Onco-sein
Cancer du sein : envisager une grossesse pendant l’hormonothérapie ?
Les données de l’étude prospective POSITIVE, démontre qu’une interruption temporaire de traitement dans un objectif de grossesse, après au moins 18 mois d’hormonothérapie préalable pour un cancer du sein RH+, n’augmenterait pas le risque de récidive local ou à distance.
- Artfoliophoto/iStock
Le diagnostic de cancer du sein chez les femmes jeunes, de moins de 40 ans, a augmenté sur les dernières années, via les campagnes d’information et l’amélioration des techniques de dépistage, permettant souvent un diagnostic au stade précoce, dont on ne peut que se réjouir, et en faisant la cause première de cancer chez la femme jeune. Egalement, les données récentes des différents essais cliniques d’hormonothérapie, ont conduit à un allongement dans certaines conditions de la durée de ce traitement pouvant aller jusqu’à 7-10 ans.
Parallèlement, l’âge moyen d’une première grossesse chez la femme a beaucoup augmenté passant de 24 ans en 1960 à 28 ans actuellement. Il n’est donc pas rare d’être confronté dans notre exercice à la problématique d’un désir de grossesse chez nos jeunes patientes sous traitement, avec les difficultés de déclin de la réserve ovarienne avec l’âge, où il est parfois impossible d’envisager d’attendre la fin complète de la séquence thérapeutique. Dans ces conditions, peut-on envisager d’interrompre temporairement les traitements, sans faire courir de sur-risque à nos patientes ? et si oui, à quels types de patientes ?
Au moins 18 mois de traitement d’hormonothérapie préalable
Publiée récemment dans le NEJM par AH Patridge et al., l’étude POSITIVE proposait à des patientes avec un cancer du sein RH+, une interruption temporaire de traitement après au moins 18 mois d’hormonothérapie, afin d’envisager une grossesse. Les résultats de cette étude rassurent, avec une absence d’augmentation « d’évènement cancéreux mammaire » comparativement à la population contrôle.
En pratique, entre Décembre 2014 et Décembre 2019, 516 jeunes patientes (≤ 42 ans) présentant un cancer du sein localisé, stade I-II-III, RH+ (≥1 % d’expression), en désir de grossesse, ayant reçu au préalable au moins 18 mois d’hormonothérapie, mais pas plus de 30 mois, ont été incluses. Les patientes pouvaient avoir reçu auparavant une chimiothérapie, avec ou sans préservation de la fertilité. Un wash-out de 3 mois d’hormonothérapie était imposé avant d’envisager une grossesse, et l’interruption prévue pour maximum 2 ans. Une aide à la procréation médicalement assistée était permise, et encouragé en l’absence de grossesse après 1 an de tentative. Au-delà des 2 ans d’arrêt, l’hormonothérapie était reprise pour la durée totale initialement prévue.
Le critère de jugement principal était le nombre d’évènement cancéreux en rapport avec le cancer du sein, défini par une récidive invasive locale ipsi, ou controlatéral, ou à distance, avec un seuil de sécurité établi au préalable comme devant être ≤ 46 évènements sur la période donnée. Le groupe contrôle était établi sur les données des 1 499 patientes comparables des essais SOFT et TEXT.
Un risque de récidive à 3 ans de 8,9%, comparable aux données habituelles
La durée médiane de suivi était de 41 mois. L’âge médian était de 37 ans, avec 34,3 % de patientes de moins de 35 ans. La majorité, 64,1 % présentait une maladie de stade I, 31,2 % de stade II et 4,1 % de stade III, avec 29,3 % entre 1-3 ganglions et 4,5 % entre 4-9 ganglions. Dans la cohorte, 62 % des patientes avaient reçu une chimiothérapie préalable. La durée médiane entre le diagnostic et l’inclusion était de 29 mois. Parmi les patientes, 25 % avaient déjà un enfant.
Sur les 516 patientes, 44 ont présenté une récidive (22 récidives locales et 22 à distances), soit un risque à 3 ans estimé à 8,9 % vs 9,2 % dans le bras contrôle (HR ajusté : 0,81, 95 % CI, 0,57-1,15), et un risque à 3 ans de récidive à distance estimé à 4,5 % vs 5,8 % dans le bras contrôle (HR ajusté : 0,70, 95 % CI, 0,44-1,12).
Sur 497 patientes dont on connait le suivi gestationnel, 74 % ont été enceintes, et 63,8 % ont donné naissance à un enfant, soit un HR de récidive associé à la grossesse estimé et calculé à 0,53 (95 % CI, 0,27-1,04). La procréation médicalement assistée a concerné 43,3 % des patientes. L’âge jeune (< 35 ans) semble être le seul facteur ressortant comme associé à un succès de grossesse.
Concernant les 415 patientes sans récidives après 2 ans d’arrêt, 73,3 % ont repris leur hormonothérapie, et la moitié dans les 26 mois après l’interruption. Concernant les 111 patientes qui n’ont pas repris leur traitement, 79,3 % s’abstenaient du fait de poursuite du projet de grossesse, ou de la grossesse ou de l’allaitement en cours, 15,4 % n’avaient toujours pas repris leur hormonothérapie à 48 mois de la pause.
Bien qu’il soit nécessaire d’envisager des résultats à plus long terme, ces premières données rassurent notamment en pratique courante, ou parfois la décision des patientes est sans appel, et permettent ainsi d’envisager une possible fenêtre.











