Rhumatologie

Douleur chronique : les antidépresseurs très utilisés, mais pas tous efficaces

Une revue extensive de la littérature a analysé les données de plus de 150 essais cliniques pour aider les cliniciens à prendre de meilleures décisions pour leurs patients souffrant de différents types de douleurs chroniques.

  • Bacsica/istock
  • 02 Fév 2023
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    La douleur chronique est fréquente et invalidante, car elle toucherait environ une personne sur cinq dans le monde mais toutes les douleurs chroniques ne sont pas équivalentes. Plusieurs études ont montré que certains antidépresseurs pouvaient être efficaces dans le traitement de certaines douleurs chroniques, en particulier les douleurs neuropathiques, mais d'autres manquent de preuves convaincantes de leur efficacité.

    Publiée dans le BMJ, l'étude a examiné les effets secondaires et l'efficacité des antidépresseurs dans le traitement de la douleur chronique et rassemble, pour la première fois, toutes les preuves existantes dans un seul document.

    Selon les chercheurs, les résultats montrent que les cliniciens doivent tenir compte de toutes les preuves avant de décider de prescrire des antidépresseurs pour le traitement d’une douleur chronique données.

    42 comparaisons sur 25 000 patients

    La revue a examiné 26 examens systématiques de 2012 à 2022 impliquant plus de 25 000 participants. Cela comprenait les données de huit classes d'antidépresseurs et 22 types de douleur chronique (42 comparaisons distinctes), que ce soit des lombalgies chroniques, la fibromyalgie, les céphalées, les douleurs postopératoires et le syndrome du côlon irritable.

    Aucune analyse n'a fourni de preuves de haut niveau sur l'efficacité des antidépresseurs contre la douleur chronique, quel que soit son type. Mais les chercheurs ont identifié 11 comparaisons (neuf maladies) où les antidépresseurs étaient efficaces, dont quatre avec des preuves de certitude modérées sur les antidépresseurs de type inhibiteurs de la recapture de la sérotonine-noradrénaline (IRSNa).

    Pour les 31 autres comparaisons, les antidépresseurs n'étaient soit pas efficaces (cinq comparaisons), soit les preuves n'étaient pas concluantes (26 comparaisons).

    Intérêt des IRSNa sur différents types de douleur chronique

    Les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNa), tels que la duloxétine, se sont révélés efficaces pour le plus grand nombre d'affections douloureuses, telles que la lombalgie chronique (différence moyenne -5,3, IC à 95% -7,3 à -3,3), la douleur postopératoire (-7,3, IC à 95% -12,9 à -1,7), la douleur neuropathique (-6,8, IC à 95% -8,7 à -4,8) et la fibromyalgie (1,4, IC à 95% 1,3 à 1,6).

    En revanche, pour les antidépresseurs tricycliques, tels que l'amitriptyline, qui sont les antidépresseurs les plus couramment utilisés pour traiter la douleur chronique dans la pratique clinique, l’analyse a montré que l'on ne sait pas exactement dans quelle mesure ils sont efficaces, ni même s'ils le sont pour la plupart des types de douleur chronique.

    Des recommandations concordantes

    Différentes recommandations pour la gestion de la douleur chronique primaire, comme celle publiée par le National Institute for Health and Care Excellence (NICE), ou celles de la Société Française d’Étude et de Traitement de la Douleur (SFETD), recommandent de ne pas utiliser d’antalgiques, et en particulier les morphiniques, mais plutôt des antidépresseurs dans les douleurs neuropathiques. Ces recommandations mettent en avant différents types d'antidépresseurs, tels que l'amitriptyline, le citalopram, la duloxétine, la fluoxétine, la paroxétine ou la sertraline pour les adultes souffrant d’une douleur chronique primaire, mais une approche plus nuancée de la prescription d'antidépresseurs contre la douleur chronique est désormais nécessaire d’après les auteurs de l’étude.

    Les conclusions de cette analyse devraient aider les cliniciens et les patients à évaluer les avantages et les inconvénients de chaque antidépresseur pour les différents types de douleur chronique, afin qu'ils puissent prendre des décisions éclairées sur l'opportunité et le moment de les utiliser.

    Le traitement médicamenteux seul n’est pas suffisant

    De nombreux antidépresseurs aideraient à soulager la douleur chronique en agissant sur des neuromédiateurs dans le cerveau, comme la sérotonine, et pourraient de ce fait contribuer au soulagement de la douleur. Cependant, on ne sait pas exactement pourquoi certains antidépresseurs améliorent la douleur. Bien que les trois quarts des antidépresseurs prescrits pour traiter un problème de douleur soient des antidépresseurs tricycliques, les données analysées ici suggèrent que leur efficacité n'est pas concluante pour la plupart des douleur chroniques, à l’inverse des antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la norépinéphrine (IRSNa).

    Certains médicaments (antidépresseurs, antiépileptiques) peuvent donc avoir un rôle dans la gestion de la douleur chronique. Ces résultats suggèrent cependant qu'une approche plus nuancée est nécessaire lors de la prescription d'antidépresseurs dans la douleur chronique. En outre, ils ne doivent être considérés que comme une partie du traitement : il existe de multiples options de traitement de la douleur chronique, et les cliniciens ne devraient pas compter uniquement sur les antalgiques pour soulager la douleur. Pour certains états douloureux, l'exercice physique, la physiothérapie et les changements de mode de vie peuvent également s’avérer utiles.

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    JDF