Diagnostic
Cancer du pancréas : on pourrait le dépister plus tôt grâce à nos selles
Le cancer du pancréas, souvent diagnostiqué trop tard, pourrait bientôt être détecté grâce à l’analyse du microbiote intestinal et des selles qui révèle des signatures bactériennes spécifiques. Une avancée qui ouvre la voie à un dépistage précoce et non invasif.

- Par Stanislas Deve
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Que vous ayez pris un petit-déjeuner ou non ce matin, "votre pancréas travaille en silence en coulisses". Cet organe discret mais vital produit les enzymes digestives et les hormones qui régulent le métabolisme. Mais lorsqu’il se met à dérailler, "les conséquences peuvent être dévastatrices", écrivent deux scientifiques du Quadram Institute, un centre de recherche britannique sur l’alimentation et la santé, dans un article publié dans The Conversation.
Des bactéries révélatrices dans nos selles
Le cancer du pancréas, surnommé "le tueur silencieux", est l’un des plus redoutés. Dans la plupart des cas, "les patients ne présentent de symptômes qu'à un stade avancé de la maladie", ce qui retarde les traitements. Résultat : en 2024, le nombre de décès par cancer du pancréas en France étaient de 12.700, pour quelque 16.000 nouveaux cas. Le type le plus courant, l’adénocarcinome canalaire pancréatique (ADKP), se forme dans le canal reliant le pancréas à l'intestin grêle. Il bloque le passage des enzymes digestives et perturbe le métabolisme énergétique, laissant les patients "chroniquement fatigués et souffrants". Puisque le pancréas est connecté au système digestif, les chercheurs s’intéressent aujourd'hui à une source peu glamour mais prometteuse : les selles. "Analyser les excréments peut sembler étrange", reconnaissent-ils, mais ils contiennent "une mine d’informations sur notre santé". En effet, "les cellules bactériennes dans le corps dépassent en nombre les cellules humaines", et ces micro-organismes forment des communautés complexes qui révèlent l’état de notre organisme. L’ADKP se développant dans une zone connectée au système digestif, les excréments deviennent "une fenêtre non invasive et pratique sur ce qui se passe dans le corps", selon les chercheurs. En analysant des échantillons de selles grâce au séquençage de l’ADN bactérien, une étude de 2025 a ainsi montré que les patients atteints d’ADKP présentent "une diversité bactérienne réduite" et un profil microbien altéré. Mieux encore, les auteurs de l’étude ont développé un modèle d’intelligence artificielle capable de "distinguer précisément les patients malades des sujets sains" à partir de leurs seuls microbiotes intestinaux.Vers un dépistage non invasif ?
Au-delà du cancer du pancréas, ces approches s’étendent à d’autres pathologies, comme le cancer colorectal ou la maladie de Parkinson. "Les interactions entre cancer et bactéries sont bidirectionnelles" : certaines signatures indiquent la maladie, tandis que d’autres en sont la conséquence. Pour les deux chercheurs, "le regard microbien sur la santé n’est donc plus une curiosité scientifique", mais bel et bien une nouvelle réalité médicale, pleine de promesses, qui pourrait, demain, sauver des vies grâce à ce que nous évacuons chaque jour aux toilettes.