Néphrologie

Insuffisance rénale et diabète de type 2 : synergie de l’association d’emblée finérénone et iSGLT2

Associer d’emblée un inhibiteur du co-transporteur sodium-glucose (iSGLT2 = empagliflozine) et un antagoniste non stéroïdien des récepteurs minéralocorticoïdes (finérénone) réduit l’albuminurie de près de moitié chez les diabétiques avec maladie rénale chronique (MRC). Le bénéfice est rapide, persistant à 6 mois et s’accompagne d’une bonne tolérance, ouvrant la voie à une co-initiation dès une eGFR ≥ 30 ml/min/1,73 m².

  • 05 Jun 2025
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    La prise en charge médicale actuelle des personnes souffrant d'une maladie rénale chronique et de diabète de type 2 comprend l'utilisation d'inhibiteurs du système rénine-angiotensine, d'inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT2), de finérénone (un antagoniste non stéroïdien des récepteurs minéralocorticoïdes) et d'agonistes du récepteur du glucagon-like peptide-1. Tous ces traitements visent à réduire le risque de progression de la maladie rénale chronique et de complications cardiovasculaires.

    Chez les patients cumulant diabète de type 2 et maladie rénale chronique (MRC), la réduction durable du rapport albumine/créatinine urinaire (UACR) reste le meilleur substitut validé du ralentissement de la perte de filtration glomérulaire et des événements cardiovasculaires. Les analyses post-hoc des programmes FIDELIO-DKD et FIGARO-DKD laissaient entrevoir un bénéfice additif de la finérénone, un antagoniste non stéroïdien des récepteurs minéralocorticoïdes (SRAA), chez des patients déjà sous iSGLT2, sans tester la co-initiation.

    Un essai testant l’association

    D’où cet essai international, randomisé, double-aveugle, contrôlé par placebo dont les résultats ont été présentés au congrès du European Renal Association et publié conjointement dans le New England Journal of Medicine. 784 adultes albuminuriques (UACR 100–5000 mg/g) avec eGFR entre 30 et 90 ml/min/1,73 m² déjà sous bloqueur du système rénine angiotensine ont été alloués 1:1:1 à finérénone seule 10/20 mg (n = 258), empagliflozine seule 10 mg (n = 261) ou l’association des deux (n = 265).

    Le rapport albumine/créatinine urinaire de départ (médiane 579 mg/g ; IQR 292–1092) était comparable dans les différents groupes. À 180 jours, la co-administration abaissait l’UACR de 52 % versus baseline, surpassant la finérénone de 29 % (ratio LS 0,71 ; IC95 % 0,61–0,82 ; p < 0,001) et l’empagliflozine de 32 % (ratio LS 0,68 ; IC95 % 0,59–0,79 ; p < 0,001).

    Une synergie sur le rapport albumine/créatinine dans l'urine

    La synergie de l’effet des deux molécules apparaît nette : le rapport albumine/créatinine dans l'urine (UACR) chute dès la 4ᵉ semaine (–45 %) et reste abaissé à 6 mois, demeurant encore inférieur au niveau initial 30 jours après l’arrêt. Chaque réduction de 30 % d’UACR est historiquement liée à –27 % de risque d’insuffisance rénale terminale ou de doublement de créatinine, préfigurant un impact clinique tangible.

    Une baisse transitoire d’eGFR > 30 % concerne 4,5 % du groupe combiné (vs 2,7 % et 3,1 %), se stabilise rapidement et l’incidence d’IRA confirmée reste faible (1,9 %). L’effet kaliurétique de l’iSGLT2 compense l’élévation potassique attendue sous finérénone : hyperkaliémies modérées (5,5–6,0 mmol/L) 6,4 % vs 7,8 %, aucun cas > 6,0 mmol/L. Les arrêts pour hyperkaliémie, hypotension symptomatique ou aggravation rénale restent anecdotiques (< 1 %). Hémodynamiquement, l’association baisse la PAS de 7 mmHg (–3 mmHg sous monothérapies) sans excès de syncopes ni chutes.

    Une étude multicentrique, randomisée en double-aveugle

    Réalisé dans 160 centres de 28 pays, l’essai affiche un suivi > 95 % et un double-aveugle rigoureux, assurant une solide validité interne et externe. Sa limite majeure reste la courte durée (6 mois) et l’usage d’un critère substitutif ; des études plus longues sur morbi-mortalité sont indispensables.

    Selon les auteurs, face au contrôle insuffisant de l’albuminurie en pratique et à l’inertie thérapeutique, une co-initiation finérénone+iSGLT2 pourrait devenir la nouvelle norme chez les diabétiques albuminuriques (eGFR ≥ 30 ml/min/1,73 m²), gagnant de précieux mois de protection rénale et, potentiellement, retardant l’entrée en dialyse. Les prochaines recherches préciseront la durabilité du gain, l’impact cardiovasculaire et le coût-efficacité de cette stratégie « hit hard, hit early ».

     

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