Onco-digestif
Cancer colorectal métastatique : pas de réponse définitive pour la maintenance avec les anticorps anti-EGFR
La stratégie de maintenance après une chimiothérapie d’induction est devenue un standard thérapeutique chez les patients avec un cancer colorectal métastatique. Des données de phase 2 présentées à l’ASCO viennent s’ajouter aux nombreuses données déjà connues en faveur de cette stratégie sans toutefois permettre une réponse définitive.
- Istock/Mohammed Haneefa Nizamudeen
La stratégie de maintenance après une chimiothérapie d’induction est devenue un standard thérapeutique chez les patients avec un cancer colorectal métastatique.
Cette stratégie a été développée initialement en raison de la toxicité cumulative de l’oxaliplatine et validée dans les essais OPTIMOX. En cas de chimiothérapie de 1ère ligne par FOLFOX, une stratégie de « stop-and-go » avec arrêt de l’oxaliplatine après 6 cycles et ré-introduction à progression a été démontrée comme aussi efficace que la poursuite du FOLFOX jusqu’à toxicité limitante et associée à un taux de neuropathie moindre. Ces données ont été confirmées avec le bevacizumab dans plusieurs essais randomisés prospectifs et une maintenance combinant une fluoropyrimidine et le bevacizumab est actuellement un standard thérapeutique.
Une stratégie déjà largement testée
Plusieurs essais rapportés ces dernières années se sont intéressés à la possibilité de réaliser une maintenance avec les anticorps anti-EGFR. Ces essais ont évalué en maintenance la poursuite d’un anticorps anti-EGFR seul versus une pause complète (COIN-B et TIME), ou une combinaison de fluoropyrimidine et anticorps anti-EGFR versus un anticorps anti-EGFR seul (VALENTINO et MACRO2). Sous réserve du design de ces essais (phases 2 uniquement), du nombre relativement limité de patients inclus et de l’évolution des biomarqueurs prédictifs (KRAS exon 2 => RAS), la poursuite d’un anticorps anti-EGFR semblait supérieure à une pause complète, et la poursuite d’une combinaison de fluropyrimidine et anticorps anti-EGFR semblait supérieure à un anticorps anti-EGFR seul.
De nouvelles données confirment l’intérêt de la stratégie de maintenance
L’étude de phase 2 randomisée PANAMA présentée durant l’ASCO 2021 a comparé une maintenance par LV5FU2 avec (LVP) ou sans panitumumab (LV) chez des patients avec un cancer colorectal métastatique RAS non muté et une maladie contrôlée après 6 cycles de FOLFOX panitumumab en induction.
Le critère de jugement principal était la survie sans progression (SSP) à partir de la randomisation.
387 patients ont été inclus dans l’étude et 248 patients randomisés entre les deux bras de maintenance ont reçu au moins un cycle de traitement. Les caractéristiques des patients étaient comparables dans les deux bras (> 80% des patients avec une maladie en réponse partielle/complète après les 6 cycles de FOLFOX panitumumab).
La survie sans progression était significativement allongée dans le bras de maintenance LVP : 8,8 vs 5,7 mois (HR=0,72 ; IC 95% : 0,60-0,85 ; p=0,014).
Durant le traitement de maintenance, le taux de réponse objective était significativement supérieur dans le bras LVP (41% vs 26% ; p=0,02). Le profil de tolérance était par contre moins bon dans le bras LVP avec des toxicités cutanées (rash cutané 7,2%, paronychies 4,8%, fissures cutanées 2,4%) et des hypomagnésmies (6,4%) de grade 3-4 plus fréquentes.
Après progression, 45 (36%) patients du bras LVP et 75 (61%) du bras LV ont eu une ré-introduction du FOLFOX panitumumab avec des taux de réponse objective de 9% et 35% (OR=0,18 ; p=0,002), et des SSP de 3,3 et 5,8 mois (HR=2,62 ; IC 95% : 1,71-4,02 ; p<0,001), respectivement.
Les données de survie globale n’étaient pas matures avec un peu plus de 50% des évènements mais la médiane était de 28,7 mois dans le bras LVP et de 25,7 mois dans le bras LV (HR=0,84 ; IC 95% : 0,60-1,18 ; p=0,32).
Cette étude est positive pour son objectif principal mais celui-ci apparait sous optimal pour une étude de maintenance. En effet, le but d’une maintenance est de permettre une ré-introduction dans un 2ème temps et les différents essais thérapeutiques l’ayant validée avaient comme objectif principal le temps jusqu’à échec de la stratégie ou le temps de contrôle de la maladie défini comme la somme des SSP durant la maintenance puis la ré-introduction. Si on analyse les chiffres bruts des patients des deux bras ayant eu une ré-introduction, le temps jusqu’à échec de la stratégie est de 12,1 (8,8 + 3,3) vs 11,2 (5,7 + 5,8), finalement assez proches, avec près de deux fois plus de ré-introduction dans le bras LV.
Peut-on conclure à l’interet de la stratégie de maintenance ?
Deux raisons théoriques soutiennent l’intérêt d’une utilisation des anticorps anti-EGFR selon une stratégie de « stop and go » :
- une toxicité cutanée non négligeable avec une sécheresse cutanée dans 100% des cas à 6 mois, des crevasses et fissures, des paronychies… toutes ces lésions impactant la qualité de vie des patients,
- le risque de sélectionner des clones de résistance sous pression thérapeutique, impactant l’efficacité d’une ré-introduction (taux de réponse, SSP).
Au total, les résultats de cette étude ne closent pas le débat. Une analyse des patients en intention de traiter et en prenant en compte le temps jusqu’à échec de la stratégie serait pertinent pour mieux évaluer l’intérêt ou non de l’anticorps anti-EGFR en maintenance. De même des données plus matures pour la survie globale sont attendues.








