer finement chaque molécule, d’autant que les posologies élevées majorent possiblement le risque thromboembolique.
À l’inverse, l’efficacité supérieure des anti-JAK dans certaines maladies inflammatoires du colon et de l’intestin pourrait réduire l’exposition cumulative aux corticoïdes et, indirectement, la survenue d’infections graves. L’ensemble dessine un profil de sécurité modulé par l’indication, la dose, l’historique thérapeutique et la qualité du contrôle inflammatoire plus que par une toxicité de classe uniforme.
D’où viennent ces chiffres que faut-il en tirer dans la pratique ?
La méta-analyse a interrogé Medline, Embase et Web of Science jusqu’au 25 juin 2025, sélectionnant des études comparatives de grande taille (≥ 500 patients) opposant directement anti-JAK et anti-TNF dans les maladies auto-immunes. Les risques ont été estimés via des modèles à effets aléatoires, en privilégiant des HR ajustés sur les principaux facteurs confondant ; la qualité de chaque essai a été notée faible à modérée selon l’échelle de Newcastle-Ottawa.
Les forces résident dans l’ampleur de l’échantillon, la nature « head-to-head » et la transversalité aux IMID, fournissant des incidences utiles à la décision. Les limites tiennent à l’absence de randomisation, à une hétérogénéité résiduelle, à des suivis souvent inférieurs à 2 ans (spécialement pour la cancérogenèse) et à des définitions d’événements issues de codes médico-administratifs. Ces contraintes imposent d’interpréter l’absence de différence comme un signal de sécurité rassurant mais non définitif, et de maintenir une vigilance prolongée.
Selon les auteurs, ces données soutiennent l’usage des inhibiteurs de JAK après stratification individuelle du risque, en particulier thromboembolique et cardiovasculaire : chez les patients souffrant de PR, âgés, tabagiques ou ayant des facteurs de risque de MTEV, privilégier les doses minimales efficaces, optimiser le contrôle de la maladie et discuter les alternatives anti-TNF si le risque est élevé. Une prévention MTEV raisonnée (recherche d’antécédents, immobilisation, œstroprogestatifs, néoplasies) et une surveillance clinique active les premiers mois sont indiquées ; pour les MICI, la réduction de l’exposition aux corticoïdes peut peser en faveur d’un anti-JAK lorsque l’efficacité attendue est supérieure.