Rhumatologie

Goutte : le traitement intensif et aux objectifs largement supérieur

Dans la goutte, une stratégie de traitement intensive (« Thight-control ») avec ajustement mensuel des doses d’allopurinol jusqu’à l’obtention d’un taux d’uricémie cible de 300 μmol/L (« Treat-to-Target ») donne une meilleure résorption des dépôts d’acide urique dans le corps. À noter que les doses quotidiennes d’allopurinol peuvent aller jusqu’à 900 mg.

  • Aekprachaya Ayuyuen/istock
  • 01 Déc 2022
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    La goutte est un rhumatisme inflammatoire chronique fréquent, avec des crises articulaires aiguës hyperalgiques, en rapport avec le dépôt de cristaux d'urate monosodique dans les articulations, les os et les tissus mous. À long terme, ces dépôts sont associés à un état inflammatoire chronique causant divers problèmes dont des complications cardiovasculaires. Or, la prise en charge de la goutte est traditionnellement insuffisante, en raison d'une surveillance sous-optimale de l’uricémie et d'un défaut de titration du traitement hypouricémiant.

    Dans l'essai TICOG (Tight Control of Gout), les patients atteints de goutte qui ont suivi un traitement intensif de type « treat-to-target » consistant à augmenter tous les mois l’uricémie afin d'atteindre une uricémie cible de 300 μmol/L ont beaucoup plus de chances d’être mis en rémission et de voir leurs dépôts d’acide urique se réduire à un an que les patients ayant reçu leur traitement hypouricémiant de manière conventionnelle. Ces résultats ont été présentés lors du congrès annuel 2022 de l'American College of Rheumatology (ACR).

    Une nouvelle étude randomisée « Treat-to-target »

    TICOG est l'un des rares essais récents à tester une stratégie de traitement par hypouricémiant aux objectifs (« Treat-to-target ») dans la prise en charge de la goutte. Cet essai contrôlé randomisé, a comparé la prise en charge conventionnelle à la titration mensuelle d’un hypouricémiant sur l'atteinte et le maintien d’une valeur cible de l’uricémie inférieure à 300 μmol/L.

    Au-delà du résultat primaire consistant à atteindre cette valeur cible, l’étude a également montré que la stratégie de contrôle strict a permis de réduire l’uricémie de manière significativement plus importante que la prise en charge conventionnelle, de réduire la taille des tophus dans la première articulation métatarsophalangienne (MTP) et d'améliorer les synovites à l'échographie de manière significative par rapport à la prise en charge conventionnelle.

    À la fin de l'essai, la dose médiane d'allopurinol est de 400 mg dans le groupe Tight control (200 à 900 mg par jour) et de 200 mg dans le groupe traitement conventionnel (0 à 400 mg). Au total, 89% des patients prennent de l'allopurinol à la fin de l'essai.

    Des résultats sans équivoque

    Dans TICOG, 89,4% des patients du groupe de contrôle strict atteignent une uricémie cible de 300 μmol/L ou moins, contre seulement 39,6% dans le groupe de traitement conventionnel (p < 0,001). Cela reflète une baisse de l’uricémie à 6 mois de 37,6% et 18,0% dans les groupes Tight control et conventionnel, respectivement (IC à 95% 12,4-26,9). Comme prévu, le Tight control est associé un plus grand nombre de crises articulaires par mois en moyenne (0,35 vs 0,13) chez les 79 patients pour lesquels des données complètes sur la fréquence des poussées étaient disponibles.

    Une réduction des caractéristiques échographiques de la goutte au genou est démontrée, avec une amélioration observée chez 63% du groupe Tight control contre 14% du groupe conventionnel (p = 0,043, IC à 95% 0,01-0,97). La réduction de la taille des tophus au niveau de la première MTP est significativement différente entre les 2 groupes avec une réduction médiane de -4,65mm dans le groupe Tight control contre seulement -0,30mm dans le bras conventionnel (p= 0,003). Il y a également une différence dans la présence/absence du signe du double contour au niveau de la première MTP entre les 2 groupes lors de la visite finale : 62,5% des patients du groupe conventionnel ont encore un double contour, contre seulement 40% de ceux du groupe Tight control, bien que ces chiffres soient faibles et n'atteignent pas la signification statistique.

    Un essai randomisé sur 110 goutteux de novo

    TICOG est un essai contrôlé randomisé, qui a comparé une prise en charge conventionnelle avec la titration mensuelle des hypouricémiants sur l'atteinte et le maintien de l’uricémie au niveau cible de 300 μmol/L ou moins chez 110 patients âgés de 18 à 85 ans et sur une période de 3 ans. La cohorte de traitement conventionnel a été revue à 0, 6 et 12 mois avec un suivi continu par le médecin de famille. La cohorte de Tight control a été revue à intervalles mensuels pendant 12 mois.

    Tous les patients de l'étude ont été mis sous allopurinol en traitement de première intention, à raison de 100 mg par jour, plus un anti-inflammatoire/colchicine ou un stéroïde, en prophylaxie des poussées. Tout patient présentant une contre-indication à l'Allopurinol s'est vu prescrire 80 mg de Feboxustat par jour. Les deux groupes de patients ont été informés sur leur maladie et il leur a été conseillé de surveiller l’uricémie et d'augmenter la dose jusqu'à ce que l'objectif de 300 μmol/L soit atteint. L'évaluation échographique de la synovite, de l'érosion et du tophus a été comparée aux mois 0 et 12.

    L’uricémie-cible est dans toutes les recommandations

    Les recommandations actuelles européennes de l’Eular et de la British Society of Rheumatology donnent un objectif d’uricémie pour le contrôle de la goutte à moins de 300 μmol/L et 360 μmol/L, respectivement. Les recommandations de l'American College of Rheumatology publiée en 2020 donnent également un objectif de l’uricémie à moins de 6 mg/dl (< 360 μmol/L) et une titration de l’hyouricémiant guidée par des mesures régulières de l’uricémie.

    Les stratégies thérapeutiques de type « Treat to target » ont maintenant été largement validées dans d'autres maladie telles que la polyarthrite rhumatoïde, avec un bénéfice net pour le patient. Dans le cas de la goutte, il a déjà été démontré que le traitement aux objectif permettait de réduire la fréquence des poussées, de diminuer les tophi et d'améliorer la qualité de vie. Cette étude démontre que les dépôts d’acide urique se réduisent également en échographie

    À noter dans cette étude, la dose quotidienne d’allopurinol est beaucoup plus élevée (jusqu’à 900 mg par jour) que dans son utilisation habituelle en vie réelle (200 à 300 mg/jour), et pourtant elle a été parfaitement tolérée (la dose doit être réduite en cas d’insuffisance rénale).

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    JDF