Langage
Déclin cognitif : les "euh" de votre discours sont-ils des signaux ?
Une étude canadienne révèle que les hésitations dans le langage courant sont liées à nos capacités cognitives. Ce pourrait être une méthode simple pour détecter les signes précoces de déclin.
- Par Stanislas Deve
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Ces petits "hum" et "euh" qui parsèment nos phrases ne sont peut-être pas que de simples tics de langage. Selon une étude parue récemment dans le Journal of Speech, Language, and Hearing Research, ces pauses pourraient bien en dire long sur nos fonctions cognitives.
Des chercheurs de l’Université de Toronto et de l’hôpital Baycrest, au Canada, ont analysé les discours spontanés de 241 adultes, de 18 à 90 ans. Chaque participant devait décrire deux images pendant 60 secondes. Les chercheurs ont extrait plus de 700 caractéristiques liées à la parole, comme la fréquence et la durée des pauses ou l’utilisation de mots destinés à combler le discours.
Quand le langage trahit le cerveau
Verdict : plus les participants hésitaient en parlant, plus leurs performances aux tests de fonctions exécutives – comme la mémoire de travail, la flexibilité mentale ou la concentration – étaient faibles. Chez les plus âgés, les pauses longues ou répétées étaient spécialement corrélées à une mauvaise inhibition des réponses et à une moindre fluidité verbale. "Le langage naturel reflète des processus réels de pensée", notent les chercheurs dans un communiqué.
Ces observations s’expliquent, selon les auteurs, par l’implication des fonctions exécutives dans le langage quotidien. Quand on peine à trouver un mot, notre cerveau mobilise des ressources pour résister aux erreurs, ajuster le discours et maintenir son cap. En ce sens, les hésitations peuvent constituer des marqueurs particuliers, reflétant des efforts cognitifs que les tests cliniques classiques ne captent pas.
Mieux surveiller la santé cognitive
Cette étude souligne d’ailleurs les limites du MoCA (Montreal Cognitive Assessment), test couramment utilisé pour dépister les troubles cognitifs. Les corrélations entre les scores du MoCA et les mesures de la parole étaient en effet faibles voire inexistantes. Autrement dit, on peut être "normal" à ce test et pourtant montrer des signes subtils de déclin cognitif à l’oral.
Le véritable potentiel de cette approche réside dans le suivi : en mesurant l’évolution des hésitations dans le temps, par exemple à l’aide de descriptions d’images simples, les médecins pourraient mieux surveiller la santé cognitive de leurs patients et dépister précocement le déclin cognitif, à commencer par la maladie d’Alzheimer.








