Onco-digestif

Cancer du rectum : certains patients peuvent éviter les inconvénients de la radiothérapie

Un vaste essai de « désescalade » dans le traitement du cancer du rectum localement avancé suggère que des milliers de personnes par an pourraient ne compter que sur la chimiothérapie et la chirurgie pour traiter leur cancer, et se passer de la radiothérapie et de ses complications.

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  • 04 Jun 2023
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    Les patients atteints d'un cancer du rectum localement avancé dont la tumeur répond à la chimiothérapie pourraient éviter en toute sécurité la radiothérapie avant la chirurgie, selon les résultats d'une étude financée par le gouvernement fédéral américain et qui a été présentée lors du congrès annuel 2023 de l'American Society of Clinical Oncology (ASCO) et publiée simultanément dans le New England Journal of Medicine (efficacité) et le Journal of Clinical Oncology (résultats rapportés par les patients) le 4 juin 2023.

    L'omission de la radiothérapie peut réduire les effets secondaires à court et à long terme qui ont un impact sur la qualité de vie (infertilité, dysfonction sexuelle…), tout en offrant des résultats non inférieurs en termes de survie sans maladie et de survie globale. Un suivi encore plus prolongé est cependant nécessaire pour être totalement affirmatif.

    Pas de non infériorité de la chimiothérapie

    Après cinq ans de suivi, il n'y a pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes de traitement pour les critères d'évaluation analysés, ce qui signifie que la radiothérapie peut être omise en toute sécurité avant la chirurgie si la tumeur répond au traitement par chimiothérapie mFOLFOX6 seule.
    Cinq ans après la randomisation, les résultats montrent que :
    - La survie sans maladie est de 78,6% dans le groupe chimioradiothérapie et de 80,8% dans le groupe mFOLFOX6 avec chimioradiothérapie sélective.
    - La survie globale est de 90,2% dans le groupe chimioradiothérapie et de 89,5% dans le groupe mFOLFOX6 avec chimioradiothérapie sélective.
    - Les taux de résection chirurgicale (ablation complète de la tumeur et des tissus environnants) sont de 97,1% dans le groupe chimioradiothérapie et de 98,8% dans le groupe mFOLFOX6 avec chimioradiothérapie sélective.
    - Les taux de récidive locale sont très faibles et similaires dans les deux groupes (2%).
    - La réponse pathologique complète (aucun signe de cellules cancéreuses dans les tissus pendant la chirurgie après le traitement) est de 24,3% dans le groupe chimioradiation et de 21,9% dans le groupe mFOLFOX6 avec chimioradiation sélective.
    - Seuls 9% des patients ayant reçu le mFOLFOX6 dans le groupe expérimental ont eu besoin d'une chimioradiation préopératoire.

    Les deux groupes ont eu des effets indésirables différents à des moments différents avec plus de nausées, de vomissements et de fatigue dans le groupe chimiothérapie initialement. Mais après deux ans, on observe une tendance à l'amélioration de la qualité de vie dans le groupe ayant reçu une chimiothérapie seule. Et sur l’évaluation de la fonction sexuelle masculine et féminine, le groupe ayant reçu la chimiothérapie s'en sort nettement mieux.

    Vaste étude randomisée difficile à inclure

    L'étude de phase III PROSPECT a été menée auprès de 1 194 patients atteints d'un cancer du rectum qui s'était propagé aux tissus ou aux ganglions lymphatiques avoisinants, mais pas aux organes distants (localement avancé). Les patients ont été randomisés entre groupe chimioradiothérapie (contrôle) ou groupe chimiothérapie mFOLFOX6 avec utilisation sélective de la chimioradiothérapie (intervention), et 1 128 patients ont ensuite reçu un traitement dans le cadre de l'étude.

    Dans le groupe témoin, 543 patients ont reçu une chimioradiothérapie avec 28 traitements de radiothérapie sur 5,5 semaines avant une résection antérieure basse avec excision mésorectale totale, ce qui implique l'ablation d'une partie du rectum et des ganglions lymphatiques environnants. La chimioradiothérapie était une association médicamenteuse appelée 5FUCRT, une combinaison de radiothérapie et d'une fluoropyrimidine sensibilisante (5FU par voie intraveineuse ou capécitabine par voie orale).

    Dans le groupe d'intervention, 585 patients ont reçu six cycles d'une combinaison de chimiothérapie appelée mFOLFOX6, suivis d'une réévaluation de la tumeur. Si la tumeur diminuait de 20% ou plus d'après une IRM de suivi du bassin, aucune radiothérapie n'était administrée avant l'intervention chirurgicale. Si la tumeur ne diminuait pas de 20% ou plus, une radiochimiothérapie à base de 5FU ou de capécitabine était administrée avant l'intervention chirurgicale.

    Dans le groupe d'intervention, 53 personnes (9%) ont eu besoin d'une radiothérapie avant l'opération parce que les tumeurs n'avaient pas diminué de 20% ou plus. Après l'opération, les médecins et les patients pouvaient choisir de recevoir une chimiothérapie supplémentaire. La plupart des patients des deux groupes ont reçu une chimiothérapie postopératoire mFOLFOX6.

    Une désescalade thérapeutique bienvenue pour certains patients

    L'essai continuera à suivre les participants et à recueillir des données supplémentaires sur la survie sans maladie, la survie globale, la survie sans récidive locale et d'autres critères d'évaluation secondaires pendant huit ans. D'autres études évalueront les échantillons biologiques collectés au cours de cette étude afin de déterminer s'il existe des caractéristiques tumorales associées à une plus grande probabilité de réponse à la chimioradiation ou à une plus grande probabilité de réponse à la chimiothérapie mFOLOFOX6.

    « Nous avons atteint un point d'inflexion dans le traitement des patients atteints de cancer du rectum. Alors que nous développons de nouvelles thérapies, nous cherchons également à éliminer les thérapies toxiques pour le bien-être de nos patients. Les résultats de cette étude nous permettent justement de le faire, en montrant que nous pouvons omettre la radiothérapie pour certains patients, ce qui améliore la qualité de vie sans compromettre l'efficacité. Ces résultats qui modifient la pratique sont importants, même si le paysage thérapeutique pour ces patients continue d'évoluer », a déclaré Pamela L. Kunz, MD, experte de l'ASCO. Néanmoins cette étude s’intègre dans le contexte d’autres études discordantes et doit être confirmée sur le suivi.

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    JDF