Infectiologie
Lyme : pas d'indication pour la prolongation des antibiotiques
La prolongation du traitement par les antibiotiques ne modifieraient pas les symptômes rencontrés parfois après traitement de la maladie de Lyme, selon une étude parue dans le NEJM. Un résultat décevant face aux espoirs qui avaient été placés dans ce traitement, mais qui fait déjà polémique.
- Fairfax County/Flickr
L’étude parue dans le NEJM avait pour but d’évaluer l’impact de la prolongation d’un traitement antibiotique au long cours, associé ou pas à un anti inflammatoire, sur différentes douleurs et symptômes chez des patients ayant été traité pour Lyme.
L’essai assorti d'un éditorial, est randomisé, double aveugle, versus placebo. Tous les patients ont reçu avant le début de l'étude, un traitement antibiotique de 15 jours (ceftriaxone), de façon à reproduire les conditions de la vraie vie, à savoir la non réponse de ces douleurs chroniques à un traitement classique. Après et seulement après, est évalué l’intérêt d’un autre traitement antibiotique, mais cette fois-ci prolongé 3 mois. Trois groupes ont alors ont reçu des antibiotiques ayant montré leur efficacité sur l’infection : doxycycline seule, clarythromycine plus l’hydroxychloroquine comme immunomodulateur, et enfin placebo. Ces trois traitements ont été donnés par voie orale pendant 3 mois.
Le choix des patients était assez large et incluait des malades européens avec différents types de tiques et dont les symptômes étaient évocateurs des douleurs chroniques post-Lyme. La sérologie de Lyme de type IgG ou IgM, ce qui correspond en fait à ce que l’on voit dans la vraie vie. Les auteurs se sont basés sur des scores de qualité de vie, validés et utilisés classiquement dans d’autres études. Résultat : pour Yves Hansmann, chef du Service des Maladies Infectieuses aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg, si une amélioration significative est observée dans les 3 groupes après les 2 semaines de ceftriaxone il n'y a aucun bénéfice à tirer de la prolongation de l'antibiothétapie, puisque les scores de qualité de vie ne se sont pas modifiés après les traitements et dans tous les groupes. Il en est de même pour l'addition de l'immunomodulateur : l'hydroxychloroquine pendant 3 mois n'est associée à aucune amélioration.
Méthodologie critiquée mais standard
Des résultats contestés par Christian Perrone, chef du service des maladies infectieuses au CHU de Garches et Vice président de la Fédération française des maladies vectorielles à tiques. Une contestation marquée d’emblée de la méthodologie de "cette étude qui a été conçue pour que les auteurs ne trouvent pas de différence signficative entre les différents groupes. Pourquoi ? D'une part parce que la durée du traitement est trop courte, beaucoup de malades étant encore en exacerbation. Et d'autre part parce que seul un score global de qualité de vie est rapporté à la fin de l'étude et pas l'impact des antibiotiques sur les différents symptômes pris séparemment".

Par contre la méthodologie est au-dessus de tout soupçon pour Yves Hansmann car elle est rigoureuse et copie-conforme aux méthodologies adoptées pour des essais thérapeutiques avec un groupe placebo. De plus, les groupes sont relativement homogènes, sans différence tant sur le plan des signes généraux, du diagnostic que de la présence ou non d'une sérologie positive au Lyme, donc des groupes tout à fait comparables.
Si la prolongation du traitement antibiotique sur 3 mois n’apporte aucune amélioration par rapport ayu traitement de 2 semaines par la ceftriaxone, que proposer alors aux médecins qui se trouvent confrontés à des patients qui souffrent après une infection traitée correctement ? Quand les patients ont déjà été traités par les antibiotiques spécifiques du Lyme, comme cela a été fait dans cette étude et que malgré tout, ils ont encore des signes qui évoluent, il peut rester quand même une solution, selon Yves Hansmann : chercher un diagnostic différentiel et ne pas donner un traitement antibiotique au long cours comme cette étude le montre.

Lyme ou autres infections ?
Pour Christian Perronne, il reste surtout un problème de reconnaissance « officielle », mais aussi de diagnostic : la reconnaissance du Lyme chronique et le fait qu’elle ne se résume pas à Borelia burgdorferi. " Il y a de nombreuses autres Borelia, dont une toute dernière qui vient d'être mise en évidence aux Etats-Unis, il y a aussi d'autres bactéries et ce que l'on met sur le dos du Lyme n'est pas forcément que du Lyme. Il y a un ensemble d'infections pour lequel on ne dispose d'aucun test en médecine humaine aujourd'hui. IL y a des tests en médecine vétérinaire, mais pas en humaine , donc les médecins sont dans le brouillard total pour les traiter."
Et le médecin se retrouve donc bien démuni face à cette symptomatologie très éclectique chez des patients qui souffrent et où l’irrationnel peut parfois participer alors à sa décision thérapeutique.
Cependant Christian Perronne et Yves Hansmann pensent à l’unisson que des recherches urgentes s’imposent, surtout en matière de diagnostic. Avec à la clé une reconnaissance, ou pas, de la réalité du " Lyme chronique " ou du " post-Lyme " et l’explication de ce qu’il se passe quand de vrais Lyme, étiquetés comme tel, ne sont pas améliorés malgré une prise en charge « classique ».











