Pneumologie

Hypertension pulmonaire post-embolique : un pronostic transformé par le dépistage

Dépister l'hypertension pulmonaire thromboembolique à 3 mois d'une embolie pulmonaire est rentable  en matière de pronostic et de prise en charge efficace. Une étude britannique a démontré l’intérêt d’un suivi spécialisé des patients après une embolie pulmonaire. D’après un entretien avec Olivier SANCHEZ.

  • 21 Mar 2024
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    Une étude britannique, dont les résultats sont parus en janvier 2024, dans l’European Respiratory Journal, a cherché à évaluer l’intérêt d’un suivi spécialisé et structuré des patients ayant été atteints d’une embolie pulmonaire dans le dépistage et la prise en charge de l’hypertension pulmonaire post-embolique. Il s’agit d’une étude réalisée par une équipe de Sheffield pour laquelle les auteurs sont partis du constat que l’embolie pulmonaire est une maladie fréquente, avec de potentielles conséquences sur le long terme. Ils ont donc réalisé une étude de cohorte rétrospective, épidémiologique, sur une période de 10 ans . Ils ont suivi environ 2000 patients ayant été atteints d’une embolie pulmonaire entre 2010 et 2020. Ces patients ont bénéficié d’un suivi structuré, ils avaient un âge moyen de 61 ans et étaient des femmes dans 54% des cas. Le diagnostic d’hypertension pulmonaire post-embolique a été posé chez 41 patients, ce qui correspond à une incidence cumulée de 1,89% à 2 ans. Les patients prise en charge dans le centre de référence ont été répartis en 3 groupes, en fonction de leur origine géographique : un groupe de patients était adressé par la clinique de l’embolie pulmonaire de Sheffield, un groupe comportait les patients résidant à Sheffield et le troisième groupe comportait les patients habitants hors de Sheffield.

     

    Des diagnostics manqués par insuffisance de suivi

     

    Le professeur Olivier SANCHEZ, chef du service de pneumologie soins intensifs et endoscopies bronchiques, de l’Hôpital Européen Georges-Pompidou à Paris,  rappelle qu’en France, 30 à 40 000 nouveaux cas d’embolie pulmonaire sont diagnostiqués chaque année, ce qui correspond à une incidence d’environ 60 pour 100 000 habitants par an, avec une mortalité de 10 à 15%  par an. Il précise également que l’hypertension pulmonaire post-embolique en est une complication tardive et rare. Peu d’études épidémiologiques se sont penchées sur le sujet. Une étude prospective allemande avait montré une incidence cumulée de l’hypertension pulmonaire post-embolique de 2 à 3  % à 2 ans de l’embolie pulmonaire. Olivier SANCHEZ relève que les chiffres observés dans les centres de référence de l’hypertension pulmonaire post-embolique de l’étude anglaise, rapportés à la population britannique sont très supérieurs. Les soins réalisés en Grande-Bretagne sont organisés et structurés et les résultats de ce travail démontrent que des diagnostics d’hypertension pulmonaire post -embolique sont « loupés » lorsque ce suivi structuré n’est pas réalisé. Les patients adressés à la clinique de l’embolie pulmonaire sont suivis par des pneumologues et hématologues, qui recherchent l’hypertension pulmonaire post-embolique et la trouvent ! Le diagnostic est confirmé par échographie et scintigraphie puis, après cette étape, les patients sont adressés à un centre de référence pour bénéficier d’une prise en charge adéquate.

     

     

    Intérêt d’un suivi structuré dans un parcours de soins

     

    Olivier SANCHEZ analyse les résultats de ce travail et souligne que le groupe de patients qui venaient de la clinique de l’embolie pulmonaire étaient plus âges que ceux des deux autres groupes (70 ans versus 63 ans) et moins sévères sur le plan hémodynamique (critère confirmé par le cathétérisme cardiaque droit). Sur l’ensemble de la population de patients issus de la clinique de l’embolie pulmonaire, l’incidence de l’hypertension pulmonaire post-embolique est de 13,2 nouveaux pas par millions d’habitants par an contre 5 nouveaux cas par millions d’habitants par an dans le groupe de patients ne résidant pas à Sheffield. Cela démontre donc  que le suivi structuré des patients après une embolie pulmonaire et la recherche d’une hypertension pulmonaire post-embolique permette davantage de diagnostics et de les adresser plus précocement au centre de référence afin de bénéficier d’un traitement adéquat et d’avoir ainsi une atteinte moins sévère. Olivier SANCHEZ souligne toutefois que le caractère rétrospectif de l’étude lui confère une limite et que les patients issus de la clinique de l’embolie pulmonaire étaient hyper-sélectionnés: ils n’avaient, en particulier, pas de cancer, les patients les plus fragiles n’étant pas prise en charge dans ce parcours de soins. Olivier SANCHEZ insiste sur l’intérêt de ne pas perdre de vue les patients après une embolie pulmonaire en leur proposant  un schéma de suivi une semaine après la sortie d’hospitalisation, 3 à 4 mois après et pendant toute la durée de l’anticoagulation.

     

    En conclusion, l’incidence de l’hypertension pulmonaire post-embolique doit encourager à un suivi structuré sur un parcours de soins durables des patients ayant eu une embolie pulmonaire afin de limiter la sévérité de cette complication et d’en proposer une prise en charge la plus précoce et adéquate possible.

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    JDF