Onco-Digestif

Cancers digestifs métastasés : une nouvelle immunothérapie révolutionnaire

Chez des patients atteints de cancers digestifs en impasse thérapeutique, une étude démontre la faisabilité d’une thérapie cellulaire par édition génique CRISPR-Cas9 permettant d’inactiver CISH, un checkpoint intracellulaire clé de la répression des lymphocytes infiltrants la tumeur, ou TIL.

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  • 04 Mai 2025
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    Si les inhibiteurs classiques de points de contrôle immunitaire (anti-PD-1/PD-L1) ont transformé la prise en charge de plusieurs tumeurs solides, leur efficacité reste limitée dans les cancers épithéliaux digestifs métastatiques, souvent réfractaires aux immunothérapies conventionnelles. C’est dans ce contexte qu’une équipe de l’université du Minnesota a réalisé une première mondiale. En désactivant un gène appelé CISH, les chercheurs ont découvert que les TIL modifiées étaient plus aptes à reconnaître et à attaquer les cellules cancéreuses. Ils ont ensuite initié un essai de phase 1 combinant thérapie par lymphocytes infiltrant la tumeur (TIL) et édition génique CRISPR-Cas9 pour inactiver CISH, un checkpoint intracellulaire T encore inexploré cliniquement.

    L’objectif principal était d’évaluer la sécurité de l’infusion de TIL autologues CISH-KO chez 12 patients atteints de cancers digestifs métastatiques, en progression après au moins une ligne de traitement standard. Selon les résultats publiés dans The Lancet Oncology, malgré une toxicité attendue liée au conditionnement (chimiothérapie lymphodéplétante et IL-2), aucun effet indésirable sévère attribuable directement à l’édition génique n’a été observé, validant la tolérance du protocole. Un patient atteint de cancer colorectal MSI-H réfractaire aux anti-PD1/CTLA-4 a eu une réponse complète durable (>21 mois), soutenant l’intérêt thérapeutique potentiel de cette approche.

    Un rationnel innovant pour les cancers épithéliaux résistants à l’immunothérapie

    Sur les 19 produits cellulaires CISH-KO fabriqués (86 % des patients), 12 ont pu être administrés (63%). Tous les patients ont eu des effets indésirables de grade ≥3, en lien avec le conditionnement ou l’IL-2 : cytopénies (100 %), asthénie (33 %), anorexie (25 %). Aucun syndrome de relargage cytokinique ou neurotoxicité de grade ≥3 n’a été rapporté.

    À J28, 6 patients (50 %) avaient une maladie stable, dont 4 (33 %) encore stable à J56. Le cas notable de réponse complète concerne une jeune patiente, chez qui les métastases ont disparu progressivement sans rechute après deux ans. Ce profil de tolérance acceptable, associé à une réponse objective chez un patient en échec d’immunothérapie, suggère que CISH pourrait représenter une nouvelle cible immunomodulatrice d’intérêt.

    Un essai de phase 1 explorant une nouvelle cible qui relance l’intérêt des TIL

    Cet essai de phase 1, monocentrique, non randomisé (NCT04426669), a inclus des patients âgés de 18 à 70 ans atteints de cancers digestifs métastatiques, avec au moins une lésion résécable pour génération de TIL. Les TIL ont été sélectionnés selon leur réactivité aux néoantigènes tumoraux, puis modifiés via CRISPR-Cas9 pour inactiver CISH, un gène codant un inhibiteur intracellulaire des signaux TCR.

    L’étude confirme la faisabilité technique de générer plus de 10 milliards de TIL modifiés par patient dans un environnement conforme aux exigences cliniques, sans compromettre leur expansion ni leur fonctionnalité. Si l’effectif est limité et la diversité tumorale restreinte (principalement cancers colorectaux), ces résultats ouvrent la voie d’une immunothérapie de nouvelle génération ciblant des checkpoints intracellulaires, potentiellement complémentaires ou alternatifs aux cibles classiques.

    À moyen terme, des essais de phase 2 sont nécessaires pour confirmer l’efficacité, identifier les facteurs prédictifs de réponse, et évaluer la reproductibilité du succès observé dans la maladie MSI-H. En parallèle, des stratégies visant à rendre la production plus accessible et à explorer l’inhibition de CISH par voie pharmacologique sont en cours de développement.

     

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    JDF