Onco-Sein

Cancer du sein métastatique RH+LHER2− : un anticorps conjugué anti-HER3 franchit un cap

Chez des patientes avec cancer du sein métastatique HR+HER2− et en échec des inhibiteurs de CDK4/6 et d’une chimiothérapie, le patritumab deruxtecan (HER3-DXd) obtient 53,5 % de réponses objectives. Des biomarqueurs de la réponse émergent : distribution spatiale d’HER3, statut ESR1 et signature d’interféron, avec une tolérance globalement maîtrisée.

  • Marcin Klapczynski/istock
  • 06 Septembre 2025
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    Le cancer du sein demeure la tumeur maligne la plus fréquente chez la femme, avec un besoin constant d’innovation thérapeutique dans les formes avancées. Les conjugués anticorps-médicaments (ADC) ont déjà bouleversé le paysage oncologique : le trastuzumab deruxtecan (T-DXd) a significativement amélioré la survie dans les cancers HER2+ et HER2-low, tandis que le sacituzumab govitecan et le datopotamab deruxtecan ont montré une efficacité intéressante dans les cancers HER2-low et HER2-0. Pourtant, il subsiste une marge pour développer de nouveaux ADCs et des stratégies combinatoires, afin d’élargir le spectre des antigènes cibles, d’améliorer les profils de tolérance et de personnaliser l’indication en fonction des caractéristiques tumorales et patientes.

    C’est dans ce contexte que l’essai académique ICARUS-BREAST01 a exploré le patritumab deruxtecan (HER3-DXd), conçu pour cibler HER3, une protéine impliquée dans les mécanismes de résistance aux traitements standards. De mai 2021 à juin 2023, 99 patientes RH+/HER2- métastatiques, en progression après inhibiteurs de CDK4/6 et une ligne de chimiothérapie, ont reçu HER3-DXd (5,6 mg/kg toutes les 3 semaines). Le critère principal est atteint : le taux de réponse objective s’élève à 53,5 % (IC à 90 % : 44,8–62,1), avec un bénéfice clinique dans 63 % des cas et deux réponses complètes prolongées au-delà de 2 ans. La survie sans progression médiane est de 9,2 mois et la durée médiane de réponse de 9,3 mois, confirmant l’intérêt de cette approche dans une séquence où les options efficaces sont limitées. Les résultats sont publiés dans Nature Medicine.

    Une cible biologiquement pertinente et des prédicteurs de la réponse

    Les analyses exploratoires suggèrent une association entre la réponse au traitement et la distribution spatiale de HER3 dans la tumeur, ainsi qu’avec l’absence de mutation d’ESR1. La survie sans progression paraît allongée chez les patientes dont les tumeurs expriment davantage HER3. Les biopsies sériées montrent que l’efficacité semble dépendre à la fois d’une bonne diffusion intratumorale de l’ADC et de l’activation d’une réponse immunitaire médiée par l’interféron, évoquant un mécanisme additionnel à la simple délivrance du médicament.

    Le profil de tolérance reste conforme aux attentes : fatigue (83 %), nausées (75 %), diarrhées (53 %) et alopécie (40 %), principalement de grade faible à modéré. Ces données confirment la faisabilité de HER3-DXd dans cette population lourdement prétraitée et ouvrent des perspectives de personnalisation grâce à l’intégration de biomarqueurs.

    Une phase 2 académique avec recherche intégrée de biomarqueurs

    ICARUS-BREAST01 se distingue par son design académique innovant intégrant des biopsies avant et pendant traitement, couplées à des analyses moléculaires et d’imagerie. Cette approche a permis de générer des hypothèses mécanistiques solides, mais les limites tiennent à l’absence de bras comparateur, à l’effectif restreint et à la nécessité de confirmer ces signaux dans des essais de phase III. En pratique, HER3-DXd apparaît comme une alternative crédible à la chimiothérapie post-CDK4/6i, et son intégration pourrait être optimisée par un profilage tumoral incluant la répartition d’HER3 et le statut ESR1.

    Les perspectives concernent à la fois des essais comparatifs versus autres ADCs, des associations rationnelles (notamment avec inhibiteurs de réparation de l’ADN) et le développement de biomarqueurs compagnons robustes. À terme, la sélection des patientes pour HER3-DXd pourrait reposer sur un triptyque intégrant l’expression et l’architecture de HER3, le statut ESR1 et la signature immuno-pharmacodynamique, afin de maximiser le bénéfice clinique et d’élargir encore le spectre thérapeutique du cancer du sein HR+HER2− avancé.

     

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