Neurologie
Sclérose en plaques : analyse du mismatch lors des poussées
La corrélation anatomo-clinique reste à établir lors des poussées de sclérose en plaque (en dehors des atteintes des paires crânienne). Une étude rétrospective cherche à y répondre.
- sudok1/istock
L’équipe de Tübingen a analysé de manière rétrospective les données de 217 patients SEP vus successivement pour une poussée entre 2018 et 2020 et, pour 199, ils ont pu avoir les données de l’IRM réalisée avant le début de la corticothérapie. Les images étaient acquises dans 56.8% des cas sur une IRM 3T et 81.4% des patients ont pu avoir une exploration encéphalique et médullaire concomitante.
Les patients ont été séparés en 2 groupes : Gp1 s’il y avait une corrélation entre la clinique et une lésion active sur l’IRM et Gp2 lorsqu’il y avait un mismatch.
En cas de mismatch, des sous-groupes ont été comparés : Gp2a pour les patients avec une lésion rehaussée (Gd+) qui ne correspondait pas à la poussée clinique, Gp2b pour les patients avec une lésion pouvant expliquer les symptômes mais non rehaussée (Gd-) et Gp2c pour les patients sans lésions correspondante ni lésion Gd+.
Une corrélation dans 57% des cas
La population analysée était majoritairement composée de femmes (73%), avec un âge moyen au début de la maladie de 28 ans et une durée d’évolution à la survenue de la poussée considérée pour l’étude de 5.9 ans. 58% des patients avaient un EDSS <3 et la symptomatologie de la poussée était sensitive dans 54.8%, une atteinte du tronc cérébral ou des paires crâniennes (y compris névrite optique) dans 31.7% ou motrice dans 31.7%.
113 patients (57%) avaient une corrélation entre les signes cliniques et l’atteinte radiologique (Gp1) : ils étaient plus jeunes (31.2 vs 35.2ans, p<0.001), avaient une durée d’évolution de la maladie plus courte (45 vs 105 mois, p<0.001) et avaient présenté moins de poussées précessives (≤ 2 poussées : 75.4 vs 43.1%, p<0.001) que les patients du Gp2.
Afin de s’affranchir du potentiel biais que pourrait représenter l’immunosenescence, les résultats ont été ré-analysés en excluant les patients de plus de 55ans : il n’y avait pas de modification. De même, lorsque les auteurs ont séparé les patients ayant bénéficié d’une IRM 1.5T vs 3T, les résultats demeuraient inchangés.
Des différences de traitement et d’évolution
Les doses totales de cortisone étaient plus importantes dans le Gp1 (52.2% ont reçu 5g vs 24.4% des patients du Gp2) sans que cela entraine une récupération significativement meilleure (90% vs 84%).
Les patients du Gp1 étaient moins fréquemment sous traitement de fond lors de la poussée (45.1% vs 58.2%) sans que cela soit significatif.
Les patients du Gp2c présentaient plus de poussées précessives (p=0.003), étaient moins fréquemment diagnostiqués SEP avant la poussée considérée (p=0.035) et recevaient une dose plus faible de cortisone (p=0.012) que les patients Gp2a.
Une évaluation prospective est nécessaire
Il s’agit de la première étude visant à corréler l’atteinte clinique et radiologique lors des poussées de SEP en dehors des atteintes des paires crâniennes. Si on retiendra que, chez une majorité des patients, on observe une corrélation anatomo-clinique, cette dernière demeure absente (ou non retrouvée) chez 47% d’entre eux. Plusieurs explications peuvent être avancées : l’atteinte clinique ne serait pas la conséquence directe de la localisation d’une nouvelle lésion mais davantage liée à la perturbation de la connectivité globale du réseau neuronal ou, chez les patients avec une maladie plus évoluée, en lien avec l’inflammation neuronale diffuse (« smoldering lesions » et infiltrats méningnés).
Le caractère rétrospectif monocentrique peut avoir créer un biais d’indication : tous les patients présentant une poussée ont-ils effectivement eu une imagerie avant ? En effet, on peut s’étonner du faible nombre de patients inclus (199) en 2 ans dans un centre tertiaire… Les neurologues n’avaient-ils pas tendance à demander une imagerie en cas de doute ou d’atteinte sévère ? Enfin, les analyses en sous-groupes ont pu pâtir du faible nombre de patients dans chacun d’entre eux.
Quoiqu’il en soit la corrélation radio-clinique lors des poussées de SEP reste à éclaircir. Un PHRC doit bientôt être mis en place pour évaluer cette question de manière prospective multicentrique.
Références :
Dünschede J, Ruschil C, Bender B, Mengel A, Lindig T, Ziemann U, Kowarik MC. Clinical-Radiological Mismatch in Multiple Sclerosis Patients during Acute Relapse: Discrepancy between Clinical Symptoms and Active, Topographically Fitting MRI Lesions. J Clin Med. 2023 Jan 17;12(3):739. doi: 10.3390/jcm12030739. PMID: 36769392; PMCID: PMC9917396.











