Cardiopathies : l’IA désormais au service du dépistage et du suivi connectés

Stéthoscope sur smartphone, suivi vocal de l’insuffisance cardiaque, tests sanguins à domicile et formation en réalité virtuelle : les innovations présentées à l’ESC Digital & AI Summit 2025 de Berlin préfigurent une cardiologie plus connectée, plus précoce et plus personnalisée. Ces technologies disruptives offrent des solutions concrètes à la prévention et au suivi à distance, tout en soulevant les défis d’une intégration éthique et efficace.

Présenté à Berlin lors du premier ESC Digital & AI Summit, le dispositif développé par Theodor Health transforme un smartphone en stéthoscope intelligent. En 15 secondes, l’application enregistre les bruits cardiaques, les analyse via une IA propriétaire, puis délivre une interprétation semi-quantitative avec une sensibilité et une spécificité >90 % pour les souffles cardiaques. Cette approche mobile et connectée permet de dépister rapidement une valvulopathie ou un trouble du rythme, où que soit le patient.

Autre innovation prometteuse : Vox, l’outil de suivi développé par Noah Labs, exploite des enregistrements vocaux standards pour détecter à distance les signes précoces de décompensation d’une insuffisance cardiaque chronique. L’algorithme repère les modifications acoustiques liées à la congestion pulmonaire, délivre un score de "moiteur" validé et génère des alertes cliniques. Intégrable dans un smartphone sans capteur additionnel, Vox pourrait compléter les solutions de télésuivi existantes, avec quatre études observationnelles actuellement en cours pour valider ses performances, notamment en lien avec les pressions pulmonaires mesurées par CardioMEMS.

Former sans risque, dépister plus tôt : vers une cardiologie proactive

Côté formation, Epicardio propose une plateforme de simulation virtuelle interactive pour l’apprentissage de la stimulation cardiaque par conduction system pacing (CSP), technique de plus en plus utilisée pour optimiser la synchronisation ventriculaire. Grâce à une modélisation 3D en temps réel, le dispositif permet d’apprendre à positionner virtuellement les électrodes, d’observer les modifications du tracé ECG et de mieux comprendre les interactions entre électrophysiologie et anatomie cardiaque, sans intervention sur patient réel.

Sur le versant prévention, le test PocDoc Healthy Heart Check, déjà diffusé au Royaume-Uni, permet au patient de réaliser un auto-prélèvement capillaire, de lire le test après 7 minutes via une photo smartphone, puis d’obtenir immédiatement un profil lipidique, un âge cardiaque et un risque cardiovasculaire à 10 ans. Accessible en pharmacie ou à domicile pour environ 20 £, ce test vise à accélérer le dépistage des patients à risque et à désengorger la médecine de ville. Selon les estimations du NHS, chaque PocDoc économiserait en moyenne 20 minutes de temps médical.

Une médecine plus connectée, à encadrer éthiquement

Ces innovations reposent sur des technologies bien connues (IA, modélisation 3D, diagnostic embarqué) mais appliquées à des usages cliniques concrets : dépistage de l’insuffisance cardiaque, diagnostic des valvulopathies, formation médicale avancée, ou encore prévention active des maladies cardiovasculaires. L’intérêt principal de ces dispositifs réside dans leur accessibilité, leur autonomie d’usage et leur intégration potentielle dans les parcours de soins. Cependant, leur diffusion large posera des questions éthiques, réglementaires et économiques : validité des algorithmes, fiabilité des auto-mesures, protection des données de santé et acceptabilité sociale.

L’ESC Digital & AI Summit 2025 marque une étape importante dans la reconnaissance institutionnelle de ces outils. L’enjeu, désormais, sera d’encadrer leur usage, de garantir leur sécurité clinique, et de former les professionnels de santé à leur interprétation. Si le potentiel est immense, leur impact réel dépendra de leur évaluation rigoureuse et de leur intégration intelligente au sein des systèmes de santé.