Gériatrie

Maladie d'Alzheimer : tout ce qu'il faut savoir sur l'immunothérapie anti-amyloïde

Quand aura-t-on accès en France au lecanemab, première immunothérapie anti-amyloïde attendue sur le marché pour lutter contre la maladie d'Alzheimer ? Les services concernés sont-ils prêts à affronter les demandes de prise en charge ? Quelle surveillance pour les futurs patients traités ? … Une experte a répondu à de nombreuses interrogations au cours du célèbre congrès, PAPA, Prescriptions et Parcours Adaptés aux Personnes Âgées. 

  • Artur Plawgo/istock
  • 05 Jul 2023
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    Le congrès PAPA, Prescriptions et Parcours Adaptés aux Personnes Âgées, qui s'est tenu il y a moins d'un mois a dédié une cession aux actualités de la maladie d'Alzheimer, une thématique centrale en gériatrie, qui fait actuellement l'objet de grandes innovations en matière thérapeutique. Dans ce domaine, un sujet est bien sûr sur toutes les lèvres : l'immunothérapie anti-amyloïde.

    Le Pr Claire Paquet, neurologue chef de service du centre de neurologie cognitive à l'hôpital Lariboisière-Fernand-Widal a fait le point sur le développement de l'immunothérapie anti-amyloïde dans la maladie d'Alzheimer et sa concrétisation pour la prise en charge des patients. A l'issue du topo, un passionnant échange de questions avec le public 100% digital pour cette année, a permis de faire le tour des interrogations pratiques sur l'arrivée très prochaine des traitements anti-amyloïdes en France, parmi lesquels le lecanemab figure en pôle position. Synthèse ici.

    Lecanemab : une étape clé en janvier prochain

    L'échange a commencé avec la question « la plus brûlante » comme l'a surnommée le modérateur de cession : quand aura-t-on accès au lecanemab en France ?  

    « Le laboratoire Eisai a déposé une demande à l'EMA (ndlr : Agence Européenne des Médicaments) et on devrait avoir une réponse en fin d'année pour une demande de dépôt d'autorisation en France en janvier » explique le Pr Paquet, qui rappelle que comme toute demande d'autorisation pour un médicament « ça passe d'abord par l'Europe puis par la France ». Ce n'est toutefois pas une autorisation de mise sur le marché (AMM) qui est à prévoir pour le moment, car « au début ce sera en ATU (ndlr : Autorisation temporaire d'utilisation) » précise l'experte qui a bon espoir ensuite de « pouvoir l'utiliser plus largement ». Pour mémoire, l'ATU est une mesure de mise à disposition exceptionnelle d'un médicament n'ayant pas encore l'AMM pour en permettre l'accès précoce, avec des conditions de prescriptions toutefois restreintes. Il est utilisé notamment lorsqu'il s'agit de traiter des patients atteints de pathologies graves, qu'il n'existe pas de traitement approprié et que la mise en œuvre du traitement ne peut être différé. 

    Prescription de lecanemab : « Il va falloir qu'on apprenne à dire non à certains patients »

    Autre question découlant de la première, la mise à disposition de ces nouveaux traitements anti-amyloïdes, parmi lesquels prochainement le lecanemab, vont impliquer des changements organisationnels majeurs dans les services, est-on prêt ?

    Pour le Pr Paquet, sur le plan théorique, les choses se mettent en place « avec des recommandations en cours d'écriture » regroupant la Fédération des centres mémoires, les autorités et les laboratoires, « tout le monde s'y met » précise-t-elle. Mais pour elle, ce qui importe aussi, c'est l'aspect pratique de la mise à place dans les services de l'accès à ces nouveaux traitements « il faut que chacun chez soi fasse la faisabilité : comment on fait pour prendre en charge les patients ? Combien je peux prendre en charge de patients ? Si j'ai 50 patients sous lecanemab, est ce que je peux faire tous les 15 jours une perfusion avec une surveillance, les prescriptions d'IRM etc.. ? » explique-t-elle avant d'ajouter

    « Et si aujourd'hui ça n'est pas possible partout il faut qu'on se prépare à ce que ça le devienne ». Et autre défi qui attend les équipes qui prendront en charge les patients « il va falloir qu'on apprenne à dire non à certains patients puisque finalement ça concernera peu de patients ». Pour mémoire les indications du lecanemab seront celles retenues de l'essai Clarity AD : troubles cognitifs légers et présence avérée (via TEP-scan ou ponction lombaire) de plaques amyloïdes.

    La ponction lombaire : l'occasion de lutter contre l'âgisme au cœur du congrès

    L'immunothérapie anti-amyloïde implique de statuer sur le statut amyloïde de patients souvent âgés voir très âgés. Pour cela, une ponction lombaire (PL) peut être nécessaire (au choix avec le TEP scan). Une des questions soulevées pendant l'échange concernait donc la potentielle limite de l'âge pour réaliser cette PL diagnostique : 85 ans, est ce un seuil à ne pas dépasser pour ce geste technique ? se demandaient certains auditeurs. Une interrogation à laquelle, le Pr Paquet a répondu vent debout, presque choquée «je trouve que donner un âge, c'est de l'âgisme ! je suis désolée de dire ça, c'est pas du tout provocateur de ma part»  et d'ajouter «chez un patient âgé atteint d'une maladie d'Alzheimer à un stade léger, qui pourra voir sa qualité de vie améliorée à être traiter ; et c'est sûr qui n'a pas 20 comorbidités, la PL elle est tout à fait faisable ! » Donc, on l'a bien compris et on ne posera plus la question : pas de limite d'âge pour réaliser la PL diagnostique. L'experte rappelle d'ailleurs à ce propos que c'est mieux toléré chez le patient très âgé que chez la personne plus jeune. Les effets indésirables sont « absolument exceptionnels » précise-t-elle.

    Une dernière question pour la route : des IRM de surveillance ?

    Pour clôturer la séance d'échange, une interrogation finale assez simple liée au risque du traitement : les patients sous immunothérapie étant à risque d'ARIA ou anomalies d'imageries liées à l'amyloïdes (ndlr : risque majeur des immunothérapies anti-amyloïde se présentant sous formes de réactions oedémateuses et/ou hémorragiques cérébrales), faudra-t-il faire des IRM de contrôle réguliers aux patients traités ?  

    Réponse positive et concise de la part de l'experte « Dans les essais, c'est tous les trois mois, je pense qu'il faudra continuer tous les 3 mois au moins sur la première année de prescription puisque les ARIA en fait surviennent surtout au moment où on commence à déloger l'amyloïde ».

    La Fédération des Centres Mémoires comme ressource

    Pour conclure, le Pr Paquet a rappelé que la FCM, Fédération des Centres Mémoires est prête à répondre aux éventuelles autres questions que peuvent avoir les médecins sur ces actualités qui vont bientôt bouleverser leurs pratiques.

     

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    JDF