Gastro-entérologie

Rectocolite hémorragique, appendicectomie et risque de cancer colorectal : quel lien ?

L'appendicectomie réalisée en cas d'appendicite protège de la rectocolite hémorragique mais réalisée de manière prophylactique augmente nettement le risque de cancer colorectal. Des chercheurs aurait mis en évidence le mécanisme cellulaire à l'origine de ce surrisque.

  • Ilya Lukichev/istock
  • 20 Déc 2022
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    L'appendicectomie réalisée en cas d'appendicite protège de la rectocolite hémorragique (RCH). Cette intervention est donc devenue une piste thérapeutique pour soulager des patients atteints de formes résistantes de la RCH. Mais pratiquée en l'absence d'appendicite, elle augmente nettement le risque de développer certains cancers colorectaux.

    L'équipe de recherche INSERM qui avait mis en évidence ce surrisque, il y a maintenant plusieurs années, a récemment étudié les mécanismes impliqués dans cette association. Dans un communiqué INSERM dédié, les chercheurs expliquent leurs découvertes et en profitent pour alerter une nouvelle fois les professionnels de santé impliqués dans ces prises en charge pour que la balance bénéfices/risques soit bien évaluée lorsque la question de l'appendicectomie se pose. 

    Un déficit cellulaire pour la surveillance antitumorale

    Sur un modèle de souris présentant une inflammation chronique du côlon mimant la RCH humaine, les chercheurs ont réalisé chez certaines une appendicectomie. Les animaux opérés ont développé bien plus de tumeurs colorectales que les autres « nous parlons d'un surrisque compris entre 15 et 20% » précise Eric Ogier-Denis, le directeur de la recherche. Pas de surprise puisque ce lien était déjà connu depuis plusieurs années.

    Mais les recherches ne se sont pas arrêtées là cette fois. Les chercheurs ont pu mettre en évidence un déficit important en lymphocytes T CD3 et CD8 dans les tumeurs des souris chez lesquelles une appendicectomie avait été pratiquée. Que faut-il en conclure ? : « [ces cellules] agissent comme des sentinelles capables de repérer et d'éliminer des cellules cancéreuses. Il semblerait donc que l'appendice joue un rôle important dans l'immunité antitumorale dans le côlon, en favorisant localement l'entrée des lymphocytes T CD 3 et CD8 » a expliqué le chercheur. 

    Des observations confirmées chez les humains

    Les observations ont été confirmées sur des échantillons tumoraux humains, issus de patients atteints de RCH. Tout comme chez les souris, les tumeurs des patients qui n'avaient plus leur appendice avaient un déficit en lymphocytes T CD3 et CD8 par rapport aux autres.

    « Et la suite de nos expériences a confirmé que l'appendicectomie bloquait l'arrivée de ces populations de cellules immunitaires antitumorales dans le côlon » a précisé le chercheur. 

    Toujours questionner la balance bénéfice/risque

    « Nos résultats sont importants à communiquer aux chirurgiens et aux gastro-entérologues, car ils questionnent le rapport bénéfice/risque d'une appendicectomie thérapeutique dans la prise en charge de la rectocolite hémorragique », a conclut Eric Ogier-Denis.

    Pour contrecarrer l'effet délétère de l'appendicectomie, les chercheurs proposent deux pistes : déclencher préalablement une appendicite, qui permet de faire monter en flèche les taux de lymphocytes T CD3 et CD8 dans le côlon avant de supprimer l'appendice ou réinjecter des cellules CD3 et CD8 prélevées chez le patient et activées in vitro pour stimuler l'immunité antitumorale. Toutefois, les chercheurs précisent que c'est « éthiquement compliqué à mettre en œuvre ».

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    JDF