Témoignage patient

Hémophilie : "Grâce aux nouveaux traitements, j’ai pu tenter l'ascension du Mont Blanc"

Depuis sa naissance, Raphaël est hémophile. Le patient nous raconte comment malgré cette maladie hémorragique, qui lui a parfois valu des regards parfois stigmatisants, il a pu effectuer une ascension vers le plus haut sommet des Alpes.

  • Documentaire "Mountains We Carry; Mountains We Climb"
  • 16 Mai 2025
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    "Mes parents ont su assez tôt que j’étais atteint d’hémophilie, car je suis issue d’une grossesse multiple, qui était surveillée de très près. Ma mère était enceinte de triplés. Nous sommes nés grands prématurés et la cicatrisation du cordon ombilical se faisait mal. C’est peu après ce moment-là que le diagnostic a été posé pour moi et mon frère. Ma sœur n’est pas porteuse du gène", confie Raphaël, aujourd’hui âgé de 36 ans. Cette maladie, qui se transmet par le chromosome X où se situent les gènes incriminés et touche environ 8.000 hommes et 550 femmes en France, se traduit par une impossibilité pour le sang de coaguler. Il en existe deux types : l’hémophilie A, qui constitue 80 % des cas, selon le Manuel MSD, et se caractérise par un déficit du facteur de coagulation VIII, et l’hémophilie B, qui est plus rare et liée quant à elle à un déficit du facteur de coagulation IX. Dans le cas de l’habitant de Haute-Savoie, il s’agit de l’hémophilie A sévère, car le du facteur de coagulation VIII est inférieur à 1 %.

    Hématomes, ecchymoses : "Ces traces faisaient peur aux professeurs et aux élèves"

    Durant son enfance, le patient ressource pour l’association française des hémophiles se souvient avoir été parfois stigmatisé, plus précisément mis à l’écart durant les activités collectives. "Pour moi, c’était normal d’avoir des problèmes de santé, des douleurs, des hématomes persistants qui faisaient la taille de mon muscle. Mais pour les autres enfants, ce n’était pas le cas. À la piscine, ils regardaient les bleus et les ecchymoses présents sur tout mon corps. Ces traces, mais aussi les saignements spontanés et excessifs, faisaient peur aux professeurs, prévenus par nos parents, et aux élèves, qui étaient ignorants. Pourtant, le plus préjudiciable pour nous, ce sont les saignements articulaires. Ils ont une incidence sur le long terme et vont user le cartilage, ce qui peut augmenter le risque d’arthrose. Mais dans notre cas, on a eu de la chance, car le diagnostic a été posé très tôt, donc on a pu rapidement bénéficier d’une prise en charge. Ce n’est pas le cas pour tous les patients. Étant donné que l’hémophilie est une pathologie rare, elle n’est pas forcément une des causes que les médecins vont chercher en premier ! L’errance diagnostique peut donc être longue."

    "Je n’ai aucun problème de santé lié à l’hémophilie"

    À l’adolescence, Raphaël et son frère décident de prendre leur maladie en main. "Lorsque nous étions plus petits, nos parents avaient pour habitude d’indiquer au corps enseignant que nous étions hémophiles. Après coup, je ne sais pas si c’était une bonne idée, car en réalité, tout le monde n’avait pas besoin de le savoir. Au collège et au lycée, nous avons donc décidé avec mon frère d’en parler uniquement à nos amis. Aujourd’hui, à l’âge adulte, pas grand monde n’est au courant. Ce n’est pas que j’ai honte d’en parler, mais les gens n’ont, en général, pas assez d’empathie pour imaginer et comprendre ce que l'on a vécu. De plus, ils ont une idée toute faite de la maladie. Ils pensent que l’on saigne tout le temps. Je n’ai pas l’énergie de leur expliquer, et puis, comme désormais, les symptômes ne sont pas visibles, je n’ai pas besoin de le faire."

    Car oui, l’état de santé du savoyard, suivi par un hématologue à Annecy, est stable. "J’ai recours à la prophylaxie. C’est-à-dire que je prends des médicaments avant d’avoir des symptômes, ce qui permet de limiter les risques. Grâce aux nouveaux traitements, plus précisément les méthodes et protocoles hebdomadaires ou mensuels dont je ne peux pas parler, je vais bien. Mes articulations se portent bien. Je n’ai aucun problème de santé lié à l’hémophilie. Ça, je le dois aussi à mon hygiène de vie, je ne veux pas être limité dans mes actions, donc je fais attention à mon sommeil, mon alimentation, je pratique également une activité physique contrairement aux idées reçues."

    "Peu de gens pensaient qu’on allait réussir, mais on l’a fait"

    Un mode de vie qu’il a facilité sa préparation pour l’ascension du Mont Blanc, qui a fait l’objet d’un documentaire "Mountains We Carry; Mountains We Climb". Une idée de Chris Bombardier, directeur de l’association Save One Life pour les patients hémophiles, qui l’a immédiatement convaincu. "Après deux ans de préparation, nous, l’équipe et tous les patients hémophiles sous traitement, allions faire l’ascension ! L’été dernier, nous avons commencé par quatre jours d’acclimatation à l’altitude à Chamonix. Je n’avais pas d’appréhension, je me sentais prêt physiquement. Mon quotidien en montagne me permettait d’être confiant. Les deux jours suivants, nous avons suivi la voie normale vers le Mont Blanc. L’ascension était difficile, car il y avait beaucoup de vent et de grêle. C’était éprouvant, mais nous y sommes presque arrivés, nous ne sommes pas parvenus au sommet, nous nous sommes arrêtés à 4.600 mètres. Dans la descente, on a vu les beaux paysages et on s’est rendu compte de ce que l’on avait accompli, et surtout de l’effort que l’on avait fourni. C’était fort émotionnellement, car j’ai grandi avec l’idée en tête qu’à cause de cette maladie, on ne peut pas faire tout ce que l’on veut. Et pourtant, j’ai pu tenter l'ascension du Mont Blanc. Peu de gens pensaient qu’on allait réussir, mais on l’a fait. Je suis très fier de ça ! Cela prouve qu’il faut oser trouver des projets et bouger pour ne plus avoir mal."

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