Pédiatrie
Hypertension artérielle infantile : un risque cardiovasculaire majeur à l’âge adulte
Une étude américaine avec un suivi de plus de 50 ans montre qu’une pression artérielle élevée dès l’âge de 7 ans prédit un excès de mortalité cardiovasculaire à la cinquantaine. Dépister et prendre en charge l’hypertension infantile apparaît ainsi comme un levier clé de prévention primaire.

- Sergey Mikheev/istock
L’hypertension artérielle est l’un des principaux facteurs de risque cardiovasculaire modifiables. Si son rôle est bien établi chez l’adulte, son impact à long terme lorsqu’elle s’installe dès l’enfance restait mal documenté. L’hypertension artérielle (HTA) chez l’enfant et l’adolescent est une pathologie souvent sous-diagnostiquée, mais dont la prévalence est en augmentation, notamment en lien avec l’obésité infantile. L’analyse récente des données du Collaborative Perinatal Project (CPP), présentée lors des sessions scientifiques de l’American Heart Association 2025 et publiées dans le JAMA, apporte des éléments solides en faveur de sa prise en charge précoce.
L’étude a inclus 37 081 enfants américains nés entre 1959 et 1965 dont la pression artérielle a été mesurée à l’âge de 7 ans. Après un suivi médian de 54 ans, 2837 décès ont été recensés, dont 487 d’origine cardiovasculaire. Les enfants classés au-dessus du 90e percentile présentaient un risque accru de mortalité cardiovasculaire prématurée : +48 % pour une pression artérielle « élevée » (90e-94e percentile) et +40 % pour une hypertension ≥95e percentile, comparativement aux enfants normotendus. Chaque écart-type supplémentaire de pression systolique ou diastolique augmentait indépendamment le risque de décès cardiovasculaire de 14 à 18 %.
Résultats secondaires, analyses en sous-groupes et tolérance
Les associations observées restent robustes après ajustement pour l’indice de masse corporelle de l’enfant, les caractéristiques maternelles (race, niveau d’éducation, statut marital) et le centre d’inclusion. Dans l’analyse intrafamiliale portant sur 359 enfants issus de 150 fratries, les résultats restent cohérents, suggérant un effet propre de la pression artérielle plutôt qu’un simple biais lié à l’environnement familial.
Une interaction significative selon le sexe est mise en évidence : l’impact de la pression systolique est plus marqué chez les garçons (HR ajusté 1,31 ; IC à 95 % 1,14-1,50) que chez les filles (HR ajusté 0,97 ; IC à 95 % 0,84-1,11). En revanche, aucune association n’est relevée avec la mortalité non cardiovasculaire. La faisabilité du dépistage tensionnel en pédiatrie est jugée excellente : un seul relevé par un professionnel de santé suffisait pour stratifier les enfants, avec une distribution des niveaux tensionnels conforme aux données nationales de l’époque.
Une cohorte historique et ses implications cliniques
Ces résultats proviennent d’un suivi exceptionnellement long d’une cohorte prospective multicentrique menée dans 12 centre américains. Le CPP, initié à la fin des années 1950, a permis un recueil standardisé de la tension artérielle et un appariement ultérieur avec le National Death Index jusqu’en 2016. Les limites incluent l’utilisation d’une mesure tensionnelle unique et l’absence de données continues sur les évènements non fatals. La représentativité est restreinte aux populations noire et blanche de l’époque, mais l’ampleur de l’échantillon et la cohérence des analyses renforcent la validité externe.
Selon les auteurs, ces données invitent à renforcer le dépistage de l’hypertension artérielle dès l’enfance, conformément aux recommandations de l’American Academy of Pediatrics, et à considérer l’éducation familiale et les interventions précoces comme un investissement à long terme en prévention cardiovasculaire. Les perspectives de recherche concernent le suivi des cohortes plus récentes, intégrant des populations plus diverses et évaluant les bénéfices d’une prise en charge active dès le jeune âge.