Infectiologie
Covid-19 : un antidépresseur peu coûteux réduirait le risque d’hospitalisation
La fluvoxamine, un antidépresseur bon marché, repositionné dans la Covid-19, réduirait le risque d'hospitalisation et de décès.
- Steven_Molina/istock
TOGETHER, une vaste étude randomisée révèle qu'un antidépresseur courant et peu coûteux, repositionné dans la Covid-19, pourrait réduire d’au moins un tiers le risque d'hospitalisation des patients à haut risque de formes graves. Cet antidépresseur, la fluvoxamine, est prescrit depuis près de 30 ans comme traitement des troubles obsessionnels compulsifs et on connaît bien sa tolérance, mais il est utilisé ici d’emblée à double dose de la dose initiale usuelle.
Selon l'étude, chez près de 1 500 patients brésiliens atteints de la Covid-19, qui ont reçu soit 200 mg de fluvoxamine en 2 prises par jour pour 10 jours, soit un placebo, l’antidépresseur a réduit d'un tiers le recours à une hospitalisation ou une observation médicale prolongée aux urgences. Le bénéfice serait encore plus élevé réduction des 2/3 du risque) si l’on ne considère que les malades qui ont pu suivre le traitement jusqu’au bout des 10 jours ce qui n’a pas été le cas chez un quart des patients du groupe fluvoxamine. L’étude est publiée dans The Lancet Global Health.
Réduction d’un tiers des hospitalisations
Le critère principal, la proportion de patients observés dans un service d'urgence pour Covid-19 pendant plus de 6 heures ou transférés dans un hôpital tertiaire en raison de la Covid-19 est inférieure de 32% dans le groupe fluvoxamine (11%, soit 79 sur 741) par rapport au groupe placebo (16%, soit 119 sur 756) ; risque relatif [RR] 0,68 ; intervalle crédible bayésien à 95% [BCI 95%] : 0,52-0,88).
Parmi les événements composites du résultat primaire, la réduction du risque observée concerne à 87% le risque d’hospitalisations.
Un essai multicentrique et randomisé
Cet essai randomisé, en double-aveugle, versus placebo, mené en ville auprès d'adultes brésiliens symptomatiques à haut risque (diabète, HTA, insuffisance cardiaque…) et confirmés positifs pour le SARS-CoV-2, incluait des patients éligibles provenant de 11 centres cliniques de ville au Brésil et ayant un facteur de risque connu d'évolution vers une maladie grave.
Les patients à risque de forme sévère de la Covid-19 ont été randomisés (1:1) entre la fluvoxamine (100 mg deux fois par jour pendant 10 jours) et le placebo (ou d'autres groupes de traitement dont l’hydroxychloroquine). L'équipe de l'essai, le personnel du centre cliniques et les patients ignoraient le traitement pris.
Le critère principal est un critère composite d'hospitalisation défini comme étant soit le séjour plus de 6 heures dans un service d'urgence pour une Covid-19 PCR avérée, soit le transfert dans un hôpital tertiaire en raison d’une Covid-19 PCR avérée et ce jusqu'à 28 jours après la randomisation avec une analyse en intention de traiter.
Tolérance moyenne à 200 mg/j d’emblée
Bon nombre de patients ont eu du mal à tolérer le médicament à cette dose initiale à 200 mg par jour. Pour cette raison, 84 participants du groupe fluvoxamine (26%) et 64 du groupe placebo (18%) l’ont arrêté en raison de problèmes de tolérance, ce qui a amené les scientifiques à se demander s'ils avaient choisi la bonne dose.
Mais si on analyse uniquement les résultats chez ceux qui avaient bien respecté le protocole de traitement (200 mg/j pendant 10 jours au moins 80% du temps), l’analyse per-protocole montre que les bénéfices pourraient être encore plus flagrants. Chez ces patients, la fluvoxamine à 200 mg par jour réduirait des deux tiers la nécessité d'une hospitalisation et aurait diminué le risque de décès : un seul patient Covid-19 ayant reçu de la fluvoxamine est décédé, contre 12 ayant reçu un placebo (ces chiffres sont respectivement de 17 versus 25 en analyse en intention de traiter = non significatif).
Un problème de dosage ?
Outre le dosage approprié, l'étude a laissé d'autres questions en suspens, selon différents scientifiques interviewés par le New York Times. Une partie des avantages de la fluvoxamine pourrait provenir de la réduction de la nécessité d'une observation médicale prolongée aux urgences, que l'étude a analysé parallèlement aux admissions à l'hôpital. Il est possible également que le critère d'hospitalisation ou de séjour prolongé aux urgences ne soit pas le plus pertinent des critères d'évaluation dans la mesure où cette étude a été réalisée au moment d'un pic épidémique au Brésil et que l'accès aux urgences et à l'hospitalisation y était sans doute difficile.
Par ailleurs, la plupart des patients de l'étude n'étaient pas vaccinés si bien que l'on ne sait pas exactement dans quelle mesure ce médicament serait efficace chez les personnes vaccinées. Enfin, cette étude s’est déroulée de janvier à début août 2021, une période où la circulation du variant Delta n’était pas majoritaire au Brésil. On ne connaît donc qu’imparfaitement l’effet de la fluvoxamine sur le variant Delta mais l’effet semble indépendant d’une activité virale car la clairance virale n’est pas significativement différente entre les 2 groupes.
Un des rares succès du repositionnement
Lorsque le SARS-CoV-2 a commencé à se propager, les chercheurs du Monde entier ont étudié différentes molécules existantes à même d’avoir un effet sur ce coronavirus en pré-hospitalier (hydroxychloroquine, azithromycine, ivermectine, remdésivir, lopinavir-ritonavir…). Le repositionnement de la fluvoxamine a été envisgé en raison de la capacité de cette molécule à réduire l'inflammation et de son activité anti-agrégante plaquettaire, ce qui pouvait lui permettre d'atténuer la réaction immuno-inflammatoire excessive de l'organisme observée dans les formes sévères de la Covid-19, formes qui conduisent à l’hospitalisation.
TOGETHER est le plus grand essai randomisé réalisé en ville et montant une certaine efficacité de la fluvoxamine pour les patients atteints de la Covid-19 non-hospitalisés. Par rapport au placebo, les patients randomisés dans le groupe fluvoxamine ont un risque plus faible d'hospitalisation définie comme étant soit le séjour plus de 6 heures dans un service d'urgence pour la Covid-19, soit le transfert dans un hôpital tertiaire en raison de la Covid-19.
En prenant en compte les biais inhérents à ce type d’étude réalisée en ville, il ressort néanmoins que la fluvoxamine serait non seulement efficace pour réduire les hospitalisations, mais aussi peu coûteuse : un traitement de 200 mg par jour de fluvoxamine sur 10 jours coûte environ 4 dollars US au Brésil. Une très bonne nouvelle pour les pays moins riches !











