Pneumologie

Asthme non-atopique de l'enfant, un risque lié aux interactions entre microbiote et IgA.

Le rôle du microbiote intestinal dans le développement de l’asthme chez l’enfant devient de plus en plus certain. Le lien entre du taux de bactéroïdes et le taux d’IgA sécrétoires intestinal, en réponse à des infections virales serait un facteur de risque de développement d’asthme non atopique chez l’enfant. D’après un entretien avec Martin LARSEN.

  • 29 Mai 2025
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    Une étude, dont les résultats sont parus en avril 2025 dans l’European Respiratory Journal Open Research, a cherché à démontrer le lien existant entre la composition du microbiote intestinal, la présence d’IgA dans les selles et le risque de développer un asthme non-atopique chez les enfants âgés de 3 mois à un an. Il s’agit d’un travail expérimental canadien au cours duquel les auteurs ont suivi des enfants de l’âge de 3 mois à l’âge de 12 mois et exploré le colonisation de leur microbiote intestinal et leur taux d’IgA dans les selles. Ils ont utilisé la cohorte Canadienne CHILD incluent 1203 enfants. Ils ont ensuite observé la trajectoire du microbiote de ces enfants et les ont classés en différents groupes, en fonction du ratio entérobactéries/bactéroïdes présent à 3 et à 12 mois. Le taux d’IgA a été mesuré dans les selles à 3 mois. Le critère de jugement principal était l’apparition d’un asthme non atopique avant l’âge de 5 ans.

     

    Focus sur l’augmentation des bactéroïdes au cours de la première année de vie

    Martin LARSEN, directeur de recherche Inserm en immuno-infectiologie à Sorbonne-Université à Paris, rappelle une étude parue en 2015, réalisée avec la même cohorte, CHILD, dont les résultats ont déjà démontré le lien entre la composition du microbiote et le risque de développer une allergie atopique. En effet, les auteurs avaient montré que si, à l’âge de 3 mois, le ratio entérobactéries/bactéroïdes était élevé, le risque de développer une allergie alimentaire était plus grand. Il explique que dans l’étude actuelle, ce même lien a été décrit cette fois si pour l’asthme non-atopique. Le groupe pour lequel les auteurs de ce travail ont montré un intérêt particulier était le groupe qui présentait un taux faible de bactéroïdes à l’âge de 3 mois puis un taux plus élevé à l’âge d’un an. Si le taux de bactéroïdes est faible au cours des premiers mois de vie, alors qu’il fait partie des micro-organismes dominants, chez l’adulte, le risque de développer un asthme non-atopique est 1,75 fois plus grand, même si un taux normal est récupéré à l’âge de 12 mois. Les autres groupes représentaient finalement une population d’enfants avec un risque inferieur mais non-nul.

     

    Le taux d’IgA sécrétoires intestinal élevé comme marqueur d’infections virales.

    Ensuite, les auteurs ont reclassifié les groupes en fonction du taux d’IgA sécrétoire intestinal. Martin LARSEN explique que les IgA sécrétoires sont les anticorps les plus présents dans l’intestin humain et dans la circulation sanguine. La version sécrétée des IgA est une version dimérique, dont la production va de 2 à 3 grammes par jour. Ces IgA ont la propriété de fournir une protection antivirale et de s’attacher à certaines bactéries, y compris les bactéries commensales dont ils régulent la présence. Les IgA créent une tolérance entre l’hôte et les organismes extérieurs, soit en ôtant l’effet d’une toxine ce qui rend la bactérie non pathogène, soit en détruisant leur flagelle, ce qui les immobilise. Ces anticorps ont donc un rôle prépondérant sur la régulation de la composition bactérienne, d’autant qu’ils sont sécrétés à travers tous les sites muqueux de l’organisme. Les infections virales induisent également une réponse immune, avec comme résultat un taux élevé d’IgA. Martin LARSEN précise que les auteurs de ce travail ont mesuré le taux d’IgA dans les selles et ont observé que le groupe d’enfants avec un taux de bactéroïdes faible à 3 mois puis élevé à un an, qui en plus avait un taux d’IgA élevé à 3 mois (supérieur à 8mg par gramme de selles), ce qui a été observé dans 25% des cas, avait un risque plus élevé de développer asthme non-atopique. Martin LARSEN souligne que ceci n’a été démontré que chez les enfants qui n’ont pas bénéficié d’un allaitement maternel exclusif. En cas d’allaitement maternel exclusif, ce lien n’existe plus. L’hypothèse est donc que le risque est plus élevé chez les enfants qui ne reçoivent pas les anticorps de leur mère. Il ajoute qu’il existe toutefois des facteurs indépendants tels que l’atopie ou l’asthme chez la mère ou encore les antécédents d’infection respiratoire.

     

    En conclusion, l’asthme non atopique est associé à des infections virales survenant avant l’âge d’un an, ayant induit une réponse immune adaptative avec la présence d’IgA dans les intestins. La combinaison de cela avec la transition « faible taux de bactéroïdes à 3 mois/fort taux de bactéroïdes à 1 an » constitue un facteur de risque élevé de développer un asthme non-atopique à l’âge d’un an.

     

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