Pneumologie

Réduire la concentration de nicotine des cigarettes, une bonne idée ?

Une proposition américaine de diminution du taux de nicotine dans les cigarettes a été faite par la FDA, dans le but de sevrer les derniers fumeurs américains. Malgré, l’opposition de l’industrie du tabac, il semblerait que cette proposition fasse ses preuves, même si, pour la France, cela semble plutôt être une fausse bonne idée. D’après un entretien avec Anne-Laurence LE FAOU.

  • 12 Jun 2025
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    Un éditorial, paru en avril 2024 dans le New England Journal of Medicine, a fait le point sur la proposition de la FDA de diminuer le taux de nicotine dans les cigarettes, dans le but de réduire leur caractère addictif. Les experts sont partis du constat que le tabagisme est la principale cause de mortalité aux Etats-Unis avec plus de 480 000 décès par an. La nicotine est le produit responsable de l’addiction au tabac quand les nombreux autres composants présents dans la fumée de tabac sont à l’origine de sa toxicité pour l’organisme. L’idée est donc de diminuer considérablement la concentration de nicotine dans les cigarettes dans le but de rendre les cigarettes moins attirantes et conduire au sevrage tabagique. L’industrie du tabac s’oppose à cette proposition mais l’avis de la FDA semble prédominer.

     

     

    Des disparités entre les USA et la France

    Le docteur Anne-Laurence LE FAOU, addictologue dans le Service de Centre Ambulatoire d'Addictologie de l’Hôpital Européen Georges-Pompidou, explique que cet éditorial doit être replacé dans son contexte car la situation épidémiologique du tabagisme est très différente aux USA et en France. Aux USA, la prévalence de la consommation de tabac est très inférieure à celle observée en France avec moins de 11% de fumeurs aux USA pour un tiers de fumeurs en France, dont un quart de fumeurs quotidiens. La proposition américaine de diminuer le taux de nicotine dans les cigarettes est encouragée dans le but de venir à bout du tabagisme des derniers fumeurs américains adultes, notamment les personnes de faible niveau socio-économique. Des essais randomisés chez l’adulte ont déjà montré des résultats prometteurs en termes de taux de sevrage chez les fumeurs utilisant les cigarettes contenant un taux de nicotine faible comparés à des fumeurs ne les utilisant pas.

    Anne-Laurence LE FAOU ajoute que cette proposition s’adresse aux fumeurs adultes, pour favoriser l’arrêt progressif du tabac et en insistant sur le fait que la nicotine est la substance addictive du tabac. Les adolescents sont eux attirés par les produits nicotiniques et moins par le tabac. Malgré la forte opposition de l’industrie du tabac, Anne-Laurence LE FAOU indique que la FDA a considéré que ce produit pourrait être bénéfique. Elle conclut qu’en France les mesures collectives de lutte contre le tabac et l’aide individuelle au sevrage tabagique des fumeurs doivent encore être renforcées pour parvenir à faire baisser la consommation de tabac.

     

    Une fausse bonne idée

    Anne-Laurence LE FAOU émet cependant certaines réserves. En effet, malgré la diminution du taux de nicotine dans les cigarettes, les fumeurs vont continuer à allumer des cigarettes, qui contiennent des produits cancérigènes, des produits irritants pour le système respiratoire et du monoxyde de carbone, tous ces toxiques resteront inhalés. De plus, les fumeurs peuvent estimer qu’ils limitent les conséquences de leur consommation de tabac en utilisant ces cigarettes moins addictives mais la durée de leur utilisation avant le sevrage complet reste encore inconnue en pratique. En effet, Anne-Laurence LE FAOU rappelle qu’il faut tenir compte de la durée d’exposition à la fumée du tabac et ses toxiques car c’est la durée d’exposition au tabac qui augmente le risque de maladies, plus que le nombre de cigarettes quotidiennes. Enfin, les fumeurs ne tiennent pas compte des nombreux produits de la combustion incomplète présents dans la fumée du tabac. En France, le risque est de considérer les cigarettes à faible teneur en nicotine comme des produits moins dangereux que les autres cigarettes plus fortement dosées en nicotine. Le message à faire passer aux fumeurs n’est donc pas simple, en raison de la méconnaissance par les fumeurs des substances réellement présentes dans les cigarettes car ils ont beaucoup d’idées reçues sur le tabac. Leur perception reste que la nicotine est le produit le plus dangereux d’une cigarette. Pour Anne-Laurence LE FAOU, réduire le taux de nicotine dans les cigarettes serait un faux-ami dans la situation épidémiologique actuelle de la France car les fumeurs inhaleraient davantage de produits toxiques pour avoir le taux de nicotine sanguin et cérébral qui correspond à leur dépendance physique au tabac. Enfin, nous n’avons aucune idée du temps que ces fumeurs mettraient à se débarrasser de ce type de cigarettes peu dosées en nicotine.

     

    En conclusion, si les cigarettes à faible teneur en nicotine peuvent conduire à faire arrêter les fumeurs adultes, leur promotion ne peut que s’inscrire dans les pays qui sont parvenus à baisser drastiquement la prévalence tabagique. En les ajoutant au marché de pays à forte prévalence tabagique comme la France, il se peut que les fumeurs prolongent encore leur consommation de tabac sans arrêter leur consommation. Or, l’arrêt complet de l’exposition au tabac est la seule vraie solution pour réduire les risques associés à sa consommation…

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