Neurologie

Maladie d’Alzheimer : intérêt confirmé des anti-amyloïdes à un stade plus précoce

Traiter les patients atteints de la maladie d'Alzheimer le plus tôt possible, lorsque les symptômes et l’atteinte cérébrale sont les plus minimes, offrirait de meilleures chances de ralentir le déclin cognitif… mais ce n’est que le début de l’histoire.

  • Artur Plawgo/istock
  • 20 Jul 2023
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    Selon une vaste étude (n=1 736) chez les personnes qui en sont à un stade précoce de la maladie d’Alzheimer, publiée dans le JAMA, un anticorps anti-amyloïde, le donanemab, semble ralentir le déclin cognitif (mémoire et pensée) de quatre mois et demi à sept mois et demi sur une période de 18 mois, par rapport à un placebo.

    Parmi les personnes souffrant d'une accumulation moindre de la protéine tau, le ralentissement serait encore plus prononcé chez les personnes âgées de moins de 75 ans et chez celles qui n'étaient pas encore atteintes de la maladie d'Alzheimer mais qui souffraient d'une pathologie pré-Alzheimer (appelée déficience cognitive légère ou MCI pour Mild Cognitive Impairment). Ce sont les résultats finaux de l’étude TRAILBLAZER-ALZ 2, présentés lors de l'Alzheimer’s Association International Conference, à Amsterdam.

    Cet anti-amyloïde, tout comme le lécanemab, ne répare les lésions cérébrales déjà causées par la maladie. De nombreux experts de la maladie d'Alzheimer considèrent donc que les anticorps anti-amyloïdes sont à utiliser tôt dans le cours évolutif de la maladie mais ne seraient qu'un premier pas dans le traitement d’une affection plus complexe.

    Un large essai sur des formes précoces de la maladie

    L'étude TRAILBLAZER-ALZ 2 est un essai en double aveugle avec le donanemab versus placebo, d'une durée de 18 mois, portant sur des personnes atteintes de troubles cognitifs légers (MCI) ou de démence due à la maladie d'Alzheimer à un stade léger, et qui ont des dépôts cérébraux amyloïde et tau à la tomographie par émission de positons (TEP).

    Le donanemab a été administré toutes les 4 semaines, avec un passage possible sous placebo à la 24e semaines ou la 52e semaines si TEP-scan montrait une clairance suffisante de l'amyloïde (ce qui s'est produit chez environ la moitié des patients à 12 mois).

    Dans cet essai clinique randomisé auquel ont participé 1 736 personnes avec des symptômes précoces de la maladie d'Alzheimer et une pathologie amyloïde et tau, le changement moyen par les moindres carrés du score intégré de l'échelle d'évaluation de la maladie d'Alzheimer (de 0 à 144, le chiffre le plus bas est le moins bon) à 76 semaines est de -6,02 dans le groupe donanemab et de -9,27 dans le groupe placebo pour la population à tau faible/moyen et de -10,19 dans le groupe donanemab et de -13,11 dans le groupe placebo pour la population combinée de l'étude. Ce sont des différences significatives dans les deux cas.

    Meilleure efficacité sur les formes intermédiaires

    L'essai sur le donanemab a réparti les participants en deux groupes : ceux qui avaient des niveaux élevés de protéine tau et ceux qui avaient des niveaux intermédiaires. La protéine tau forme des enchevêtrements après l'accumulation de l'amyloïde, et des niveaux élevés de protéine tau sont plus étroitement associés à des problèmes de mémoire et de cognitions.

    L'essai montre que le groupe intermédiaire (qui est le plus important) a un ralentissement de 36% du déclin, contre 29% pour le groupe combiné tau intermédiaire et tau élevé et de 21% pour le groupe tau élevé seul.

    Lilly, le laboratoire promoteur de l’essai, a calculé que le déclin des patients du groupe intermédiaire serait ralenti de 4,4 à 7,5 mois sur 18 mois par rapport aux personnes sous placebo, tandis que la population combinée verrait un ralentissement de 2,5 à 5,4 mois.

    Meilleure efficacité chez les personnes les plus jeunes

    Selon l'étude, davantage de personnes souffrant de tau intermédiaire sont restées au même niveau cognitif au cours de la première année de l'essai, 47% contre 29% des personnes du groupe placebo. Dans le groupe de niveaux de protéine tau combinés, 36% des personnes sous donanemab sont restées au même niveau, contre 23% des personnes sous placebo.

