Médecine du sport
Cryothérapie : les experts sont sceptiques sur ses bienfaits
Si la cryothérapie corps entier est de plus en plus populaire, les bienfaits de cette méthode restent encore à prouver, selon un récent rapport de l'inserm.
- jacoblund/iStock
Cela fait des milliers d’années que le froid est utilisé en médecine pour lutter contre les douleurs et l’inflammation. La cryothérapie corps entier, qui consiste à exposer l’organisme pendant deux à trois minutes à un froid intense allant de -110 à -170 °C, est pratiquée depuis l’Antiquité sous forme de bain froid. Mais depuis les années 70, l’application de jets froid ou de vessie de glace a commencé à se populariser, notamment auprès des athlètes afin de prévenir ou de traiter les douleurs musculaires après l’exercice.
Toutefois, depuis quelques années, cette pratique est de plus en plus suggérée afin de prendre en charge des maladies inflammatoires (rhumatismes…) ou neurologiques. Certains centres de thalassothérapie en proposent même pour aider leur clientèle à mieux dormir. Pourtant, malgré sa popularité grandissante, cette méthode n’est pas sans risque et ses bienfaits discutables, alertent des chercheurs de l’Inserm dans un rapport paru début septembre.
Des mécanismes mal connus
"Des mécanismes biologiques sont régulièrement proposés pour expliquer l’effet bénéfique du froid sur le corps. Ces explications sont diversement convaincantes et ne sont, en tous cas, pas suffisantes", notent les scientifiques dans leur rapport intitulé Evaluation de l’efficacité et de la sécurité de la cryothérapie du corps entier à visée thérapeutique.
Les spécialistes en faveur de la cryothérapie mettent pourtant en avant de nombreux bénéfices. D’après eux, le choc thermique brutal conduirait à une rétractation des vaisseaux sanguins puis à une dilatation en sortant de la chambre, entraînant ainsi une modification des flux sanguins et une oxygénation des tissus. Par ailleurs, ce froid extrême aiderait à atténuer les douleurs grâce à l’anesthésie des récepteurs cutanés et la diminution de la vitesse de transmission de l’influx nerveux. Il permettrait également la libération d’endorphines, les hormones du bien-être, ainsi que de molécules anti-inflammatoires. Enfin, il entraînerait un ralentissement du rythme cardiaque.
Des effets mesurés uniquement à court terme
D’après l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep), après un trail, les coureurs retrouvent leur force musculaire maximale au bout d’une heure après une cryothérapie corps entier, contre 24 heures après une séance d’infrarouges. Ils se sentiraient par ailleurs moins fatigués. Toutefois, "certaines (études, NDLR) s’appuient sur un ressenti subjectif, pas toujours sur des mesures précises", reconnaît Jean-Robert Filliard, docteur en sciences du sport à l’Institut.
On la pratique également pour faciliter la rééducation de traumatismes de type claquage, tendinite ou entorse ou même après une chirurgie, pour diminuer l’œdème et réduire le délai de cicatrisation. Auquel cas, elle est utilisée en complément des ultrasons ou des ondes de choc mais jamais seule.
Mais d’après les chercheurs de l’Inserm, après analyse des études réalisées sur le sujet, les résultats en faveur d’un effet positif de la cryothérapie sont modestes et mesurés uniquement à très court terme. "D’autre part, la qualité méthodologique des études laisse beaucoup à désirer, ce qui doit amener à relativiser d’autant plus les effets positifs rapportés", alertent-ils.
De nombreux effets secondaires ont été rapportés
Et, "en tout état de cause, la cryothérapie ne peut en aucune façon revendiquer de traiter efficacement des cancers ou d'autres pathologies somatiques sévères", insistent les auteurs du rapport.
Enfin, cette pratique pose des problèmes de sécurité. En effet, de nombreux effets secondaires ont été rapportés par les usagers tels que des brûlures, des maux de tête ou encore de l’urticaire chronique au froid. Ainsi, il faut absolument mieux étudier et évaluer la cryothérapie corps entier dans des conditions optimales, conclut le rapport.








