Addictologie

Baclofène : 12 spécialistes dénoncent le travail du comité d'évaluation

Ce vendredi, 12 spécialistes de l'addiction à l'alcool dénoncent conjointement dans un communiqué "le travail téléguidé et superficiel" du comité d'experts missionné par l’Agence du médicament qui a jugé récemment l'efficacité du baclofène "cliniquement insuffisante" dans le traitement de l'alcool-dépendance.

  • thaumatrope /iStock
  • 27 Avril 2018
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    La controverse autour du baclofène continue : le 24 avril, un comité d’experts missionné par l’Agence du médicament a jugé l'efficacité du médicament "cliniquement insuffisante" dans le traitement de l'alcool-dépendance. Le comité a estimé que ce décontractant musculaire présentait "un risque potentiellement accru de développer des événements indésirables graves (y compris des décès, NDLR) en particulier à des doses élevées" et que cela pouvait conduire "à considérer que le rapport bénéfice-risque est négatif".

    Un travail "téléguidé et superficiel"

    Ce vendredi, 12 spécialistes de l'addiction à l'alcool dénoncent conjointement dans un communiqué "ce travail téléguidé et superficiel" qui selon eux, "discrédite une fois de plus l’agence du médicament française". 

    "Composé d'experts dont aucun n’est en réalité spécialiste de l’addiction à l’alcool", le comité missionné par l'Agence du médicament "a rapidement effectué sa mission sans entendre ceux qui contestent avec des arguments scientifiques solides et plus d’une décennie de pratique professionnelle l’évaluation des risques mise en œuvre par la CNAMTS, l’ANSM et l’Inserm, estime le collectif. Cette évaluation a été menée à partir de données massives médico-administratives non fiables et sans pertinence clinique, et selon une méthodologie qui ne permet en aucun cas de conclure à une quelconque relation de causalité".

    Un travail "truffé d'erreurs"

    Les spécialistes affirment que le comité "n’a pas pris en compte l’ensemble de la littérature sur le sujet" pour évaluer correctement l'efficacité du baclofène dans le traitement de l'addiction à l'alcool, alors que celle-ci y serait "globalement favorable".

    "Surtout, les éléments communiqués dans l’avis du CSST à propos des études cliniques randomisées en double aveugle du baclofène contre placebo Alpadir et Bacloville sont truffés d’erreurs, qu'il s'agisse des données d'efficacité ou des données de sécurité, insistent-ils. Pour ne citer que les erreurs les plus grossières concernant la tolérance, les décès dans le groupe baclofène n'ont pas été imputés au traitement par le comité scientifique indépendant de l'étude, et dans Alpadir il y a eu davantage d'effets indésirables graves dans le groupe placebo que dans le groupe baclofène". 

    Les scientifiques jugent à ce titre, le travail du comité missionné "superficiel". Il "discrédite une fois de plus l’agence du médicament française, qui, dans ce dossier comme dans d’autres, se distingue par sa légèreté scientifique, ses manipulations, sa désinvolture à l’égard de la recherche équitable et contradictoire de la vérité, son arrogance à l'égard des spécialistes de terrain, son mépris de la parole et de l'intérêt des patients".

    Baclofène, la controverse

    Prescrit comme traitement contre l'alcoolisme depuis 2014 dans le cadre d'une recommandation temporaire d'utilisation (RTU), l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a publié une étude coréalisée par la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) et l’Inserm, concluant que le niveau de sécurité du médicament était "préoccupant" lorsqu’il était utilisé à fortes doses chez les personnes alcooliques. Dans la foulée, l’ANSM avait réduit la dose de prescription à 80 mg par jour, contre 300 mg auparavant "compte tenu du risque accru d’hospitalisation et de décès".

    Mais il y a un an, le laboratoire Ethypharm a fait une demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) afin de commercialiser le baclofène dans le traitement de l'alcoolisme de façon officielle et définitive. L'étude du comité missionné par l'Agence du médicament était la première étape du processus.

    Les signataires du communiqué sont :

    Renaud de BEAUREPAIRE, psychiatre, chef de servi à l’hôpital Paul-Guiraud, Villejuif
     
    Amine BENYAMINA, professeur de psychiatrie et d’addictologie à l’Université Paris-Sud
     
    Samuel BLAISE, président de l’association Olivier-Ameisen
     
    Pascal GACHE, addictologue, Genève
     
    Bernard GRANGER, professeur de psychiatrie à l’Université Paris Descartes
     
    Sylvie IMBERT, présidente de l’association Baclofène
     
    Philippe JAURY, professeur de médecine générale à l’Université Paris Descartes
     
    Bernard JOUSSAUME, président de l’association Aubes
     
    Patrick de LA SELLE, président du Réseau Addiction Baclofène
     
    Jean-Roger LE GALL, membre de l’Académie nationale de médecine
     
    Thomas MAES-BARON, responsable du collectif Baclohelp
     
    Didier SICARD, professeur émérite de médecine interne à l’Université Paris Descartes, président honoraire du Comité consultatif national d’éthique

     

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