Neurologie

Accident ischémique cérébral : un anti-GPIIb/IIIa après thrombolyse améliore la récupération fonctionnelle

Administré dans l’heure suivant une thrombolyse IV, un anti-GPIIb/IIIa d’action rapide, le tirofiban augmente de onze points la proportion de patients indemnes ou quasi-indemnes de handicap à 90 jours. Le surrisque hémorragique reste faible (1,7 % versus 0 %), mais impose une sélection rigoureuse.

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  • 05 Jul 2025
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    La thrombolyse intraveineuse dans les 4,5 heures suivant un AVC ischémique aigu est déjà établie comme traitement standard, mais le risque de réocclusion vasculaire secondaire reste un défi clinique important. L’AVC ischémique n’atteint une recanalisation efficace et durable qu’une fois sur deux après alteplase ou ténecteplase administrés dans les 4 h 30 après l’accident. Les re-occlusions précoces, où l’agrégation plaquettaire joue un rôle pivot, sont la principale limite de la thrombolyse isolée.

    Bien que des agents antiplaquettaires aient été envisagés pour réduire ce risque, leur utilisation dans les premières 24 heures suivant la thrombolyse est controversée, principalement en raison du risque accru d’hémorragie intracrânienne. Le tirofiban, antagoniste d’action rapide du récepteur plaquettaire GPIIb/IIIa, a donc été testé en add-on précoce dans l’essai de phase III multicentrique ASSET-IT (Advancing Stroke Safety and Efficacy through Early Tirofiban Administration after Intravenous Thrombolysis).

    Entre 2021 et 2023, 832 patients chinois atteints d’AVC non cardio-embolique, traités par thrombolyse IV mais non éligibles à la thrombectomie, ont été randomisés (1:1) pour recevoir, dans les 60 min suivant la fin de la thrombolyse, une perfusion de tirofiban 0,4 µg/kg/min sur 30 min puis 0,1 µg/kg/min pendant 23 h 30, ou un placebo. À 90 jours, 65,9 % des patients du bras tirofiban affichent un score de Rankin modifié (mRS) 0-1 contre 54,9 % sous placebo (RR = 1,20 ; IC à 95 % : 1,07-1,34 ; p = 0,001), soit un NNT de 9 pour un patient additionnel sans handicap majeur. L’étude est publiée dans le New England Journal of Medicine.

    Meilleur résultat chez les malades avec athérosclérose des grosses artères

    Le gain fonctionnel se retrouve dans la majorité des sous-groupes : femmes comme hommes, moins de 70 ans, NIHSS de 4 à 10 ou de 11 à 15, et après alteplase (75 %) ou ténecteplase (25 %). Chez les malades porteurs d’athérosclérose des grosses artères (≈ 60 % de la cohorte), le RR grimpe à 1,26, suggérant que les thrombus riches en plaquettes répondent logiquement mieux à l’anti-GPIIb/IIIa. L’amélioration d’au moins deux points sur l’échelle NIHSS à 24 h est observée chez 58 % des patients sous tirofiban versus 47 % sous placebo, tandis que l’évolution vers un infarctus moteur majeur recule de 15,2 % à 9,8 %.

    Côté tolérance, le taux d’hémorragie intracrânienne symptomatique (critères SITS-MOST) reste bas mais passe de 0 % à 1,7 % (∆ absolu = 1,7 %). La mortalité toutes causes à 90 jours est comparable : 4,1 % sous tirofiban, 3,8 % sous placebo. Aucune différence significative n’apparaît sur les hémorragies systémiques majeures ni sur les thromboses extracérébrales.

    Un essai chinois très solide mais dont il faut évaluer la généralisabilité

    ASSET-IT, conduit dans 38 centres chinois, applique un double-aveugle strictement contrôlé et une taille d’échantillon suffisante pour dépasser les limites des études antérieures monocentriques. Le choix d’exclure les AVC cardio-emboliques (absence de fibrillation atriale) cible une physiopathologie dominée par les agrégats plaquettaires, mais restreint la généralisabilité à l’Occident, où l’embolie cardiaque prédomine. Les patients inclus présentent un déficit initial modéré (NIHSS médian = 8), ce qui peut minorer le risque hémorragique observé. L’absence d’imagerie vasculaire systématique avant et après traitement limite néanmoins l’évaluation précise des re-occlusions et du réel effet antithrombotique.

    Cette étude démontre pour la première fois de manière robuste que l’ajout précoce de tirofiban après thrombolyse améliore le pronostic fonctionnel des patients ayant un AVC ischémique non cardioembolique sans thrombectomie, sans augmentation majeure du risque hémorragique. Cela ouvre la voie à une révision des protocoles de prise en charge post-thrombolyse, notamment dans les contextes où la thrombectomie n’est pas indiquée ou réalisable.

    Selon les auteurs, chez le patient non cardio-embolique, arrivé tôt et traité par thrombolyse IV seule, l’ajout d’un anti-GPIIb/IIIa pourrait devenir la norme, pourvu qu’un encadrement strict gère le risque hémorragique. Avant toute généralisation, trois verrous doivent toutefois être levés : confirmation dans des populations plus diverses (AVC cardio-embolique, ethnies occidentales), précision du bilan vasculaire pour identifier les occlusions persistantes, et évaluation coût-efficacité face aux stratégies combinées lyse + thrombectomie émergentes. Des essais adaptatifs comparant tirofiban, eptifibatide et double inhibition plaquettaire avec dose de charge, stratifiés sur la charge athéromateuse, sont désormais attendus pour affiner le paradigme de la neuro-reperfusion pharmacologique.

     

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