Cardiologie

Infarctus du myocarde : délai diagnostique dans la vraie vie

Près du tiers des malades avec un infarctus de type STEMI ont un retard diagnostic, ce qui allonge leur délai de reperméabilisation de l’artère coronaire bouchée.

  • 04 Mars 2019
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    Les personnes de la trentaine et de la quarantaine ne doivent pas négliger les douleurs et les gênes thoraciques, en particulier les femmes qui ont souvent des symptômes atypiques. Les patients les plus jeunes avec une douleur dans la poitrine (ou d’autres symptômes de l’infarctus) attendent probablement plus longtemps avant d'appeler à l'aide car ils ne pensent pas de prime abord à une crise cardiaque. Malheureusement, il en est aussi souvent de même pour leur médecin.

    Les infarctus avec sus-décalage de l’onde T (STEMI) restent mal reconnus d’emblée chez les personnes jeunes et nombre d’entre eux font encore l’objet d’un transfert secondaire entre urgences d’un autre hôpital et unité de soins intensifs de cardiologie (USIC). Un allongement de délai de reperméabilisation qui aggrave leur pronostic. C’est ce qui ressort d’une vaste étude anglaise présentée au congrès Acute Cardiovascular Care 2019, un congrès de spécialité de la European Society of Cardiology (ESC).

    Une large étude anglaise en vie réelle

    L’étude du groupe London Heart Attack a inclus 25 315 patients atteints d’un infarctus du myocarde avec élévation du segment ST (STEMI), une forme d’infarctus au cours de laquelle une artère coronaire est complètement obstruée. La reperméabilisation rapide de l'artère avec un stent après coronarographie d’emblée améliore la survie : les recommandations imposent d'amener les patients STEMI directement dans une unité de soins intensifs de cardiologie (USIC).

    L'étude a comparé les caractéristiques, le temps écoulé avant la coronarographie et les résultats à long terme des patients STEMI conduits directement dans une USIC par rapport à ceux transférés à partir des urgences d'un autre hôpital. Au total, 17 580 patients (69%) ont été admis directement dans les USIC et 7 735 (31%) ont été transférés à partir d’autres hôpitaux.

    Un allongement du délai de reperméabilisation

    Le temps écoulé entre l'appel à l’aide par téléphone et la première hospitalisation est similaire entre les deux groupes. Mais, le temps médian entre l'appel à l'aide et la reperméabilisation de l'artère obstruée est 52 minutes plus long chez les patients transférés par rapport à ceux admis directement en USIC.

    Après un suivi médian de trois ans, les patients admis directement en USIC sont nettement moins susceptibles de décéder que ceux transférés à partir d'un autre hôpital (17,4% contre 18,7%). Après ajustement sur les facteurs pouvant influer sur le risque de décès précoce, notamment l'âge, un antécédent d’infarctus et le diabète, l'admission directe dans une USIC est associée à une réduction de 20% du risque de décès toutes causes confondues.

    Penser à l’infarctus dès l’âge de 30 ans

    Selon le Dr Krishnaraj Rathod, auteur de l’étude et cardiologue au Barts Health NHS Trust, Londres  : « Nos résultats indiquent que la meilleure survie des patients admis directement dans une USIC est due à la différence de délai entre l'appel à l'aide et le traitement ».

    Il a ajouté : « L’âge des premières crises cardiaques est de plus en plus jeune, l’une des raisons étant les mauvaises habitudes de vie. La moyenne d’âge de notre cohorte n’a plus 60 ans, mais environ 40 ans et nous voyons même arriver des patients dans la trentaine. Les patients admis directement en USIC sont plus malades, mais ils sont également plus âgés, ce qui indique que personnels médicaux des véhicules d’intervention ont pu penser qu'un infarctus était peu probable chez les adultes les plus jeunes. Mon message à leur intention est : en cas de doute, répétez électrocardiogramme à 12 dérivations et appelez un cardiologue de l’unité de soins intensifs de cardiologie ».

    Suivre les recommandations en pratique

    Tous les patients souffrant d’un infarctus doivent être admis directement dans une USIC et avoir une coronarographie dans les 90 minutes suivant le diagnostic de STEMI sur l’électrocardiogramme (ECG). Ce dernier est généralement réalisé dans les véhicules d’intervention, mais il y a loin des recommandations à la vie réelle parce que le sus-décalage de ST peut être retardé ou parce qu'il est discret ou uniquement présent sur une seule dérivation.

    Cette étude confirme cette difficulté diagnostique chez près d’un tiers des malades puisque dans 31% des cas, et en particulier chez les plus jeunes, les malades ont d’abord été conduit à des urgences générales pour un autre diagnostic (suspicion d’embolie pulmonaire…). Ceci indique qu'un diagnostic de STEMI n'a été posé que lorsque les patients sont arrivés aux urgences et qu'ils ont ensuite dû être transférés en USIC, ce qui allonge les délais de reperméabilisation. Il faut donc répéter les ECG et éventuellement les transmettre en USIC pour une interprétation par un spécialiste.

    Un élément encourageant tient à ce que les taux de transfert d’emblée en USIC ont été meilleurs les dernières années suggérant une meilleure identification des patients STEMI par le personnel de santé.

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