Rhumatologie

Plica : une douleur du genou atypique chez le sportif

Une plica est un repli synovial articulaire du genou, normal et rarement symptomatique. Un « syndrome des plica » a été décrit mais reste discuté. Cependant, si une douleur mécanique du genou ne signifie pas toujours une pathologie des plica, celle-ci doit être systématiquement évoquée en présence d’une douleur médiale atypique et trainante.

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  • 24 Sep 2022
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    Les plica synoviales sont des épaississements, ou des replis, de la membrane synoviale du genou qui sont très fréquentes et le plus souvent asymptomatiques. Cependant, certaines peuvent devenir symptomatiques sans raison apparente ou secondairement à un traumatisme direct ou à une inflammation du tissu synovial.

    Les « plicae synovialis » font partie des structures synoviales normales de la cavité articulaire du genou et sont des vestiges du tissu mésenchymateux qui occupe normalement, chez l'embryon de 8 semaines, l'espace entre les épiphyses fémorale distale et tibiale proximale. Chez le fœtus, des membranes synoviales divisent l'articulation du genou en trois compartiments : interne, externe et fémoropatellaire. Au cinquième mois du développement fœtal, ces membranes régressent et l'articulation du genou devient une cavité globale. La régression incomplète d'une ou plusieurs de ces membranes fœtales peut entraîner la formation de plica.

    Comme la plupart des replis synoviaux contiennent un stroma avec une quantité importante d'élastine et de tissu conjonctif lâche, les plica sont généralement élastiques et asymptomatiques. Bon nombre de plica sont ainsi découvertes fortuitement, lors d'arthroscopies pratiquées pour d'autres raisons (suspicion de lésion du ménisque médial).

    Les plica sont très fréquentes

    Les plica sont donc des structures normales, présentes dans de nombreux genoux. Dans des circonstances normales, ces plica ne sont pas associées à des problèmes douloureux, cependant, avec la bonne combinaison d'événements (anomalie du plateau, macrotraumatisme contondant en légère flexion ou microtraumatismes répétés, inflammation), elles peuvent devenir douloureuses.

    Une fois qu'un processus inflammatoire est établi, le tissu plical normal peut s'hypertrophier et devenir plus fibreux, voire franchement pathologique. L'inflammation de la plica et son épaississement, dû à différents facteurs, peuvent ainsi causer une irritation et une érosion localisées au niveau du cartilage du condyle interne. Les aspects normaux et pathologiques des différentes plica synoviales ont été surtout définis par les chirurgiens orthopédiques lors de l'avènement de l'arthroscopie. 

    Trois grands types de plica

    Les plica peuvent se trouver n'importe où dans l'articulation du genou mais on décrit principalement trois types de plica (qui peuvent être associées dans une même articulation) : suprapatellaire (supérieure), médiopatellaire (interne) et infrapatellaire (inférieure). Les plica supérieures et inférieures sont les plus fréquentes (50 à 65%) mais ont une pertinence clinique extrêmement faible, avec de nombreux types morphologiques différents. La plica médiopatellaire est retrouvée à l'autopsie d’un genou sur trois ou quatre. Elle a également des types variés et serait large et épaisse sur un genou sur quinze. À noter qu’une plica latérale est également décrite mais est extrêmement rare (1%) et sans portée clinique évidente.

    La douleur la plus souvent rapportée dans le « syndrome des plicae » concerne donc la plica médiopatellaire, la moins fréquente. Elle ressemble à un troisième ménisque situé dans la gouttière fémoro-patellaire médiale, dans un plan frontal, allant du cul-de-sac sous-quadricipital au paquet adipeux situé derrière le tendon rotulien. Elle se présente sous la forme d’un ruban qui se tend sur la région fémoro-patellaire interne, entre la trochlée de la rotule et le condyle du fémur, en demi-flexion du genou. Tous les auteurs s’accordent à lui attribuer plutôt des douleurs mécaniques situées en dedans de la rotule, au-dessus de la ligne articulaire.

    La plica suprapatellaire (plica synovialis suprapatellaris), plus rare, est une sorte de diaphragme horizontal perforé qui sépare plus ou moins le cul-de-sac sous-quadricipital du reste du genou. Dans de rares cas, elle peut être à l'origine d'une « hydarthrose suspendue », ou enkystée, décrite comme une « bursite suprapatellaire ». Son rôle dans l’apparition d'une chondromalacie est très discuté.

    La plica la moins symptomatique de toutes, la plica infrapatellaire (« ligamentum mucosum ») est une sorte de faux dans le plan sagittal qui double en avant le ligament croisé antérieur. Bien que la plus fréquemment rencontrée, elle ne provoque aucun symptôme et est surtout individualisée parce qu’elle gêne parfois le passage de l’arthroscope.

    Une symptomatologie peu discriminante

    Le syndrome des plica du genou est une constellation de signes et de symptômes qui surviennent après un traumatisme ou une surutilisation du genou. Le spectre et la diversité des symptômes peuvent rendre le syndrome de plica difficile à diagnostiquer.

    Une plica médiopatellaire n'est symptomatique qu’une fois sur dix. Le tableau clinique ressemble souvent à celui d'une déchirure du ménisque médial ou d'un mauvais alignement de la rotule et, souvent, les symptômes se chevauchent avec ceux d'autres pathologies du genou plus habituelles. Ce n’est pas un diagnostic d’exclusion mais c’est un diagnostic qui doit être étayé. Il est évoqué, en particulier après un traumatisme direct antérieur du genou ou une entorse, surtout s’il y a eu une hémarthrose.

