Rhumatologie
Polyarthrite rhumatoïde : retarder l’initiation du méthotrexate dope la réponse du vaccin anti-pneumococcique
Chez des adultes souffrant d’une polyarthrite rhumatoïde (PR) et devant débuter un traitement par le méthotrexate (MTX), retarder d’un mois ce traitement pour permettre la vaccination anti-pneumococcique améliore significativement la réponse humorale par rapport à une vaccination en même temps que l’initiation de cet immunosuppresseur.

- Jacob Wackerhausen/istock
Les patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde (PR) cumulent un risque infectieux accru, en particulier pneumococcique et un risque de destruction articulaire. La vaccination est recommandée, mais l’immunogénicité sous méthotrexate est diminuée. Le rationnel physiopathologique et les recommandations EULAR plaident pour vacciner avant l’immunosuppression.
L’essai français multicentrique VACIMRA a comparé deux stratégies chez 249 adultes PR active (DAS28>3,2), naïfs de biothérapies et non vaccinés auparavant : démarrer le méthotrexate (≤15 mg/sem) en même temps que vaccin antipneumococcique (PCV13) (groupe immédiat, n=123) ou décaler d’un mois l’initiation du méthotrexate après PCV13 (groupe délai, n=126). Tous ont reçu PPSV23 deux mois après PCV13. Le critère principal, à 1 mois, était la proportion de répondeurs (≥×2 des IgG ou de l’activité opsonisante pour ≥3/5 sérotypes 1, 3, 5, 7F, 19A).
Selon les résultats publiés dans The Lancet Rheumatology, le décalage d’un mois du méthotrexate (corticothérapie de bridging autorisée jusqu’à 10 mg par jour de prednisone) augmente la probabilité de réponse, avec un RR 1,46 (IC à 95% 1,10–1,92 ; p=0,02) pour les IgG et 1,65 (1,25–2,19 ; p=0,01) pour l’opsonophagie, confirmant l’intérêt clinique d’un court report du DMARD.
Un bénéfice qui persiste, sans pénalité clinique
Au-delà du premier mois, la supériorité immunologique se maintient : à 12 mois, l’activité fonctionnelle des anticorps est significativement plus élevée pour 8/13 sérotypes dans le groupe délai. Les courbes de réponse demeurent à l’avantage de la stratégie « vaccine-first » à 3, 6 et 12 mois. Les sous-groupes suggèrent des réponses plus faibles chez les ≥65 ans et les formes plus actives, sans interaction défavorable avec le décalage du méthotrexate, qui bénéficie à tous.
Les doses cumulées de corticoïdes et la proportion de patients exposés secondairement à des DMARDs ciblés sont comparables entre bras, limitant les biais de traitement concomitant. Côté sécurité, sur 649 événements, 72 (11%) furent graves, fréquence similaire entre les groupes, avec un seul évènement indésirable grave lié au vaccin ; le contrôle de la PR (DAS28) est superposable tout au long du suivi. Ces données confirment qu’un mois sans méthotrexate au démarrage vaccinal ne se paie ni par une poussée évolutive de la PR, ni en termes de toxicité.
Vacciner d’abord, traiter ensuite : un pari gagnant
VACIMRA est un essai randomisé, ouvert, multicentrique (26 services, France), en intention de traiter modifiée, incluant des adultes de 18 à 80 ans naïfs de vaccination pneumococcique, stratifiés sur le sexe et le statut DMARD naïf. Le schéma PCV13 à J0 puis PPSV23 à M2 reflète les recommandations nationales et internationales chez l’immunodéprimé, ce qui renforce la représentativité pour la pratique quotidienne. Le caractère ouvert du design peut exposer à des biais de comportement, mais l’objectivation sérologique (ELISA et opsonophagie) et la symétrie des traitements concomitants limitent cet écueil. L’absence d’issue clinique « infections invasives » est un choix réaliste vu leur rareté ; la corrélation entre titres et protection soutient la pertinence des critères immunologiques.
Selon un commentaire d’expert associé, la trajectoire s’éclaircit : vacciner contre le pneumocoque sous corticothérapie à faible dose de bridging, attendre un mois, introduire le méthotrexate, sans sacrifier le contrôle de l’activité de la PR. Les perspectives sont immédiatement transposables et prospectives à la fois : généraliser le « vaccine-first » dans la PR de novo ; confirmer cette stratégie avec les nouveaux vaccins anti-pneumococciques avec PCV20/PCV21 et préciser le timing optimal du rappel ; évaluer des stratégies analogues avec d’autres DMARDs et explorer les réponses cellulaires. À l’échelle des parcours, l’intégration systématique d’un créneau vaccinal pré-DMARD constitue un changement de pratique à faible coût et à gain immunologique tangible pour prévenir les infections pneumococciques dans la PR.