Pédiatrie
Maladie de Pompe : les promesses de la thérapie génique pour les formes infantiles
Chez quatre nourrissons atteints d’une forme infantile de la maladie de Pompe, une injection unique d’une thérapie génique (AAV9-GAA) à très forte dose restaure l’activité enzymatique, améliore la fonction cardiaque et les trajectoires neuromotrices sur un an, suggérant une alternative potentiellement durable au traitement substitutif.

- TanyaJoy/istock
La maladie de Pompe est une maladie lysosomale qui se manifeste par une myopathie métabolique et qui est presque toujours associée à une invalidité physique grave et progressive ainsi qu'à un décès prématuré, en particulier chez les patients atteints d'une forme infantile de la maladie. Elle est causée par un déficit génétique en α-glucosidase acide (GAA), une enzyme lysosomale qui transforme le glycogène en glucose. Depuis 2006, la substitution en α-glucosidase prolonge la survie des nourrissons atteints mais n’éradique ni la myopathie évolutive, ni l’atteinte cérébrale émergente des survivants. L’immunogénicité élevée du rhGAA, son accès limité aux fibres musculaires et système nerveux central ainsi que la lourdeur bimensuelle des perfusions motivent la recherche de traitements disruptifs.
Dans le New England Journal of Medicine, une équipe de recherche de Pékin vient de publier l’expérience la plus ambitieuse à ce jour : une perfusion intraveineuse d’AAV9 (promoteur CAG) délivrant la α-glucosidase chez quatre nourrissons déjà exposés à moins de 3 cures d’enzymes de substitution. Trois patients ont à 12 mois un recul spectaculaire de la cardiomyopathie (fraction d’éjection +20 % en moyenne, indices télésystoliques normalisés) et des acquisitions neuromotrices jusque-là inédites sans physiothérapie intensive. La charge enzymatique plasmatique se maintient autour de 15 % de la normale, seuil jugé protecteur. Le quatrième enfant, porteur de deux allèles nuls et d’un anticorps neutralisant anti-AAV pré-existant, a été retiré de l’essai, puis est décédé d’une décompensation cardiorespiratoire.
Au-delà du cœur : immunologie, sous-groupes et tolérance
Le protocole a utilisé une dose de 2×10¹ vg/kg, vingt fois supérieure aux essais AAV9 précédents, justifiant un conditionnement par corticoïdes et sirolimus. Aucune élévation majeure des transaminases ni microangiopathie thrombotique n’est rapportée, mais un syndrome inflammatoire aigu (CRP > 150 mg/L) a nécessité un bolus de méthylprednisolone chez deux nourrissons.
Tous sont restés séro-négatifs pour des anticorps anti-GAA ; la réponse humorale anti-capside a été contenue (<1:400). Les biomarqueurs d’autophagie musculaire (LC3-II) diminuent de 30 % versus ligne de base, suggérant une correction intracellulaire partielle. Les IRM cérébrales restent normales à M12, sans certitude de prévention de la leuco-encéphalopathie tardive. Aucun effet de dose-réponse intra-cohorte ne peut être conclu sur ce petit effectif.
Durabilité, sécurité : les prochaines frontières
Reposant sur une série ouverte monocentrique, ce travail illustre la faisabilité d’un abord systémique précoce, mais ne démontre pas la supériorité sur le traitement standard par substitution de l’enzyme ; d’autant que l’excellent contrôle cardiaque sous rhGAA rend discutable l’exposition initiale à une charge virale potentiellement cardio-toxique. L’absence de bras contrôle, la courte durée de suivi et le petit nombre d’enfants à atteinte cardiaque encore réversible limitent la généralisabilité. La perte éventuelle d’épisomes viraux dans des muscles en croissance rapide ou la survenue d’une réponse cytotoxique tardive pourraient compromettre la durabilité du bénéfice, problématique d’autant plus critique que l’immunité anti-AAV ferme la porte à une seconde administration.
Selon un éditorial associé, l’AAV9-GAA se profile comme un candidat « one-shot » séduisant pour réduire la lourdeur des perfusions et, peut-être, atteindre les territoires résistants au rhGAA (neurones, SNC). Son développement devra intégrer une stratégie séquentielle (stabilisation cardiaque par enzyme, relais génique), une surveillance immunovirologique à long terme et des critères d’éligibilité stricts (poids, statut CRIM, anticorps anti-AAV). À moyen terme, la comparaison face-face avec les traitements substitutifs en enzymes de seconde génération et les thérapies de réduction de substrat définira la place exacte de la thérapie génique dans l’arsenal du Pompe infantile.