Infectiologie
Gonococcies urogénitales : une alternative orale prometteuse
Un nouvel antibiotique oral démontre une efficacité non inférieure à celle de la bithérapie injectable de référence dans le traitement des gonococcies urogénitales non compliquées, avec un bon profil de tolérance.

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L’émergence croissante de souches de Neisseria gonorrhoeae résistantes aux antibiotiques de référence, notamment aux céphalosporines de 3e génération, compromet la prise en charge des gonococcies. La gepotidacine, un antibactérien oral de nouvelle classe (triazaacenaphthylène), actif sur la gyrase et la topoisomérase IV via un mécanisme distinct des fluoroquinolones, a été évalué dans l’étude de phase 3 EAGLE-1 (NCT04010539).
Menée chez 628 patients atteints de gonococcie urogénitale non compliquée, les résultats publiés dans The Lancet démontrent la non-infériorité de la gepotidacine (2 doses de 3000 mg à 10–12 h d’intervalle, voie orale) comparé à la bithérapie standard (ceftriaxone 500 mg IM + azithromycine 1 g PO). Le critère principal, l’éradication bactérienne documentée par culture entre J4 et J8, est atteint chez 92,6 % des patients traités par gepotidacine versus 91,2 % dans le groupe contrôle (différence ajustée –0,1 %, IC à 95 % [–5,6 à 5,5]).
Les souches porteuses de mutation ne montrent pas de baisse de sensibilité
L’efficacité de la gepotidacine se confirme dans les analyses secondaires, notamment sur les sites rectaux (aucun échec rapporté dans le groupe micro-ITT) et, dans une moindre mesure, pharyngés (2 échecs dans le groupe gepotidacine, sans confirmation de réinfection). Aucun cas de persistance bactérienne n’est observé au niveau urogénital dans les deux groupes.
Les souches porteuses de la mutation ParC Asp86Asn ne montrent pas de baisse de sensibilité, et aucune mutation GyrA Ala92Thr, associée à une résistance élevée, n’a été détectée. Côté tolérance, la gepotidacine est globalement bien supportée, malgré un taux plus élevé d’effets indésirables (principalement gastro-intestinaux, légers à modérés) que le bras comparateur. Aucun événement indésirable grave lié au traitement n’est survenu.
Première phase 3 validant l’efficacité
EAGLE-1 est un essai international, ouvert mais sponsorisé en aveugle, avec randomisation 1:1, stratifiée selon le sexe, l’orientation sexuelle et l’âge. Le critère principal, basé sur des cultures positives à N. gonorrhoeae sensibles à la ceftriaxone, a été évalué de façon rigoureuse, conformément aux recommandations de la FDA. Toutefois, la population reste majoritairement masculine (92 %), blanche (74 %) et MSM (71 %), ce qui limite la généralisation des résultats, en particulier chez les femmes et les populations non blanches.
Les futures études devront inclure ces groupes, évaluer la réponse pharyngée sur un plus grand effectif et explorer les associations avec d’autres anti-infectieux (par exemple en cas de co-infection à M. genitalium ou C. trachomatis). En attendant, la gepotidacine représente une avancée prometteuse : un traitement oral efficace, qui pourrait éviter les injections, faciliter l’adhésion, réduire l’utilisation de ceftriaxone, et contribuer à la lutte contre l’antibiorésistance.