    Après la phase initiale du traumatisme, des douleurs du genou peuvent reprendre des semaines plus tard, lors d’une activité physique répétée ou intense, incluant des mouvements répétés de flexion-extension du genou (comme la natation, le cyclisme, la gymnastique ou l’athlétisme). La douleur, souvent absente au début de l’activité physique, s’intensifie progressivement au fur et à mesure de l’activité.

    Il s’agit le plus souvent d’une douleur antérieure ou antéro-médiale du genou, intermittente ou épisodique, qui s’accompagne parfois de crépitement, de claquements et de pseudo-blocages ou accrochages lors de la flexion-extension du genou. Il existe classiquement une aggravation des symptômes par l'activité, la montée d'escaliers ou la station debout, accroupie ou assise prolongée. D’autres symptômes incluent une sensation d’instabilité ou de déboîtement, une raideur ou un blocage.

    Les déchirures méniscales, les tendinites rotuliennes, la maladie d'Osgood-Schlatter, la maladie de Sinding-Larsen-Johansson et l'instabilité rotulienne sont les principaux diagnostics différentiels.

    Un examen clinique qui élimine surtout les autres pathologies

    Un examen clinique rigoureux est nécessaire pour distinguer les symptômes d'une plica pathologique épaissie et qui perd son élasticité en raison d'une fibrose ou d'une hyalinisation. Une plica pathologique est cliniquement caractérisée par des crépitements, des craquements et des blocages du genou, qu'elle produit en accrochant la rotule ou le condyle fémoral interne, voire un épanchement du genou. Les accrochages se produisent habituellement aux mêmes positions lorsque le genou est en extension ou en flexion.

    A l’examen, le quadrant inféro-médial du genou est la région la plus systématiquement douloureuse. L'examen clinique est révélateur si une plica est palpée au bord médial de la rotule et peut être perçue comme un cordon roulant sous le doigt, sensible, entraînant un claquement perceptible lors de la flexion entre 30° et 60°, reproduisant les symptômes du patient.

    Parfois, un test d'appréhension médiale de la rotule suscite une réponse positive, mais une évaluation attentive révèle qu'elle est due à une sensibilité directe à la palpation dans la région de la plica et qu'il ne s'agit pas d'une véritable instabilité rotulienne. L’examen du compartiment fémoro-patellaire peut révéler des douleurs rétro-rotuliennes en rapport avec une arthrose ou une chondromalacie, d’où la possibilité d’une association lésionnelle. Dans la plupart des cas d’ailleurs, la plica est confondue avec une lésion du ménisque médial (interne) et c’est l’arthroscopiste qui corrige le diagnostic.

    Certains auteurs ont déclaré qu'une plica sensible à la palpation en l'absence d'un épanchement intra-articulaire établirait de manière concluante un diagnostic de syndrome de la plica, à condition que les autres causes de douleur du genou soient exclues.

    IRM et arthroscopie permettent le diagnostic

    Une radiographie du genou est recommandée surtout pour exclure d'autres causes de douleur au genou. L'arthrographie, l'échographie, le scanner avec arthrographie peuvent montrer la présence des plica et mesurer leur taille avec une bonne précision.

    L'imagerie par résonance magnétique (IRM) est l'examen le plus utile pour mettre en évidence la présence d’une plica, pour mesurer son épaisseur et son degré d’inflammation, et déterminer sa localisation exacte, ainsi que pour rechercher une lésion associée du cartilage de la rotule, comme une chondropathie.

    L'arthroscopie permet une évaluation très précise de la plica, y compris par un examen dynamique. Elle recherche un empiètement médial contre les surfaces articulaires fémoropatellaires et des lésions secondaires (chondromalacie localisée), ainsi que d'autres pathologies du genou, associées de façon fortuite ou non. Aucun caractère morphologique ne permet d'évaluer l'aspect pathologique de la plica et l'arthroscopie, à elle seule, ne permet pas de confirmer le rôle pathologique de la plica, mais elle demeure le meilleur examen pour montrer une bride fibreuse accrochée largement à la trochlée lors de la flexion du genou et cohérente avec l’examen clinique.

    Traitement arthroscopique en cas d’échec du traitement médical

    Le traitement initial est uniquement médical mais son efficacité est souvent limitée par de nombreuses rechutes. Le traitement médical repose sur une mise au repos sportif, associée à un anti-inflammatoire non stéroïdien. Des exercices de physiothérapie et d’étirement des ischiojambiers avec renforcement isométrique du muscle quadriceps peuvent apporter un bénéfice dans les pathologies fémoropatellaires, mais aggravent parfois les symptômes. Une infiltration de corticoïdes apporte un soulagement important, au moins transitoire, dans la grande majorité des cas  

    Une intervention chirurgicale doit être envisagée lorsque les symptômes ont persisté malgré un traitement médical bien conduit sur une période qui doit être limitée à 3, voire 6 mois. La résection arthroscopique bien faite offre des résultats tellement nets que l'abstention chirurgicale pourrait être considérée comme éthiquement discutable : en effet, un délai allongé entre l'apparition des symptômes et le traitement arthroscopique semble être associé à des lésions du cartilage qui une fois installées, ne régresseront pas.

    L’arthroscopie permet d’explorer l’articulation du genou et de rechercher une lésion associée, cartilagineuse ou méniscale, qui pourra être traitée simultanément. Une plica pathologique nécessite une excision complète tout en évitant de porter la résection jusqu’à la capsule articulaire, ce qui pourrait entraîner une hémarthrose. À l’inverse, une simple incision ou section de la plica pourrait conduire à la récidive des symptômes. La réhabilitation postopératoire doit être rapide, 3 ou 4 jours après l’arthroscopie, pour éviter la raideur et les brides intra-articulaires, et le retour à l’activité physique peut se faire 3 à 6 semaines plus tard.

     

    Bibiographie

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