Psychiatrie

Antidépresseurs, il faut les arrêter progressivement.

L'interruption d'un traitement antidépresseur est un moment délicat dans la relation médecin-patient. Selon les résultats d'une méta-analyse, la méthode douce, à savoir une réduction progressive associée à une psychothérapie s'avère la plus efficace. 

 

  • 12 Décembre 2025
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    Une vaste méta-analyse publiée dans The Lancet Psychiatry, portant sur plus de 17 000 patients, apporte des éléments nouveaux sur la manière la plus sûre et la plus efficace d’interrompre un traitement antidépresseur après une dépression en rémission. L’étude compare directement les principales stratégies de réduction de la prescription et met en lumière l’intérêt d’une réduction progressive associée à un soutien psychologique structuré.

    La dépression demeure une pathologie chronique et récidivante : sans traitement continu, jusqu’à 75 % des patients ayant présenté un épisode récurrent rechutent. Les recommandations actuelles préconisent de maintenir les antidépresseurs plusieurs mois après la rémission, voire plus longtemps en cas de facteurs de risque. Pourtant, de nombreux patients souhaitent arrêter leur traitement, du fait d’une utilisation prolongée ou d’effets secondaires. Les données robustes sur les modalités d’arrêt restent rares, malgré l’ampleur des prescriptions en pratique courante. Cette méta-analyse répond à un besoin clinique important : disposer de stratégies validées pour accompagner la réduction de la prescription de façon individualisée et sécurisée.

    76 ESSAIS INCLUANT 17 379 PATIENTS 

    L’analyse a inclus 76 essais contrôlés randomisés impliquant 17 379 adultes en rémission complète ou partielle d’une dépression (60 études) ou souffrant de troubles anxieux (16 études), tous traités par ISRS ou IRSN. Les participants ont été suivis environ 10 à 11 mois. Les chercheurs ont comparé cinq stratégies : arrêt brutal, réduction rapide (< 4 semaines), réduction progressive (> 4 semaines), diminution modérée de dose, ou poursuite du traitement aux doses standards, chacune avec ou sans soutien psychologique.

    Les résultats montrent de manière cohérente que la réduction progressive des antidépresseurs, lorsqu’elle est associée à un accompagnement psychologique, offre une protection contre les rechutes comparable à celle du maintien du traitement, et nettement supérieure à un arrêt brutal ou une diminution rapide. Selon les estimations, cette approche pourrait éviter une rechute chez une personne sur cinq par rapport aux stratégies les moins efficaces. La réduction progressive reste donc l’alternative la plus sûre pour les patients souhaitant interrompre leur traitement.

    La poursuite du traitement avec des doses réduites apparaît également préférable à un arrêt brutal, mais les preuves sont moins solides. L’ajout d’un soutien psychologique – thérapies cognitivo-comportementales, programmes basés sur la pleine conscience ou dispositifs structurés — améliore les résultats, même si la qualité des données est jugée hétérogène. Les auteurs rappellent que l’efficacité de la psychothérapie seule n’est pas supérieure à celle des antidépresseurs, mais que son rôle complémentaire dans la phase de dé-prescription semble déterminant.

    Concernant les troubles anxieux, les données sont moins robustes et nécessitent des essais dédiés avant d’établir des recommandations équivalentes. Les analyses n’ont pas mis en évidence de différences significatives entre les stratégies concernant les effets indésirables ou les abandons d’étude, mais les informations sur les symptômes de sevrage étaient insuffisantes, limitant l’interprétation clinique.

    Importance du soutien psychologique

    Les auteurs insistent sur la nécessité d’une décision partagée entre patient et médecin, d’une individualisation du rythme de réduction et d’un accompagnement structuré tout au long du processus. Ils appellent également à actualiser les recommandations cliniques et à développer des interventions psychothérapeutiques brèves, accessibles et déployables à distance, afin d’accompagner efficacement la dé-prescription en pratique quotidienne.

    Enfin, les commentaires associés soulignent deux points essentiels : l’importance du soutien psychologique, qui améliore systématiquement les résultats, et le rappel que la poursuite du traitement reste, pour certains patients, la stratégie la plus protectrice, reflétant la chronicité et la sévérité de nombreuses formes de dépression.

     

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