Pneumologie

Exacerbations de BPCO : prudence avec l’azithromycine en prévention des accidents cardiovasculaires

Une étude a montré que l’azithromycine au long court serait associée à une diminution du risque de survenue d'un événement cardiovasculaire après une exacerbation de BPCO, mais de quelques biais ne permettent pas de conclure de façon formelle et doivent modérer l’enthousiasme… D’après un entretien avec Gaétan DESLEE.

  • 02 Mai 2024
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    Une étude, dont les résultats sont parus dans l’American Journal of Critical Care Medicine,  a cherché à démontrer que le risque d’événement cardiovasculaire majeur, dans les 30 jours qui suivent une exacerbation de BPCO était diminué chez les patients bénéficiant d’un traitement par azithromycine au long cours. Il s’agit d’une étude rétrospective, réalisée à partir d’une base de données internationale, reprises en fonction du codage concernant les exacerbations de BPCO, chez des patients de plus de 18 ans, avec ou sans comorbidités, tabagiques ou non, en prenant en compte les critères démographiques. Les auteurs  ont ensuite comparé les patients bénéficiant d’azithromycine 3 mois avant leur exacerbation à ceux qui n’en avait pas eu depuis au moins un an. Les critères d’évaluation étaient la mortalité, le taux d’accidents vasculaires cérébraux, la présence d’une insuffisance cardiaque et la survenue d’un infarctus du myocarde dans les 30 jours suivant l’exacerbation. Des scores de propension en fonction de l’âge, du sexe et des comorbidités ont été réalisés. Au total, 16947 patients ont été comparés.

     

    Une fréquence élevée d’accidents cardiovasculaires après les exacerbations

    Le professeur Gaétan DESLEE, chef du service de pneumologie du Centre Hospitalier Universitaire de Reims,  rappelle que la fréquence des accidents cardiovasculaires majeurs dans les 30 jours suivant une exacerbation de BPCO est très élevée. Il précise que les résultats de cette étude  ont montré que 28% des patients sous azithromycine ont présenté un accident cardiovasculaire Majeur, un mois après leur exacerbation versus 31,5% pour les patients qui n’ont pas reçu d’azithromycine. Une analyse de sensibilité a été réalisé en fonction du passage dans un service d’urgence ou non et du tabagisme actif ou non. Ces résultats sont significatifs mais Gaétan DESLEE relève que les deux groupes de patients observés ne sont pas équilibrés et qu’il y a plus de patients ne sont pas traités par azithromycine, que ceux-ci sont plus jeunes, plus souvent de sexe féminin, donc moins à risque d’accident cardiovasculaire. Pour lui, il existe potentiellement plus d’accidents cardiovasculaires chez les patients « tout-venants », même sous azithromycine.

     

    Des biais qui incitent à la prudence

    Gaétan DESLEE précise que ce travail a des limites car il s’agit d’une étude rétrospective, non randomisée, réalisée à partir d’une plateforme internationale de base de données mondiale, fondée sur du codage, qui n’apporte aucune donnée sur la fonction respiratoire des patients. Il relève également un facteur confondant qui est la disparité entre les différents pays, tant dans leur système de soins que dans leurs données épidémiologiques. De plus, aucune données sur la non-utilisation de l’azithromycine par les patients n’a été identifiée, pas plus que  sur les dosages ou la galénique. Pour Gaétan DESLEE, il faut donc rester prudent, car ces résultats nécessitent des études rétrospectives pour être validés et analyser les mécanismes d’action de l’azithromycine sur la prévention des accidents cardiovasculaires, mécanisme  qui pourrait être une diminution des facteurs inflammatoires avec comme hypothèse une modulation du TNF alpha.  Il estime que la prise d’azithromycine au long cours doit rester une stratégie d’exception car, malgré un traitement bien conduit, les exacerbations restent fréquentes et le risque d’antibiorésistance, de présence de mycobactéries atypiques et d’ototoxicité ne sont pas négligeables.

     

    En conclusion, il ne faut pas mettre systématiquement les patients atteints de BPCO sous azithromycine et modérer l’enthousiasme des auteurs de ce travail, en attendant d’autres études rétrospectives permettant d’analyser les mécanismes d’action du médicament sur la prévention des accidents cardiovasculaires majeurs…

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    JDF