Rhumatologie
Arthrose du genou : des effets différenciés des antidiabétiques aGLP1 et iSGLT2 à 5 ans
Chez des adultes de 45 à 65 ans mis récemment sous antidiabétiques, les agonistes du GLP1 (aGLP-1) seraient associés à un risque plus élevé d’arthrose incidente et de prothèse totale de genou que les inhibiteurs du SGLT2 (iSGLT2), lorsque l’on tient compte des changements de traitement au cours du temps. Le semaglutide serait à part.
- Filip_Krstic/istock
Au-delà du contrôle glycémique, plusieurs antidiabétiques récents auraient un impact sur les évènements musculo-squelettiques. Les agonistes du GLP-1 (aGLP-1) ont laissé entrevoir des effets protecteurs sur l’arthrose dans des essais de courte durée, mais l’adhérence fluctuante au traitement en vie réelle et les changements de traitement compliquent l’estimation de leurs effets à long terme.
Pour dépasser les limites des analyses en intention de traiter, une émulation d’essai a comparé sur 5 ans les initiateurs d’aGLP-1 à un comparateur actif, les inhibiteurs de SGLT2 (iSGLT2), molécules antidiabétiques avec des effets pléiotropes déjà efficaces dans d’autres maladies.
Selon les résultats de cette étude présentée au congrès 2025 de l’American College of Rheumatology, le résultat majeur est contre-intuitif : en analyse per-protocole, le risque de chirurgie pour prothèse totale de genou (critère primaire) est 18 % plus élevé chez les utilisateurs de aGLP-1 que chez ceux sous iSGLT2 (RR 1,18 ; +8,5 cas pour 1 000 initiateurs). Pour l’arthrose incidente (critère secondaire), l’excès de risque atteint 16 % (RR 1,16 ; +23,3 cas pour 1 000). Le problème du poids des malades n’a pas pu être correctement analysé.
Bénéfice hétérogène sur l’arthrose du genou
La cohorte analysée comprenait 323 445 personnes (55 ans en moyenne, 49 % d’hommes), dont 129 603 initiateurs de aGLP-1 et 193 842 de iSGLT2; 61 % étaient diabétiques (72 % dans le groupe aGLP-1, 53 % sous iSGLT2). Les analyses de sensibilité, motivées par la perte pondérale plus marquée du sémaglutide, distinguent deux tableaux : sémaglutide vs iSGLT2 = pas de différence significative sur la prothèse de genou ni sur l’OA ; aGLP-1 non-sémaglutide vs iSGLT2 = un avantage en faveur des iSGLT2, cohérent avec les estimations principales.
À l’inverse, les analyses en intention de traiter (qui ignorent les arrêts et switches) n’objectivent aucune différence pour les deux critères, illustrant l’atténuation des effets par la non-adhérence au long cours. Les données de tolérance ne sont pas détaillées dans cet étude ; aucune alerte spécifique n’est rapportée, mais l’interprétation clinique doit rester prudente en l’absence d’un profil d’événements indésirables décrit.
Possible effet favorable du sémaglutide et des iSGLT2
Les auteurs ont émulé un essai cible à partir des données de remboursements Merative MarketScan (États-Unis, 2015–2022), incluant des adultes de 45–65 ans nouvellement exposés à un aGLP-1 ou un iSGLT2 après une période de washout d’au moins 1 an. Ont été exclus les antécédents de fibromyalgie, de polyarthrite rhumatoïde et tout antécédent de prothèse de genou ou d’arthrose avant l’initiation. Des analyses de sensibilité ont séparé sémaglutide et aGLP-1 non-sémaglutide ; des analyses ITT ont quantifié l’impact de la non-adhérence.
Cette approche renforce l’inférence causale par rapport à l’ITT en contexte d’adhérence au traitement imparfaite, mais la généralisabilité reste celle d’une population américaine assurée commercialement, d’âge moyen, avec une prévalence élevée de diabète ; des résidus de confusion (poids, douleur initiale, indications fines, comportements de santé) demeurent possibles malgré l’ajustement des variables temporelles.
Selon les auteurs, chez un patient de 45–65 ans éligible à plusieurs associations thérapeutiques, ces résultats posent l’hypothèse d’un bénéfice ostéoarticulaire des iSGLT2 au long cours ou, a minima, d’une absence d’avantage des aGLP-1 non-sémaglutide sur les l’évolution de l’arthrose du genou. Ils invitent à considérer les iSGLT2 lorsque le risque d’arthrose et la progression vers la prothèse entrent dans la balance bénéfices-risques, tout en évitant toute conclusion hâtive de supériorité globale.
Des essais pragmatiques randomisés comparant iSGLT2 et aGLP-1 (stratifiés sur sémaglutide, poids initial, perte pondérale et phénotypes d’arthrose) sont nécessaires, avec collecte standardisée de la tolérance et de critères centrés patient (douleur, fonction, délai jusqu’à la chirurgie). Des essais sur un aGLP1 en intra-articulaire, permettant d’obtenir des doses plus élevées, sont en cours.











