Infectiologie

Variant Delta et reprise épidémique : vacciner ne suffit pas toujours

Avec le variant Delta, les endroits les plus risqués pour la contamination sont les lieux clos, mal aérés, et la vaccination est d’autant plus protectrice qu’elle a été réalisée chez une personne déjà contaminée. Il faut aérer et porter le masque en intérieur et se poser la question de l'immunité locale.

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  • 26 Novembre 2021
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    Avec la croissance exponentielle des contaminations en ce début d’hiver, malgré un taux de vaccination respectable en France, il est légitime de se poser des questions sur la stratégie de protection la plus efficace contre la Covid-19, et en particulier vis-à-vis du variant Delta, même si le taux de vaccination a un impact certain.

    D’après une étude de l'Institut Pasteur réalisée en parallèle à la diffusion du variant Delta en France cet été, il faut absolument aérer et porter le masque en intérieur, même si l’on est vacciné. La protection vaccinale est meilleure chez les personnes vaccinées qui avaient été préalablement contaminées. L’étude est publiée dans The Lancet Regional Health Europe.

    Une étude nationale de l’Institut Pasteur

    Les chercheurs de l’Institut Pasteur ont analysé les données d'une étude nationale cas-témoins toujours en cours pour évaluer les lieux de transmission et l'efficacité des vaccins actuels parallèlement à la diffusion du variant Delta sur le territoire, avec un ajustement sur une large série de facteurs confondants potentiels.

    Ce volet de l'étude de l'Institut Pasteur porte sur la période du 23 mai au 13 août, qui correspond à la réouverture progressive des lieux publics après le troisième confinement et à l’extension du variant Delta sur le territoire.

    Ils n’ont pas trouvé de différences de risque pour les lieux et les activités associés aux infections entre les variants Delta et non-Delta, et ils ont donc regroupé tous les cas pour l'analyse.

    Le risque est en milieu clos

    Un risque accru d'infection pour les personnes de moins de 40 ans serait essentiellement associé à la fréquentation des bars (+90%) ou des fêtes (boîtes de nuit et fêtes privées = +340%) en intérieur, tandis que pour les personnes de plus de 40 ans, l’accroissement du risque serait associé à la fréquentation par les enfants des crèches (+90%), des écoles maternelles (+60%) ou primaires (+40%) et des collèges (+30%).

    Les chercheurs ont également observé une forte protection contre les infections symptomatiques au variant Delta chez les personnes ayant déjà été infectées, que l'infection soit récente (2-6 mois) (95% ; IC à 95% : 90-97) ou associée à une dose (85% ; IC à 95% : 78-90) ou deux doses (96% ; IC à 95% : 87-99) de vaccin à ARNm. Pour ceux qui n’ont pas eu d'infection antérieure, la protection serait en effet plus faible même après deux doses de vaccin à ARNm (67% ; IC à 95% : 63-71).

    Enfin, ils ont constaté que la période d'incubation moyenne était plus courte avec le variant Delta qu’avec les variants non-Delta (4,3 et 5,0 jours, respectivement).

    Un variant hyper-contagieux

    Le variant B.1.617.2 (Delta) du SARS-CoV-2, a été identifié pour la première fois en Inde. Les poussées ultérieures de transmission de ce variant dans un certain nombre de pays ont conduit l'Organisation mondiale de la santé à désigner Delta comme un variant préoccupant (VOC).

    L'augmentation observée de la transmissibilité de Delta serait probablement due à des charges virales plus élevées, un délai plus court pour atteindre la charge virale maximale et une période d'incubation plus courte. Il existerait également une capacité de neutralisation différente, par rapport aux SARS-CoV-2 non-Delta.

    Les premières estimations de l'efficacité des vaccins ont suggéré que des niveaux élevés de protection contre le COVID-19 étaient maintenus avec deux doses de vaccins BNT162b2 ou ChAdOx1 nCoV-19 contre le variant Delta. Cependant, on ne savait pas avant cette étude si cette transmissibilité accrue entraînait des changements dans les paramètres qui facilitent la transmission du SARS-CoV-2.

    Attention aux lieux clos cet hiver

    L’étude fait logiquement ressortir que les endroits les plus risqués pour la contamination ont donc été les lieux clos, mal aérés : soirées pour regarder les matchs de l'Euro de football à domicile ou dans des bars, discothèques ou, dans une moindre mesure, transports en communs, ce qui n'était pas le cas avec les précédents variants. C’est sans doute parce que le variant Delta est beaucoup plus transmissible que les autres.

    Aucun risque supplémentaire n'a été mis en évidence à cette période pour les restaurants, qui ont rouvert le 19 mai en extérieur et le 9 juin en intérieur, mais, d’après une déclaration à l’AFP du Pr Arnaud Fontanet, c'est « probablement parce qu'on était en plein été et qu'on pouvait largement ouvrir les fenêtres et mettre les gens en terrasse ».

    Il a ajouté : « La conséquence pratique, c'est de rappeler l'importance de l'aération et du port du masque. C'est d'autant plus vrai que l'Europe vit actuellement un redécollage épidémique synchrone à une vague de froid qui pousse les gens à rester en intérieur, et donc davantage exposés au risque ».

    Importance critique de la transmission par aérosol

    Largement documentée dans de nombreuses études, l'augmentation du risque de contamination dans les endroits mal ventilés viendrait du fait que le SARS-CoV-2 se transmet massivement via les aérosols, ces nuages de particules émis lorsque les gens parlent et plus encore lorsqu’ils crient ou chantent.

    L’autre aspect intéressant est la meilleure protection vaccinale chez les personnes vaccinées qui avaient été antérieurement contaminées. Cela met probablement en exergue le rôle de l’immunité locale de la muqueuse naso-pharyngée, bien éduquée par une infection et moins efficiente en cas de vaccination systémique. On attend donc avec impatience les vaccins par voie nasale.

    En pratique

    Les auteurs de cette étude conseillent, en période de circulation du variant Delta, très contagieux, de concentrer les efforts de prévention des infections sur les mesures classiques de distanciation et de protection (masque), y compris pour les personnes qui ont été vaccinées. Ceci est d'autant plus important que la période d'incubation du variant Delta est plus courte, ce qui contribue probablement à expliquer sa propagation incroyablement rapide en France.

    Il semble y avoir une réduction de la protection vaccinale contre l'infection symptomatique par Delta, en particulier pour les personnes qui n'ont pas eu d'infection antérieure, mais d'autres études indiquent que la protection contre les formes graves de la maladie est maintenue, ce qui justifie le rappel de la 3ème dose.

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