Rhumatologie

Canal carpien : avantage net pour la libération chirurgicale d’emblée sur les infiltrations

Dans un essai randomisé sur 934 patients, débuter le traitement d’un syndrome du canal carpien par la section du ligament annulaire antérieur confère 16 points de récupération durable en plus, au prix d’effets indésirables comparables à ceux d’une infiltration cortisonique en premier.

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  • 20 Jun 2025
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    Le syndrome du canal carpien (SCC) touche jusqu’à 6 % des adultes et pénalise surtout les femmes de plus de 45 ans. Face à une compression médiane susceptible de gêner l’activité professionnelle, deux actes dominent : l’injection périnerveuse de corticoïde, rapide et peu invasive, et la chirurgie de libération, plus lourde mais potentiellement définitive. L’absence de comparaison robuste entretient des pratiques très hétérogènes.

    L’essai randomisé ouvert DISTRICTS, conduit dans 31 hôpitaux néerlandais, a opposé une stratégie « chirurgie d’emblée » (n = 468) à une stratégie « infiltration première » (n = 466) avec recours libre à des traitements supplémentaires. Critère principal : proportion de sujets « rétablis » (score CTS-6 < 8/24) à 18 mois.

    Publiés dans The Lancet, les résultats de cette étude, premier essai contrôlé randomisé suffisamment puissant comparant l'efficacité d'un traitement débutant par une intervention chirurgicale à celle d'un traitement débutant par des injections avec un suivi à long terme de 18 mois, montrent que 61 % de rémissions sont obtenues après chirurgie initiale versus 45 % après infiltration en premier (RR = 1,36 ; IC à 95 % 1,19-1,56 ; p < 0,0001), soit un NNT de 6.

    Une guérison plus rapide après chirurgie avec moins de réinterventions

    Au-delà de ce bénéfice principal, la vitesse de guérison diffère : médiane 9 mois après chirurgie contre 18 mois après infiltration. Seuls 16 % des infiltrés sont rétablis sans opération ultérieure, tandis que 57 % des opérés initiaux n’ont pas requis d’autre geste. La moitié des patients du bras infiltration ont finalement été opérés avant 18 mois. Les évaluations fonctionnelles montrent également un meilleur score Boston et une satisfaction accrue dans le bras chirurgical.

    Côté sécurité, la fréquence globale d’événements rapportés par les patients est identique (86% versus 85%). La douleur palmaire est plus fréquente après chirurgie jusqu’au 9ᵉ mois puis se nivelle ; les problèmes cutanés ou de cicatrice concernent 15-20 % des actes chirurgicaux. À l’inverse, la sensation « altérée » dans la main est signalée plus souvent après infiltration, probablement reflet d’une persistance ou récidive du syndrome du canal carpien. Un seul patient a nécessité une hospitalisation post-opératoire et aucun décès imputable aux traitements n’a été observé.

    1ère étude randomisée de bonne qualité dans le syndrome du canal carpien

    Les données proviennent d’une population largement représentative des parcours néerlandais, diagnostiquée sur critères cliniques appuyés d’électromyogrammes ou d’échographie, avec stratification initiale (latéralité, comorbidités, antécédents d’infiltration). Le design pragmatique, non masqué, autorisait nombre et type d’infiltrations ou de techniques chirurgicales selon l’usage local, gage d’extrapolation mais source d’hétérogénéité ; la certitude du résultat principal reste toutefois élevée grâce à la puissance (n > 900) et au suivi complet de 86 % des sujets. L’absence de données ethniques et l’intervalle d’observation limité à 18 mois appellent des confirmations multicentriques et plus longues. Les analyses médico-économiques attendues préciseront le surcoût initial de la chirurgie versus l’accumulation d’actes injectables et de consultations.

    Selon les auteurs, ces résultats autorisent désormais une recommandation forte : proposer d’emblée la libération chirurgicale aux patients souhaitant la solution la plus efficace à long terme, tout en informant des risques de douleur palmaire transitoire et de cicatrice. L’infiltration conserve une place si la chirurgie est contre-indiquée, différée ou refusée, mais le praticien doit prévenir qu’elle aboutit une fois sur deux à une opération de rattrapage.

    Les travaux futurs devront comparer abord endoscopique et mini-incision, évaluer l’effet modulateur de la précision échoguidée pour l’infiltration, et identifier les phénotypes (âge, durée des symptômes, diabète) prédictifs de succès sans chirurgie.

     

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