Psychiatrie

Dépression résistante : la kétamine au moins aussi efficace que l’électroconvulsivothérapie

Dans un vaste essai randomisé en vie réelle, la kétamine intraveineuse à dose subanesthésique est non inférieure à l'électroconvulsivothérapie pour le traitement de la dépression non psychotique résistante au traitement.

  • ninitta/istock
  • 25 Mai 2023
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    Une nouvelle étude menée par des chercheurs du Mass General Brigham Hospital montre que la kétamine intraveineuse à dose subanesthésique serait efficace et non inférieure à l'électroconvulsivothérapie (ECT) pour le traitement de la dépression non psychotique résistante au traitement. Leurs résultats sont publiés dans le New England Journal of Medicine.

    Il s'agit de la plus grande étude randomisée jamais réalisée comparant la kétamine et l'électroconvulsivothérapie dans le traitement de la dépression résistante, et la seule qui ait également mesuré l'impact des traitements sur la mémoire.

    Une large étude en vie réelle

    Il s'agissait d'une étude ouverte, randomisée et de non-infériorité portant sur des patients adressés à des cliniques d'ECT pour une dépression résistante au traitement. 403 patients ont été randomisés pour recevoir, soit l'ECT trois fois par semaine, soit la kétamine deux fois par semaine, pendant trois semaines. Les patients ont été suivis pendant une période de six mois après le traitement et ont répondu à un questionnaire d'auto-évaluation des symptômes dépressifs, qui comprenait également des tests de mémoire et des questions sur la qualité de vie.

    Le résultat principal était la réponse au traitement (c'est-à-dire une diminution de ≥50 % par rapport au début de l'étude du score du questionnaire Quick Inventory of Depressive Symptomatology-Self-Report en 16 points ; les scores vont de 0 à 27, les scores les plus élevés indiquant une dépression plus importante). La marge de non-infériorité était de -10 points de pourcentage.

    Efficacité de la kétamine équivalente à l’ECT

    Dans cette étude randomisée en vie réelle, 55,4% des patients traités par la kétamine et 41,2% des patients traités par ECT rapportent une amélioration d'au moins 50% de leurs symptômes dépressifs (autodéclaration ; différence de 14,2 points de pourcentage ; IC à 95% de 3,9 à 24,2 ; p<0,001 pour la non-infériorité de la kétamine par rapport à l'ECT).

    L'ECT semble être associée à une diminution du rappel de mémoire après 3 semaines de traitement (diminution moyenne du score T pour le rappel différé au Hopkins Verbal Learning Test-Revised, -0,9±1,1 dans le groupe kétamine contre -9,7±1,2 dans le groupe ECT), avec un rétablissement progressif au cours du suivi.

    L'amélioration de la qualité de vie rapportée par les patients est similaire dans les deux groupes d'essai. L'ECT est associée à des effets indésirables musculo-squelettiques, tandis que la kétamine est associée à une dissociation psychique transitoire.

    Des traitements déjà évalués dans la dépression résistante

    La dépression est l'une des principales causes d'invalidité dans le monde et, bien que les antidépresseurs soient largement disponibles, leur efficacité est sous-optimale chez plus d'un tiers des patients. La dépression résistante au traitement est communément définie comme une dépression dont la réponse à au moins deux antidépresseurs correctement pris n'est pas satisfaisante.

    L'électroconvulsivothérapie (ECT) est le traitement de référence de la dépression sévère depuis plus de 80 ans. Les progrès de l'ECT, notamment l'administration pendant que le patient est sous brève anesthésie générale, la pose unilatérale d'électrodes et les techniques affinées de déclenchement des crises, telles que la stimulation par impulsion ultra-brève, ont permis de la pratiquer plus couramment en ambulatoire. Cependant, l'ECT reste sous-utilisée en raison de sa disponibilité limitée, de la stigmatisation sociale dont elle souffre et des préoccupations concernant ses effets néfastes sur les troubles cognitifs et la mémoire.

    La kétamine, un antagoniste du récepteur N-méthyl-d-aspartate. Administrée par voie intraveineuse à des doses subanesthésiques de 0,5 mg par kilogramme de poids corporel, elle a un effet antidépresseur rapide chez les patients souffrant de troubles dépressifs majeurs et de dépression résistante au traitement. La kétamine, en dose unique ou multiple, est de plus en plus utilisée pour traiter la dépression résistante au traitement antidépresseur conventionnel. Elle représente une alternative intéressante pour les patients car elle ne nécessite pas d'anesthésie générale et n'est pas associée à des troubles de la mémoire cliniquement significatifs, mais elle présente un risque d'abus. Le traitement par la kétamine pouvant entraîner des modifications transitoires de la perception et de la pensée, il est principalement utilisé chez les patients souffrant de dépression majeure résistante au traitement et ne présentant pas de caractéristiques psychotiques.

    1ère large évaluation randomisée en ambulatoire

    L'étude actuelle est l'essai comparatif d'efficacité en situation réelle le plus important à ce jour entre l'ECT et la kétamine. L'essai a adopté une approche centrée sur le patient, avec trois types d'évaluations indépendantes de la dépression (patient, évaluateur et clinicien) et aucune sollicitation active des participants. Les auteurs notent que leurs conclusions sont basées sur des résultats autodéclarés et que la conception ouverte de l'essai a pu influencer les taux de réponse. Mais le fait que l'essai soit centré sur le patient et qu'il s'agisse d'une étude en situation réelle peut également constituer un atout, car les résultats peuvent être plus facilement transposés dans la pratique clinique.

    Dans l'essai actuel, les pourcentages de patients ayant obtenu une réponse ou une rémission avec l'ECT sont inférieurs à ceux rapportés en recherche clinique et à l'hôpital et sont plus proches des taux de rémission plus faibles rapportés avec l'ECT dans les études en vie réelle et en ambulatoires. L'ECT serait plus efficace chez les adultes âgés et chez les patients souffrant d'un trouble dépressif majeur accompagné d'une psychose. L'ECT est recommandée pour le traitement rapide de la dépression tardive, catatonique et suicidaire.

    L'équipe du Mass General Brigham travaille actuellement sur une étude de suivi comparant les traitements par ECT et par kétamine pour les patients souffrant de dépression avec risque suicidaire aigu, afin de voir si le même impact prometteur est observé dans cette sous-population.

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    JDF