Addictologie

Alcool : quel impact des campagnes de sensibilisation à ses effets ?

« L'alcool c'est maximum deux verres par jour et pas tous les jours », c'était l'un des messages phare d'une campagne de sensibilisation aux effets de l'alcool mise en œuvre par Santé Publique France. Mais à la fin d'une campagne, les esprits ont-ils été marqués ?

  • Rana Hamid/istock
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  • 19 Jan 2023
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    Quel est l'impact, en conditions réelles, d'une campagne médiatique de sensibilisation aux effets de l'alcool ? Une étude menée par Santé Publique France (SPF) et publiée dans la revue Addictions répond à cette question.

    Elle a évalué les effets de la campagne nationale de 2019 « Ravages ». Celle-ci visait à l'époque à mieux faire connaître les méfaits à long terme de l'alcool, les repères de consommation à faible risque ainsi qu'à réduire la consommation d'alcool. Un spot TV, des chroniques radio avec des experts, des bannières digitales ou encore des affiches avaient été largement diffusés pendant un mois pour mettre en avant trois pathologies provoquées par l'alcool (cancer, hypertension et hémorragie cérébrale) et mettre en tête un slogan phare « l'alcool c'est maximum deux verres par jour et pas tous les jours ». La méthode a-t-elle fonctionné ?

    2578 buveurs interrogés sur les effets de la campagne

    L'étude longitudinale menée sur 8 mois a permis de suivre un total de 2578 buveurs adultes de 18 à 75 ans qui ont été interrogés à trois reprises : avant la campagne, juste après la campagne et 6 mois après la fin de la campagne. Les résultats montrent une association entre l'exposition à la campagne médiatique pour une meilleure connaissance de la directive « deux verres maximum par jour » et la connaissance de certains risques à long terme : hypertension et d'hémorragie cérébrale. L'exposition à la campagne est aussi associée à une diminution significative de la consommation d'alcool chez les femmes buveuses à risque.

    L'ensemble de ces associations n'ont cependant été observées qu'à court terme, juste après la fin de la campagne. En effet, 6 mois après, l'impact n’est plus significatif. Les auteurs notent aussi une absence totale d'impact significatif (que ce soit juste après la campagne ou à 6 mois) pour la connaissance de la recommandation « au moins deux jours sans alcool par semaine » ou le lien entre consommation excessive d'alcool et risque de cancer.

    L'importance d'une diffusion répétée des campagnes médiatiques

    Guillemette Quatremère, chargée d'études addictions à SPF et auteur de cette recherche interviewée en interne par l'Agence sanitair e ne s'étonne pas de l'atténuation des résultats avec le temps : « le fait est que les effets de la campagne ne sont plus perceptibles après quelques mois est cohérent avec la littérature scientifique, y compris pour des campagnes sur d’autres sujets que l’alcool et plaide pour des diffusions répétées de campagnes de grande ampleur ». Elle rappelle d'ailleurs que la campagne de 2019 avait été diffusée 6 fois pour renforcer son effet.

    Mais la place est maintenant laissée à une nouvelle campagne, « pour éviter un effet d'habituation » explique Guillemette Quatremère. Ainsi depuis le début du mois de janvier, la campagne « la bonne santé n'a rien à voir avec l'alcool » est diffusée : « elle rappelle les risques à long terme de l’alcool et nous invite à réfléchir à sa place dans nos vies, en soulignant une absurdité culturelle qui nous concerne tous : le fait de trinquer en se souhaitant « santé / la bonne santé »… avec de l’alcool » souligne la chargée d'études qui insiste sur l'importance de continuer à débanaliser l'alcool.  

    Un relais de ces campagnes est donc aussi nécessaire au cabinet de médecine générale, comme les campagnes médiatiques qui doivent être répétées pour plus d'efficacité, la recherche d'une consommation excessive d'alcool et la sensibilisation aux risques doivent être elles aussi réitérées encore et encore chez les patients à risque. Le défi de janvier-Dry January, ou mois sans alcool dont est partenaire SPF peut être une nouvelle occasion d'aborder le sujet en consultation. 

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    JDF