    Dans le groupe tau intermédiaire, les patients sous donanemab souffrant de troubles cognitifs légers ont ralenti leur perte cognitive de 46%, tandis que ceux qui avaient déjà évolué vers une forme précoce de la maladie d'Alzheimer ont ralenti de 38%, a indiqué l'entreprise. Les patients atteints de tau intermédiaire âgés de moins de 75 ans ont même ralenti leur perte cognitive de 45%, tandis que les patients plus âgés n'ont ralenti que de 29%.

    Les patients ont cessé de recevoir le donanemab et ont été remplacés par un placebo si leur taux d'amyloïde était inférieur à un certain seuil. Environ la moitié d'entre eux ont atteint ce seuil en l'espace d'un an, et leur déclin a continué à ralentir même après l'arrêt du donanemab.

    Les scientifiques de Lilly ont estimé qu'il faudrait près de quatre ans pour que les niveaux d'amyloïde dépassent à nouveau le seuil initial mais il n'est pas certain que le ralentissement du déclin se poursuive lorsque l'amyloïde recommence à s'accumuler.

    Améliorer la connaissance de ces médicaments

    Ces résultats, et ceux d'un autre médicament, le lecanemab, qui ralentit modestement le déclin aux stades précoces de la maladie d'Alzheimer marquent un tournant potentiellement prometteur sur le long chemin qui mènera à la découverte d’autres médicaments efficaces contre la maladie d'Alzheimer.

    Le donanemab et le lecanemab n'ont pas été comparés directement l'un à l'autre dans le cadre d'études. Les essais individuels des deux médicaments diffèrent, entre autres, dans leur conception, de sorte qu'il est difficile de dire lequel des deux médicaments pourrait être le plus efficace.

    Chaque médicament présente des risques importants en termes de sécurité, notamment des œdèmes cérébraux et des hémorragies cérébrales qui, bien que souvent bénins, peuvent être graves dans certains cas. L'essai sur le donanemab a des taux plus élevés d’œdèmes cérébraux et de saignements que l'essai avec le lécanemab, mais les comparaisons sont impossibles en raison des différences entre les patients recrutés, entre autres.

    Les lésions comprennent les réactions à la perfusion et les anomalies d'imagerie liées à l'amyloïde (ARIA). Bien que les ARIA soient souvent asymptomatiques ou légères, elles peuvent entraîner des événements potentiellement mortels, et probablement trois décès liés au traitement dans chacune des études sur le donanemab et le lécanemab. Ces décès peuvent être un effet indésirable de l'élimination des plaques amyloïdes, qui peut fragiliser les vaisseaux sanguins cérébraux, un risque considéré par les experts comme accru chez les personnes homozygotes d'un allèle produisant le type ε4 de l'apolipoprotéine E (APOE ε4), celles qui souffrent d'angiopathie amyloïde cérébrale et celles qui prennent des médicaments anticoagulants.

    Un suivi prolongé est nécessaire

    Pour savoir si les dommages potentiels causés par ces médicaments sont compensés par leurs avantages cliniques, il faudra en fin de compte disposer de plus de données, y compris celles provenant d'études de suivi en ouvert, afin de déterminer si les différences entre les groupes d'intervention et les groupes placebo continueront à s'accentuer au-delà de 18 mois. Cette période d'étude prolongée permettra de mieux comprendre l'impact du ralentissement du déclin en fonction du stade de la maladie et des capacités cognitives et fonctionnelles, la qualité de vie et la charge de l'aidant. En outre, les données sur le traitement au-delà de 18 mois seront essentielles pour déterminer d'autres lésions imprévues, notamment pour savoir si l'atrophie accélérée du cerveau entier observée chez les personnes recevant un traitement anti-amyloïde aura un impact négatif plus tard au cours de l'évolution clinique.

    Ces résultats mettent en évidence la complexité de la maladie d'Alzheimer elle-même. La capacité exceptionnelle de médicaments tels que le donanemab et lecanemab à éliminer l'amyloïde, associée à leur effet plutôt subtil sur le taux de déclin des mesures cognitives et fonctionnelles, suggère que l'amyloïde n'est probablement pas le seul facteur qui contribue à la progression de la maladie d'Alzheimer.

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    JDF