Psychiatrie
Antidépresseurs : le syndrome de sevrage pas aussi sévère que rapporté auparavant
Ces dernières années, les risques associés au sevrage des antidépresseurs ont fait grand bruit. Une nouvelle étude affirme que ces études sont probablement exagérées : 2 semaines après l’arrêt, la majorité des patients n’ont qu’un seul symptôme de sevrage, et c’est le plus souvent un vertige fugace.

- marog-pixcells/istock
Le sevrage des antidépresseurs est un enjeu majeur dans la littérature, car il peut être confondu avec une rechute dépressive. Des symptômes de sevrage (anxiété, irritabilité, troubles du sommeil, somatisations) ont été rapportés comme intenses et prolongés, notamment avec les ISRS (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine). De nombreux patients pourraient même développer une dépendance psychologique, aggravée par un manque d’accompagnement médical.
L’analyse groupée de 50 essais randomisés (17 828 participants, 67 % de femmes, âge moyen 44 ans) a comparé, via l’échelle DESS (Discontinuation-Emergent Signs and Symptoms), l’arrêt brutal d’un antidépresseur à sa poursuite ou à un placebo. À J7, l’écart moyen atteint 0,31 écart-type (IC à 95 % 0,23-0,39), soit l’équivalent d’un symptôme de plus, bien en-deçà du seuil de syndrome cliniquement significatif (≥ 4 signes).
Les scores s’infléchissent dès la seconde semaine (SMD 0,13) et aucun lien n’apparaît avec une aggravation de l’humeur : la survenue ultérieure de tristesse relève donc plutôt d’une rechute dépressive que d’un effet de sevrage. L’étude est publiée dans JAMA Psychiatry.
Vertiges et nausées dominent, mais tolérance globalement favorable
Dans les quinze jours suivant l’arrêt de l’antidépresseur, quatre manifestations associées au sevrage se distinguent par rapport au placebo : vertige (OR 5,52 ; RD 6,24 %), nausée (OR 3,16 ; RD 2,9 %), vertige (OR 6,40) et anxiété (OR 3,15). Aucune majoration n’est observée pour fatigue, paresthésies, tremblements ou douleurs.
Les IRSNa rapides (venlafaxine, desvenlafaxine) concentrent la majorité des effets, avec jusqu’à 17,5 % de vertiges après arrêt de la venlafaxine. À l’inverse, la vortioxétine n’entraîne pas plus de symptômes que le placebo. Ni la durée de traitement, ni la méthode d’arrêt (réduction sur une semaine vs arrêt brusque) n’influencent la fréquence des signes, bien que les études aient testé peu de schémas de réduction prolongée.
Des données issues d’essais contrôlés courts : quelles conséquences pratiques ?
Les résultats proviennent de d’essais randomisés européens et nord-américaines, avec un suivi de 1 jour à 52 semaines, et un recours à des échelles standardisées ou aux effets indésirables déclarés. L’inclusion d’onze jeux de données non publiées renforce la puissance, mais la sous-représentation des molécules avec les demi-vies les plus longues (fluoxétine) et des patients polytraités ou âgés, limite la généralisabilité.
Selon les auteurs, la méta-analyse plaide pour informer les patients que la gêne liée à l’arrêt est habituellement modeste, précoce et autolimitée, sans impact sur l’humeur. Un sevrage prolongé n’apparaît justifié qu’en cas de traitement par venlafaxine/desvenlafaxine ou d’anxiété anticipatoire marquée. Les cliniciens doivent surtout assurer une surveillance de l’état dépressif entre un et six mois, période de rechute potentielle. Les recherches futures devront évaluer des protocoles de décroissance, inclure les nouvelles molécules (dextrométhorphane-bupropion, gepirone) et intégrer des cohortes plus diversifiées pour affiner une stratégie de sevrage utilisable en situation réelle.