Cardiologie

Cardiomyopathie post-cancer pédiatrique : certains variants génétiques sont protecteurs

Chez plus de 6400 survivants d’un cancer pédiatrique exposés aux anthracyclines et/ou à la radiothérapie thoracique, deux variants fréquents – rs3829746-C dans TTN et rs2234962-C dans BAG3 – réduisent d’environ 20 % le risque de cardiomyopathie dilatée après cancer ; aucun rôle n’est retrouvé pour les variants rares de ces gènes.

  • Filip_Krstic/istock
  • 22 Jun 2025
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    Les survivants de cancer de l’enfance ont un excès de morbidité cardiovasculaire : leur risque de cardiomyopathie dilatée tardive est 15 fois supérieur à celui de leurs frères et sœurs. L’exposition aux anthracyclines ou aux rayonnements médiastinaux, l’âge jeune au diagnostic et les facteurs de risque classiques ne suffisent toutefois pas à expliquer l’ensemble de cette vulnérabilité.

    Forts des données acquises dans la population générale, où certains variants communs de TTN et BAG3 protègent de la cardiomyopathie dilatée sporadique tandis que des variants rares augmentent le risque familial, les auteurs ont recherché ces deux gènes dans les deux plus grandes cohortes nord-américaines : SJLIFE (n = 1843) et CCSS (n = 4577). Selon les résultats publiés dans le JAMA Network Open, chez les survivants d’ascendance européenne, porteurs respectivement de rs3829746-C (TTN) et rs2234962-C (BAG3), le risque de cardiomyopathie dilatée après cancer grade ≥ 2 est réduit (OR = 0,81 [0,68–0,97] et 0,79 [0,65–0,95]). Aucun effet protecteur n’a été observé chez les sujets d’ascendance africaine.

    Un mécanisme cardio-protecteur intrinsèque

    Au-delà du critère principal, l’évaluation échocardiographique détaillée (SJLIFE) confirme l’impact fonctionnel de ces variants : diminution du volume télé-systolique VG (-1,9 mL/m² pour TTN ; -2,7 mL/m² pour BAG3), amélioration de la fraction d’éjection (+0,6 % et +0,9 %) et du strain longitudinal global (-0,31 % et -0,30 %). Les variants n’interagissaient pas avec la dose cumulée d’anthracyclines ni avec la dose-surface de radiothérapie, suggérant un mécanisme cardio-protecteur intrinsèque.

    En revanche, les variants rares protéino-délétères des mêmes gènes, sur-représentés dans la cardiomyopathie familiale ou la cardiomyopathie précoce de l’adulte, n’étaient pas associés à la cardiomyopathie tardive pédiatrique (prévalence comparable aux témoins, p > 0,2). Aucun signal de tolérance particulier n’est attendu puisque l’étude repose sur l’analyse génotypique ; le suivi clinique longitudinal n’a pas révélé d’effets indésirables spécifiques liés au génotype.

    L’identification précoce des porteurs de gènes non protecteurs pourrait affiner la stratification du risque

    Ces résultats proviennent d’une étude rétrospective avec suivi prospectif : phénotypage cardiologique systématique dans SJLIFE (échographie standardisée, CTCAE v4.03) et auto-déclaration validée dans CCSS, puis méta-analyse des estimations ajustées sur sexe, âge, exposition thérapeutique et facteurs cardiovasculaires. La large taille d’échantillon, la diversité ancestrale et la granularité des données de traitement renforcent la représentativité, tandis que la définition différente de la CCM entre cohortes et l’absence de données fonctionnelles pour CCSS en limitent la comparabilité.

    Selon les auteurs, l’identification précoce des porteurs de gènes non protecteurs pourrait affiner la stratification du risque, guider la surveillance échographique rapprochée et inciter à la cardioprotection pharmacologique dès la fin des traitements oncologiques. Les prochaines étapes incluent : validation dans d’autres ethnies, intégration de ces variants dans les scores génétiques poly-géniques, exploration fonctionnelle des voies TTN/BAG3 dans la toxicité anthracycline, et évaluation d’éventuels modulateurs thérapeutiques.

    Cette avancée souligne la nécessité d’une médecine de précision en cardio-oncologie pédiatrique : passer du « one size fits all » à une prévention ciblée basée sur le génome du survivant.

     

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