Psychiatrie

Dépression : pas de bénéfice démontré pour la kétamine IV en cures répétées

Dans l’essai randomisé KARMA-Dep 2, des perfusions intraveineuses répétées de kétamine en adjonction au traitement antidépresseur habituel n’améliorent pas la dépression versus un placebo psychoactif (midazolam) chez des adultes hospitalisés. Aucun bénéfice significatif n’a été observé sur les critères secondaires, la tolérance, la cognition, la qualité de vie ou les coûts.

  • Jeniffer Fontan/istock
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  • 23 Octobre 2025
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    Jusqu’à un tiers des patients ne sont pas en rémission sous antidépresseurs oraux. Les effets antidépresseurs rapides d’une perfusion unique de kétamine disparaissent en quelques jours et l’usage hors AMM de la kétamine racémique IV s’est diffusé, certains suggérant une efficacité supérieure à l’esketamine. La question clé est celle de l’efficacité réelle sous contrôle actif, l’aveugle étant fragilisé par les effets dissociatifs de la molécule.

    KARMA-Dep 2, essai randomisé, en double aveugle, contrôlé versus midazolam (placebo psychoactif), a inclus 65 adultes hospitalisés pour dépression majeure (MADRS ≥ 20). Les participants ont reçu jusqu’à 8 perfusions bi-hebdomadaires de kétamine 0,5 mg/kg ou midazolam 0,045 mg/kg en adjonction aux traitements antidépresseurs usuels.

    Selon les résultats publiés dans le JAMA Psychiatry, le critère principal variation du score MADRS entre l’inclusion et la fin de traitement, ne montre aucune différence significative : différence moyenne ajustée −3,16 points (IC à 95 % −8,54 à 2,22 ; p = 0,25 ; d de Cohen −0,29). Les auteurs concluent à l’absence de supériorité de la kétamine en milieu hospitalier lorsque l’on contrôle les effets non spécifiques.

    Un signal rapide, mais pas supérieur en essai contrôlé

    Les résultats convergent sur l’ensemble des critères secondaires. Le score QIDS-SR-16 ne diffère pas entre les groupes (différence moyenne ajustée −0,002 ; IC à 95 % −2,71 à 2,71 ; p > 0,99 ; d ≈ 0). Il n’est mis en évidence aucune différence sur les cognitions, la qualité de vie ni le coût-efficacité à la fin du traitement ou au suivi à 6 mois. La tolérance est globalement bonne dans les deux bras en phase aiguë comme au suivi, sans signal différentiel de sécurité.

    Fait méthodologique majeur, la levée fonctionnelle de l’aveugle est substantielle : la majorité des patients et des évaluateurs ont correctement deviné l’allocation, ce qui peut amplifier les effets d’attente et gonfler artificiellement une différence apparente. Ces observations, cohérentes avec des essais de plus petite taille utilisant le midazolam, contrastent avec les effets de grande ampleur rapportés dans des études ouvertes ou contrôlées versus sérum physiologique et plaident pour une lecture prudente des résultats de ces dernières études.

    Recalibrer les attentes et cibler les indications

    Il s’agit d’un essai pragmatique, universitaire (Irlande, 2021–2024), sur des adultes hospitalisés pour épisode dépressif majeur DSM-5 (unipolaire ou bipolaire), avec une randomisation et un double insu, suivi 6 mois. L’adjonction de perfusions (jusqu’à 8 en 4 semaines) s’inscrivait dans un cadre de soins courants intensifs, avec deux médecins dédiés, ce qui renforce la validité interne mais peut limiter la généralisabilité aux contextes ambulatoires. La taille d’échantillon finale (62 analysés) n’atteint pas la cible prévue, réduisant la puissance, et l’échec partiel de l’aveugle rappelle qu’un comparateur psychoactif ne suffit pas toujours à neutraliser les attentes.

    Selon les auteurs, ces données ne supportent pas l’utilisation systématique de la kétamine IV en cures répétées en hospitalisation pour améliorer les symptômes au-delà d’un contrôle actif, et appellent à recalibrer les attentes cliniques et celles des patients. Les changements de pratique suggérés sont : privilégier une information partagée sur le rapport bénéfice–risque et l’incertitude, réserver la kétamine à des situations ciblées avec évaluation rigoureuse, et considérer des alternatives éprouvées (optimisation pharmacologique, sismothérapie, approches psychothérapeutiques) selon le profil du patient.

    Au total, KARMA-Dep 2 apporte une pièce robuste au dossier : sous conditions contrôlées et réalistes, la kétamine en série adjuvante n’apparaît pas supérieure au midazolam en hospitalisation.

     

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